L’abbé Laguérie, supérieur de l’Institut du Bon Pasteur, a récemment précisé sur le site Disputationes theologicae comment lui-même, et l’institut qu’il dirige, recevaient les textes de Vatican II:
“L’IBP reçoit fidèlement les normes du Magistère de l’Eglise. Elles sont traditionnelles. Pour simplifier, l’adhésion à un document du Magistère, même non infaillible, venant de l’autorité suprême, suppose non seulement le respect qui lui est dû, mais requière en outre une herméneutique de conformité avec la Tradition quant à son interprétation. Cette adhésion due recouvre, par nature, des degrés d’assentiment variable, selon la forme revêtue par le Magistère : définitions infaillibles ou non, magistère ordinaire universel ou non, magistère solennel ou non, etc. ; ou pour résumer, selon que l’Eglise veut obliger ou non tous les fidèles à un assentiment ou une obéissance de foi. Pour Vatican II, on sait qu’il s’agit d’un concile pastoral non contraignant pour la foi (sauf sur les points antérieurement définis), dont la réception authentique est encore en cours ou à venir, comme l’a si bien exprimé S. E. le cardinal Ricard à Lourdes en 2006.”
L’abbé Laguérie fait ici référence au discours de clôture de l’assemblée plénière de l’épiscopat, où le cardinal Ricard, alors président, déclarait:
“Nous affirmons que l’enseignement du Concile et le dynamisme apostolique qu’il a impulsé à toute l’Eglise restent la « boussole » qui oriente notre marche. Nous disons notre vive reconnaissance à tous ceux, prêtres, diacres, religieux, religieuses et laïcs, qui ont contribué, avec beaucoup de générosité, à mettre en œuvre les orientations et les décisions conciliaires. Ils sont de bons serviteurs de l’Evangile.
Mais le Concile Vatican II est encore à recevoir. Il faut toujours vérifier que son souffle anime bien en profondeur la vie et le fonctionnement de nos communautés chrétiennes. Il s’agit de vérifier également que l’on ne met pas sous son patronage des façons de vivre, de penser, de célébrer ou de s’organiser qui n’ont rien à voir avec lui. Rester fidèle au Concile ne veut pas dire non plus qu’on demeure nostalgique des premières décennies de sa mise en œuvre. Le Concile lui-même nous invite à vivre au sein d’une Eglise pérégrinante, d’une Eglise en marche vers le Royaume, qui reçoit au jour le jour les charismes et les ministères que l’Esprit Saint lui envoie, aussi déconcertants soient-ils. “
Du texte de l’abbé Laguérie, il me semble que l’on peut retenir quelques points:
1) Les degrés d’assentiment aux divers textes du Magistère sont variables.
Ce point est fondamental: on lit trop souvent des oukases sommant telle catégorie de fidèles d’adhérer à tel enseignement. Or, ces oukases ne sont pas toujours légitimes. Pour ma part, je m’en tiens au vieil adage: “In necessariis unitas; in dubiis libertas; in omnibus caritas”.
2) Par ailleurs, l’abbé Laguérie fixe une double norme: les textes magistériels, même non infaillibles, doivent être reçus avec le respect dus à l’autorité magistérielle (qui n’est pas autre chose que l’autorité du Christ enseignant); et ils doivent être reçus selon une “herméneutique de conformité avec la Tradition”.
Sur le principe, personne ne contestera qu’il faille recevoir avec respect les textes magistériels. Et personne ne contestera non plus que ces textes doivent être compris conformément à la Tradition.
Il reste que cette “herméneutique de tradition” pose un sérieux problème intellectuel. En rigueur de termes, ce devrait être au dernier concile de nous dire comment comprendre l’enseignement de la Tradition, et non à la Tradition (énoncée par qui, si ce n’est par l’autorité magistérielle?) d’expliquer comment comprendre les textes du dernier concile.
Cette inversion logique est une conséquence de la grave crise doctrinale que traverse (encore aujourd’hui) l’Eglise. Et, naturellement, c’est plutôt une bonne chose que l’on essaie de rendre compatibles Tradition antérieure et Magistère conciliaire et post-conciliaire (le “on” dont je parle n’étant pas seulement l’abbé Laguérie, ou de simples fidèles comme votre serviteur, mais aussi le principal serviteur de la Révélation qu’est le Pape) – surtout quand nous avons si souvent subi l’herméneutique de rupture dénoncée par Benoît XVI.
3) L’abbé Laguérie parle de Vatican II comme d’un “concile pastoral non contraignant pour la foi (sauf sur les points antérieurement définis)”.
Là aussi, cette appréciation me semble problématique: comment un concile pourrait-il ne pas être contraignant pour la foi?
Pourtant, il faut bien reconnaître que Vatican II a délibérément choisi d’être un concile “atypique”, refusant de se prononcer sur les questions doctrinales.
Il nous reste à prier pour que l’autorité légitime nous explique – et le plus tôt sera le mieux – la portée de cet “atypisme” et, corollairement, la portée contraignante pour la foi de Vatican II.
Je note, en tout cas, que, de plus en plus souvent à Rome, les collaborateurs du Pape tombent d’accord avec les théologiens critiques à l’égard de ce magistère “atypique” pour dire que seuls les points de Vatican II déjà affirmés par la Tradition antérieure sont recevables sans discussion et que les points où le magistère conciliaire ou post-conciliaire semble en opposition avec la Tradition antérieure sont matière à discussion. Là aussi, il semble que le “in dubiis libertas” doive s’imposer (bien que, formellement, l’autorité d’un concile paraisse s’opposer à cette liberté). Laissons l’autorité compétente trancher, même si, pour le moment, notre situation intellectuelle est fort peu confortable!
4) Enfin, à la suite du cardinal Ricard, l’abbé Laguérie estime que la réception authentique de Vatican II est à venir. A vrai dire, c’est aussi mon point de vue. Mais il ne faut pas se dissimuler que ce point de vue est problématique: il implique que, pendant 40 ans, l’autorité interprétative de Vatican II ne nous a pas permis de comprendre la vraie signification des textes de Vatican II (à l’exception de quelques sujets ponctuels, comme le “subsistit in” ou l’unicité de la voie du salut). Là encore, il nous reste à prier pour que l’autorité légitime ne nous laisse pas trop longtemps dans le brouillard.
Plus vite une interprétation indiscutable de Vatican II sera proposée aux fidèles par l’autorité magistérielle, plus vite nous pourrons sortir de l’effrayante crise doctrinale dans laquelle nous demeurons depuis plusieurs décennies.
En tout cas, c’est l’occasion de rappeler que cette crise ne pourra se résoudre que selon les critères habituels de l’Eglise: par l’obéissance des fidèles, par l’exercice de l’autorité de la part des pasteurs, par la prière et par la sainteté de tous. Et, pour le moment, il est possible (je n’en suis pas un juge compétent) que la sainteté soit au rendez-vous, mais l’obéissance et l’autorité manquent cruellement!
La distinction “pastoral” / “dogmatique” reprise par l’abbé Laguérie n’est pas opportune pour juger de l’herméneutique d’un Concile. La connotation franchement pastorale du Concile Vatican II n’empêche pas que certains de ses documents soient explicitement qualifiés de “dogmatiques” (v.g. Lumen Gentium, sur l’Eglise, et Dei Verbum, sur la Révélation).
Il est parfaitement exact de dire, en revanche, que le type de document suppose un acquiescement plus ou moins absolu : une constitution oblige plus qu’un décret, un décret, plus qu’une déclaration.
Et je répète encore une fois ceci, qui me semble trop souvent oublié : certes l’herméneutique d’un Concile peut évoluer avec le temps (comme du reste l’herméneutique d’autres documents magistériels : on ne reçoit plus aujourd’hui le Syllabus de Pie IX comme à la fin du XIXème siècle…), mais les textes en sont intangibles tant qu’un autre Concile n’en a pas décidé autrement.
Vous dites : “doivent être reçus avec le respect dus à l’autorité magistérielle (qui n’est pas autre chose que l’autorité du Christ enseignant)”.
Je pense qu’il une erreur de compréhension des propos de l’Abbé Laguérie d’une part, et d’autre part de l’autorité dont il est question.
En disant que l’autorité n’est autre que l’autorité du Christ enseignant, vous rendez infaillible tous les propos magistériels.
Or, force est de constater que tel n’est pas le cas, lorsque le magistère s’exprime, il peut le faire à différents degrés, contraignant ou non, pastoraux ou doctrinaux, …
Et, à mon sens, c’est bien ce que dit l’Abbé Laguérie lorsqu’il dit “’adhésion à un document du Magistère, même non infaillible, venant de l’autorité suprême, suppose non seulement le respect qui lui est dû” : le dû se rapporte au document et non au magistère.
Une exhortation apostolique n’a pas le même poids qu’un motu proprio, une instruction ou une encyclique. Ce sont 4 types de documents magistériels très différents par la forme et le contenu, mais aussi par la porté de leur contenu et les obligations qui en découlent.
Il me semble que c’est à ces différences que l’Abbé Laguérie fait référence, et donc au respect de l’autorité de chaque type de document.
D’ailleurs, le supérieur de l’IBP l’explique plus loin : “cette adhésion due recouvre, par nature, des degrés d’assentiment variable, selon la forme revêtue par le Magistère”.
Je rebondis sur votre question : “comment un concile pourrait-il ne pas être contraignant pour la foi?”.
Reprenons le court passage de l’Abbé Laguérie : “Pour Vatican II, on sait qu’il s’agit d’un concile pastoral non contraignant pour la foi (sauf sur les points antérieurement définis)”.
En effet, bien que n’ayant pas lu tous les textes du dit Concile, je n’ai jamais entendu dire que Vatican II ait redéfini certains point de Foi ou de doctrine. Au contraire, tous les observateurs présents ont déclaré à l’époque qu’il s’agissait du Concile le plus traditionnel qu’il soit puisqu’il a simplement ré-exprimé des vérités de Foi ou de Doctrines déjà exprimées par le passé sous diverses formes par le Magistère.
De plus, pour revenir au premier point de mon commentaire, les textes du concile Vatican II revêtent différents degrés d’importance : il n’y a que 4 Constitutions Dogmatiques, il y a 3 déclarations et enfin 9 des décrets. Ces 3 types de documents n’ont pas la même autorité car ils concernent pas forcément la Foi ni les mœurs. Le cas le plus problématique étant Gaudium et Spes” qui tente un genre nouveau : la Constitution Pastorale, qui se veut comme constitution permis les documents ayant le plus d’autorité mais comme pastoral étant le plus lié au siècle.
Quant à la réception du concile, pensons seulement qu’il fallu près de 500 ans pour la réception complète en France de l’aspect Liturgique du Concile de Trente et le travail acharné de Dom Guéranger pour répandre le Rite Romain en lieu et place des rites diocésains.
Excellente analyse de ce lassant problème de la révision fondamentale et indispensable des 16 textes émis par ce concile que plus aucun théologien sérieux et sincère de l’Eglise Catholique ne peut plus contester.
Je confirme qu’aussi longtemps que le Pape ne prendra pas la décision de prendre le taureau par les cornes pour réviser de fond en comble les textes du Concile l’unité dans l’Eglise Catholique ne pourra pas se refaire…
Il est à noter le ton filial et paisble de l’abbé Laguérie.
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J’aimerai l’entendre de la part de beaucoup de prêtres concilliaires à qui je garde quoi qu’il en soit mon respect car ils ont survécus à une époque extrêment perturbée et pertubante.
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J’ai entendu de témoignage de quelques uns se réunissant une fois par mois dans un canton. Devant l’hécatombe sacerdotale, chacun se posait intérieurement la question: La prochaine fois lequel sera parti cette fois-ci ?
Bonjour,
1. Très rapidement, je précise qu’à mon sens nous sommes bien en présence, non avant tout d’un Concile oecuméni-Q-U-E, mais d’un Concile oecuméni-S-T-E, au regard des textes mêmes qui constituent le spécifique du Concile, à savoir, à mes yeux, DV, UR, NA, DHP.
2. C’est le déversement d’un contenu intellectuel absolument sans précédent (à tout le moins par rapport au Magistère antérieur, d’inspiration “tridentine”), à l’intérieur d’un contenant institutionnel qui a connu, dans l’histoire de l’Eglise, à peu près une vingtaine de conciles antérieurs, qui explique que nous soyons en présence de textes aussi ambivalents ou équivoques.
3. Il serait possible de parler de l’adogmatisme du Concile, mais cet adogmatisme ne porte que sur la forme officielle, pas sur le fond effectif : on imagine mal, dans l’Eglise actuelle, un évêque en fonctions à la tête d’un diocèse s’en prendre, d’une manière frontale, à la ligne de pensée oecuméni-S-T-E qui a été “dogmatisée” au Concile ; en outre, l’Eglise catholique, dans la relation « ad intra » à ce qu’elle croit et à ce qu’elle est, n’a pas renoncé à un seul article du Credo ; aussi ne retiendra-t-on pas ici, en première ligne, l’adogmatisme, même s’il est réel, du Concile.
4. Il serait également possible de parler de l’eudémonisme du Concile, en prenant appui sur une interprétation « agonistique » ou « augustinienne » de Gaudium et Spes, mais il s’agit là d’une appréciation, pas nécessairement infondée, qui risque de méconnaître le fait que, dans le christianisme catholique, il y a une part d’eudémonisme, même si cette part n’a pas, de mon point de vue, vocation à occuper la première place, mais c’est un autre débat.
5. En revanche, la désignation de la coloration, de la tonalité oecuméni-S-T-E de ce qui constitue le spécifique du Concile ne découle pas d’une appréciation subjective, mais d’une constatation objective, et chacun, qu’il soit “humanitariste” ou “progressiste”, “traditionaliste” ou “intégriste” “modernisateur” ou “légitimiste”, pourra, je le crois, reconnaître le bien-fondé de cette constatation objective, quitte
– à s’en attrister, comme le font les « intégristes »
– à s’en réjouir, comme le font les « progressistes »
ou
– à en déplorer seulement les “abus” et les “excès”, mais non certaines origines, philosophiques ou théologiques, ni certaines conséquences, doctrinales ou pastorales, de cette stratégie globale oecuméni-S-T-E (dès lors que le Saint Siège confère de l’autorité, de l’influence, du prestige, de la puissance, à ces origines et à ses conséquences), comme le font les « légitimistes ».
6. Dès l’origine, il est apparu clairement que cette stratégie globale n’avait pas en priorité pour finalité la constitution d’une fédération des énergies chrétiennes, afin que chaque confession chrétienne exhorte, encore plus qu’avant, les croyants non chrétiens, à laisser le seul vrai Dieu entrer et agir dans leur coeur et dans leurs moeurs, pour qu’ils renoncent à leurs erreurs, en matière de religion ou de morale, et se convertissent, sous la conduite et en direction de l’unique Médiateur Jésus-Christ, Lui qui est la Voie, la Vérité et la Vie.
7. Dès l’origine, il est apparu en effet que l’oecuménisme entre chrétiens, l’oecuménisme inter-confessionnel, portait en germe, en lui-même, le para-oecuménisme entre croyants, l’oecuménisme inter-religieux, même si l’on s’en est aperçu surtout à partir de la première rencontre ou réunion qui a eu lieu à Assise, en 1986.
8. De même, dès l’origine ou presque, Paul VI, conscient du fait que la rupture conciliaire
– allait être difficile à faire accepter par les évêques et surtout par les fidèles,
– allait donner lieu à des interprétations, exprimées par des mouvances, formulées par des tendances, opposées, à la fois, les unes aux autres et à lui-même,
a commencé à mettre en avant les éléments de langage constitutifs de ce qu’il faut bien appeler la première herméneutique du renouveau dans la continuité, dont on trouve plusieurs exemples dans un recueil de discours de Paul VI intitulé “Demeurez fermes dans la Foi” et paru en 1967, je dis bien en 1-9-6-7.
9. Cinquante ans, et non quarante ans après, le début de l’enclenchement de la dynamique de mise en retrait du controversisme exclusiviste “tridentin”, et de mise en avant du consensualisme inclusiviste “duovatican”, on ne voit que trop dans quelle mesure le recentrage entamé par Jean-Paul II et poursuivi par Benoît XVI est à la fois nécessaire et, sinon inopérant, du moins insuffisant, en tout cas, dans le contexte ecclésial de l’Europe occidentale.
10. Quelles sont, très rapidement, les principales composantes du dispositif conciliaire et surtout ses principales conséquences, en termes de constitution de la mentalité conciliaire qui ne cesse, depuis un demi-siècle, de dynamiser, parfois, et de fragiliser, souvent, l’Eglise catholique, depuis l’intérieur ?
Très rapidement, j’évoque ici deux composantes importantes :
– la « spiritualité » du Concile, id est la disposition d’esprit selon laquelle le christianisme catholique était moins authentiquement et dynamiquement chrétien, plus autoritaire et disciplinaire, plus légaliste et ritualiste, en amont du début du Concile ;
– la « temporalité » du Concile, id est la disposition d’esprit selon laquelle les changements et mouvements apparus dans le monde, au XX° siècle, ont vocation à être perçus par l’Eglise comme autant de « signes des temps », qu’elle doit considérer presque toujours avec la plus grande bienveillance, pour l’homme et le monde modernes, pour qu’elle aussi change et se meuve, s’adapte et se rénove, à tout le moins dans ses pratiques doctrinales, liturgiques et pastorales.
11. Mais j’évoque aussi et surtout les conséquences suivantes : l’apparition dans l’Eglise, surtout dans les années 1960 et 1970,
– d’un énorme complexe d’infériorité intellectuelle des clercs, vis-à-vis des sciences humaines et des sciences sociales non chrétiennes, et vis-à-vis de tout discours économique, sociologique, philosophique ou théologique porté par un non catholique, surtout s’il partisan du changement et du mouvement, non à l’occasion, mais par principe ;
– d’un tout aussi énorme complexe de supériorité intellectuelle des clercs, vis-à-vis des pratiques doctrinales, liturgiques, pastorales antérieures au Concile, désormais tenues pour dépassées, mais aussi vis-à-vis des clercs et des fidèles restés fidèles, c’est le cas de le dire, à ces pratiques, clercs et fidèles rapidement considérés comme des inadaptés, des archaiques, des nostalgiques, des passéistes ou des rétrogrades ;
– d’un climat mental propice à la naissance puis à la croissance d’une véritable « altérolatrie » et d’une tout aussi véritable « anthropolatrie » : c’est grâce à ce culte de l’autre et à ce culte de l’homme, que l’on a appris, en substance, à la suite du Concile,
– que les chrétiens non catholiques avaient vraiment beaucoup de choses vraies, justes et bonnes, à nous apprendre, notamment sur ce que doit être la relation à l’Eglise, aux sacrements, etc.
– que les croyants non chrétiens avaient vraiment beaucoup de choses vraies, justes et bonnes, à nous apprendre, notamment sur ce que doit être la relation à Dieu, à la prière, etc.
– que les Droits de l’Homme sans (le seul vrai) Dieu étaient vraiment la Magna Carta à laquelle les catholiques doivent et peuvent se rallier, sans objections majeures, puisqu’ils sont propices à la mise en œuvre de vertus humanistes quasiment chrétiennes, telles que le respect de la dignité et de la liberté de conscience de la personne humaine, ainsi que la fraternité, la responsabilité, la solidarité entre les personnes humaines.
12. Enfin, c’est au dispositif conciliaire, en ce qu’il est oecuméni-S-T-E, que l’on doit l’apparition, à la tête et au sein de l’Eglise,
– d’une part, d’un style magistériel, plus épiscopal que pontifical, souvent placé, sur les questions relevant de la Foi catholique, sous le signe de l’angélisme, de l’irénisme et de l’utopisme, dans les relations avec les non catholiques et avec les non chrétiens ;
– d’autre part, de la conviction selon laquelle les péchés commis contre l’homme, et notamment les péchés commis contre les points non négociables, comme l’eugénisme ou l’euthanasie, sont plus graves, plus dénonçables, dans leur principe, plus déplorables, dans leurs effets, que les péchés commis contre le seul vrai Dieu, que ces péchés contre le seul vrai Dieu soient commis par un catholique, par un non catholique, ou par un non chrétien.
C’est ainsi qu’on imagine assez mal, aujourd’hui, un Souverain pontife préciser ou rappeler,
– à un chrétien non catholique, que son positionnement confessionnel est synonyme de péché contre l’unique Eglise du Christ ;
– à un croyant non chrétien, que son positionnement religieux est synonyme de péché contre le seul vrai Dieu ;
alors que l’on conçoit plus facilement que le même Souverain pontife dénonce, au demeurant à juste titre, la culture de mort qui sévit dans les « démocraties » « humanistes » et « libérales » (là où il faudrait plutôt parler, d’oligarchies ploutocratiques hédonistes et libertaires, mais c’est un autre débat).
13. Pour conclure, je dirai que le mot qui a le plus fait de mal à l’Eglise, depuis un demi-siècle, ne figure peut-être pas dans le texte même du Concile, mais est certainement l’un des plus représentatifs de la mentalité conciliaire, elle-même adossée aux quatre textes les plus emblématiques du spécifique du Concile.
Je pense ici au mot « sensibilité » ; certes, de tout temps, la sensibilité a joué son rôle, dans la vie religieuse, dans la vie spirituelle, dans la relation à la liturgie, à la mystique, à la piété.
Mais ce qui est nouveau, c’est de penser ou de dire, par exemple, que ce qui authentifie et légitime une ligne de pensée religieuse et une ligne de vie spirituelle, au-dedans ou au-dehors de l’Eglise, ce n’est pas la conformité de la pensée et de la piété du sujet concerné avec l’orthodoxie de la Foi catholique, c’est le fait qu’il pense et vive « sa » foi en plein accord avec sa propre « sensibilité ».
C’est cela que nous devons au Concile, mais ce n’est pas un hasard, pour le coup, si la seule « sensibilité » qui n’a pas encore pleinement droit de cité, au sein même de l’Eglise, est précisément celle qui s’en prend, avec énergie et fermeté, aux fondements mêmes, d’inspiration moderniste, de ce blanc-seing donné à la « sensibilité », à l’expression comme à l’usage qui en est fait, là où le consensus s’est substitué à la vérité, en ce que celle-ci a de normatif et d’objectif, et là où la sympathie s’est substituée à la sainteté, en ce que celle-ci est synonyme de dissensus, contrariant et dérangeant, y compris au sein même de l’Eglise.
Et maintenant, quelques éléments de réponse aux quatre points soulevés.
1) « Les degrés d’assentiment aux divers textes du Magistère sont variables » (…).
Tout dépend ici de la possibilité ou pas de signaler, de souligner, ce qui a été « infaillibilisé » au Concile : le consensus, la sympathie, dans l’acception montinienne de chacun de ces deux termes, mais aussi le dialoguisme et l’œcuménisme ; l’Eglise est officiellement, « ad intra », une, sainte, catholique et apostolique, mais elle le sera d’autant plus quand elle cessera de donner l’impression d’être devenue, « ad extra », consensuelle, sympathique, dialoguante et oecuméniste, sur les questions et les réponses qui relèvent du seule vrai Dieu et de la seul vraie Foi ; or, bien souvent, ce sont ces nouvelles « notes de l’Eglise » que les pontifes et les évêques s’imposent à eux-mêmes et imposent aux fidèles, alors qu’aucune de ces nouvelles notes de l’Eglise ne découle d’un article du Credo, quel qu’il soit.
2) « Par ailleurs, l’abbé Laguérie fixe une double norme : les textes magistériels, même non infaillibles, doivent être reçus avec le respect dus à l’autorité magistérielle (qui n’est pas autre chose que l’autorité du Christ enseignant) ; et ils doivent être reçus selon une herméneutique de conformité avec la Tradition » (…).
Cette remarque est excellente ; elle montre bien le mérite mais aussi les limites de « l’herméneutique du renouveau dans la continuité », qui risque fort de se limiter à ce que j’appelle du « révisionnisme réconciliateur », destiné à la réconciliation entre les catholiques centristes ou modérés, autour du Siège apostolique, et à la marginalisation (a)symétrique des « intégristes » et des « progressistes », l’objectif de cette herméneutique n’étant pas de mettre un terme à la stratégie globale impulsée et incarnée par le Concile, mais étant bien de mettre un terme à l’interprétation la moins « continuiste » ou la plus « rupturiste », id est la plus révélatrice des origines et des conséquences les plus négatives de cette stratégie globale, ce qui n’est pas du tout, en tout cas, pour l’instant, la même chose.
3) « L’abbé Laguérie parle de Vatican II comme d’un « concile pastoral non contraignant pour la foi (sauf sur les points antérieurement définis) » (…).
Cette remarque est tout aussi excellente ; pour ma part, mais vous l’aurez compris, je ne crois pas une seule seconde en la volonté du Saint Siège de désactiver, de démanteler, de neutraliser, de dévitaliser, méthodiquement et progressivement, le cœur nucléaire oecuméni-S-T-E qui donne toute son « énergie » et toute sa « fermeté », à géométrie variable, au Concile, à sa mise en forme, et surtout à sa mise en œuvre.
Le plus discret, le plus patient, le plus prudent, le plus subtil, serait de le faire sans le dire : qu’il y ait donc, chaque année, de moins en moins de discours ou de messages, de paroles ou de textes, de rencontres ou de réunions, consacrés à l’œcuménisme inter-confessionnel ou inter-religieux : les « observateurs » et « partenaires » de l’Eglise catholique comprendront par eux-mêmes ce que cela voudra dire : cela voudra dire que l’Eglise catholique met enfin quelque peu « les bouchées doubles » pour cesser d’être, dans l’ordre de la Foi, je l’écris comme je le pense, dysfonctionnellement et obsessionnellement oecuméni-S-T-E, et pour redevenir, fondamentalement et prioritairement, catholique, tout simplement.
4) « Enfin, à la suite du cardinal Ricard, l’abbé Laguérie estime que la réception authentique de Vatican II est à venir. A vrai dire, c’est aussi mon point de vue. Mais il ne faut pas se dissimuler que ce point de vue est problématique : il implique que, pendant 40 ans, l’autorité interprétative de Vatican II ne nous a pas permis de comprendre la vraie signification des textes de Vatican II (à l’exception de quelques sujets ponctuels, comme le « subsistit in » ou l’unicité de la voie du salut). Là encore, il nous reste à prier pour que l’autorité légitime ne nous laisse pas trop longtemps dans le brouillard. »
Peut-être ne connaissez-vous pas la déclaration intitulée Dominus Iesus ; peut-être ne savez-vous pas qu’il s’agit du seul document qui a été rédigé par le Saint-Siège, à défaut d’avoir été porté à la connaissance des fidèles par les évêques, qui essaie, précisément pour des raisons et par des moyens d’ordre doctrinal, de sortir du brouillard.
Peut-être ne savez-vous pas que face à UN SEUL document, inconnu ou ignoré, de ce type, très dense et riche, mais qui n’excède pas 20 pages, vous trouverez, sous la plume de Jean-Paul II, plusieurs centaines de pages, pour ne pas dire quelques milliers de pages, de discours, de messages, d’encycliques ou d’exhortations comportant, immanquablement de véritables louanges, apologies ou exhortations, en direction de l’œcuménisme inter-confessionnel, entre chrétiens, et du para-oecuménisme, inter-religieux, entre croyants.
Une grande partie de la crise actuelle de l’Eglise repose sur cette disproportion, intentionnelle, et non accidentelle, puisqu’il s’agit de dire le plus possible, des non catholiques ou aux non catholiques, ce qui arrange le plus et ce qui contrarie le moins, et de dire le moins possible, des mêmes ou aux mêmes, ce qui arrange le moins et ce qui contrarie le plus.
Bonne journée.
A Z
Bel article.
Il est vrai qu’après la clôture de ce concile Vatican II, il était encore affirmé officiellement que ce concile n’avait rien défini en matière de foi et qu’il n’avait eu qu’un objectif pastoral.
Il n’y avait donc rien de nouveau à débattre, seulement la mise en place d’une meilleure pastorale, supposée renforcer la foi des prêtres et des fidèles.
Je n’ai pas les références de ceci sous la main ni les déclarations de certains prélats qui faisaient autorité, mais je pourrai à l’occasion les retrouver.
on a eu le sentiment que, pendant 40 ans, l’Eglise voulait moderniser la religion pour plaire au monde; or les premiers chrétiens ont voulu inversement rendre leur vie contemporaine adaptée aux évangiles; mais je me trompe peut-être
Finalement, chacun trouve une raison de déclarer facultatif ce qui ne lui plaît pas.
Mis à part cela… Pour beaucoup, “pastoral” semble signifier “facultatif” alors que “dogmatique” signifierait “obligatoire”. C’est une vision bien juridique des choses. A bien y réfléchir je me dis que c’est l’inverse qu’il faut tenir.
En effet : “dogmatique” se rapporte à la formulation de la Vérité. Or, si la Vérité ultime est incontestable, en revanche sa formulation et même sa conception sont toujours approximatives pour nos langages et nos esprits limités. L’inspiration divine n’y change rien : on ne la reçoit et la comprend qu’à l’intérieur de nos limites. Il s’ensuit que quand nous pensons la proclamer nous passons toujours peu ou prou à côté.
“Pastoral” : se rapporte plutôt à la relation avec autrui, avec le monde. Or St Paul nous dit que c’est la vertu première, qui dépasse toutes les autres. Plus que l’idée exacte, la charité fait passer un message.
Il y a donc des raisons de penser que le “pastoral” est plus important que le “dogmatique”, et qu’il requiert une adhésion non pas “facultative”, mais au contraire plus forte.
Il manque une phrase dans mon message précédent :
« Pastoral » : se rapporte plutôt à la relation avec autrui, avec le monde. La charité est de l’ordre du “pastoral”. Or St Paul nous dit que c’est la vertu première, qui dépasse toutes les autres. Plus que l’idée exacte, la charité fait passer un message.
L’herméneutique, c’est-à-dire l’interprétation authentique d’un concile, appartient au magistère seul de l’Eglise, c’est-à-dire à Benoît XVI, et non à Benoît Lobet ou à aucun autre prêtre.
Il est faux d’affirmer que le texte d’un concile peut être désavoué par un autre concile. Cela ne s’est jamais vu, cela ne s’est jamais fait. Le texte d’un concile, affirmation du magistère suprême de l’Eglise, est intangible par lui-même. Il ne peut pas être désavoué, même par un autre concile. Il peut seulement être interprété pour des parties douteuses. Ce qui est totalement différent.
Mr Lobet, revoyez votre théologie.
Je n’ai jamais prétendu que cela avait été fait; j’ai seulement dit que seul un Concile pouvait revenir sur les textes d’un Concile précédent. Ce qui signifie que le pape peut infléchir, certes, l’herméneutique d’un Concile, mais non toucher à ses textes.
Ceci relève d’une ecclésiologie élémentaire et doit être rappelé quand certains s’échinent à remettre en cause le contenu même des documents de Vatican II.
Je n’ai jamais prétendu non plus que l’herméneutique d’un Concile fût attribuable à d’autres qu’au Magistère (le pape … et les évêques, que vous oubliez).
Un Concile au moins, à y réfléchir, a été modifié dans son texte par un autre : le Concile de Constantinople (381) par le Concile d’Aix-La-Chapelle (809) et l’ajout du Filioque au Symbole de foi… avec les conséquences que l’on sait!
Pour AZ : discours très pertinent, très cohérent. Evidemment,si je suis d’accord avec l’analyse, je diverge sur l’appréciation. Pour moi, en effet, il est clair que l’Eglise catholique ne reviendra plus sur son désir d’oecuménisme et de dialogue interreligieux (que le Concile Vatican II a avalisé, certes, mais qui existait depuis longtemps : voir les Conversations de Malines au début du XXème siècle autour du Cardinal Mercier et de Lord Halifax). De la même façon, elle ne reviendra plus sur une lecture critique et spirituelle en même temps de la Bible, qui s’écarte de toute velléité historiciste ou fondamentaliste. Comme elle ne s’écartera plus d’une liturgie participative, même si les sensibilités diverses de certains peuvent toujours être respectées. Etc.
A mes yeux, c’est évidemment cette Eglise-là que j’aime et que j’entends servir…
Au fond, toutes ces discussions tournent autour de Pierre et de son “autorité” sur l’Eglise .
Moi j’en reste à ceci qui est très clair : http://www.leforumcatholique.org/message.php?num=604023
… Que personne ne peut remettre en cause, peu importe après LA FACON dont le pape s’y prend…
Benoît XVI dit à cet égard, concernant les rapports de l’obéissance hiérarchique dans l’Eglise lors de son audience générale Place Saint-Pierre du 26 mai 2010 :
“De fait, personne n’est réellement capable de diriger un troupeau s’il ne vit pas une vraie et profonde obéissance au Christ et à l’Eglise, et la docilité du peuple à ses prêtres dépend de la docilité des prêtres au Christ”…..
…. “la vraie signification ( de la hiérarchie) est d’origine sacrée. C’est une autorité qui vient d’ailleurs, qui soumet la personne au mystère du Christ et la convertit en son serviteur. Et c’est seulement en servant qu’il est possible de gouverner et de guider par le Christ et avec le Christ”…..
…. “le Pape qui est le point de référence pour la communion avec tous les pasteurs de l’Eglise ne fait pas ce qu’il veut, au contraire. Il est le garant de l’obéissance au Christ et à sa Parole”.
Pour AZ, encore : j’ai été “élevé” (collège catholique, séminaire, etc.) dans la célébration du Concile Vatican II (terme que je choisis expressément : vous savez qu’un Concile se “célèbre”) et toute ma jeunesse, mon choix de devenir prêtre, mon admission aux ordres, et jusqu’à présent la plus grande partie de mon ministère se sont déroulés sous le pontificat de Jean-Paul II, qui fut pour moi, en même temps que mes évêques, un guide, un père, un repère, un pasteur.
Je constate que son successeur vient de le béatifier, ce qui ne constitue pas précisément, me semble-t-il, un désaveu.
Et donc, je ne me sens pas étranger dans cette Eglise-là, décrite plus haut par vous-même comme “oecuméniste” ou celle du dialogue. Je sais que le dialogue suppose de ne pas renoncer à ses convictions propres, au contraire, sinon il n’est qu’une bulle inconsistante (le plus petit commun dénominateur!), et donc je crois qu’il est une tâche exigeante que l’Eglise catholique s’est assignée.
Moyennant quoi, je ne me sens pas moins “catholique” que d’autres qui écrivent sur ce blog, souvent de façon outrancière, violente même ou injurieuse.
Je suis tranquillement catholique romain, fier de mon Eglise, heureux du Souverain Pontife, attentif à ce que demande mon évêque, heureux d’être prêtre et de servir l’Eglise là où l’on me demande de le faire, sans aucune ambition (contrairement à ce que certains ici ont déjà insinué : il faudrait être fou pour désirer devenir évêque en Belgique, ce n’y est pas une promotion, mais, dans le contexte actuel, plutôt une “punition”).
Je lis ce blog et j’y interviens précisément dans un souci de fraternité, de dialogue avec des sensibilités légitimement (au moins parfois?) éloignées de la mienne.
Rebonjour,
Merci infiniment
– à la personne grâce à laquelle mes argumentaires, l’un sur le Concile Vatican II, l’autre sur la liberté religieuse, ont été publiés sur ce blog ;
– à Benoît Lobet, pour ses deux réponses, que je considère comme autant d’encouragements, pour continuer à réfléchir et à travailler sur ces questions.
Je souhaite une excellente continuation pour chacun, pour chacune d’entre vous.
A Z
Vous déraillez, Mr Lobet. Revenir sur les textes d’un concile, ça veut dire les modifier. Er aucun concile n’a jamais modifié un autre concile.
Quant au Filioque, le concile de Florence, seul oecuménique, à la différence du concile d’Aix-la-Chapelle qui ne l’était pas, s’en est très bien expliqué : “En outre, nous définissons que le Filioque, qui explique ces paroles, a été ajouté légitimement et avec raison au symbole pour éclaircir la vérité et parce que la nécessité était alors urgente.” (DZ 691).
Ajouter ne veut pas dire modifier. Ca veut dire simplement compléter. Et contrairement à ce que vous insinuait ce complément fut très heureux, nécessaire, et de plus, de foi catholique.
Le magistère des évêques est toujours dépendant de celui du pape, même en concile oecuménique.
Pas étonnant si l’Eglise de Belgique est dans un tel état, avec des prêtres comme vous.
Cher Monsieur Ferrand, ajouter, c’est évidemment modifier.
Ou alors nous ne comprenons pas le français de la même façon…
“Les conséquences que l’on sait”, c’est que le Filioque et la querelle qu’il a alimentée constituent l’une des difficultés importantes entre Eglises Catholiques et Orthodoxes.
Quant aux injures, elles sont indignes, de vous et de tous, et ne servent vraiment à rien qu’à qualifier ceux qui les profèrent.
J’ajoute, Mr Ferrand, pour votre information, que si j’ai mentionné le Concile d’Aix-La-Chapelle plutôt que celui de Florence, c’est que, à Aix-La-Chapelle, la décision fut prise d’ajouter le Filioque contre l’avis du pape, qui redoutait, à juste titre, que ce fût une ingérence de l’empire dans les affaires théologiques de l’Eglise.
Comme quoi, hein… la rivalité entre “la primauté du Concile sur le pape”, ou l’inverse, est une question qui est définitivement… non réglée. Et je maintiens fermement, comme une règle élémentaire d’ecclésiologie catholique romaine, que seul un Concile peut (éventuellement, c’est entendu) revenir sur les textes d’un Concile précédent.
J’en ai assez de l’amateurisme de ceux qui prétendent ici ou là qu’un “colloque” ou je ne sais quoi, pourquoi pas un article dans “l’Osservatore Romano” ou un post sur ce blog, tant qu’on y est, pourraient remettre en cause les textes du Concile Vatican II. Seul un autre Concile, dûment convoqué par le pape à cette fin, pourrait le faire.
Je ne sache pas que ce soit au programme.
D’où je conclus que les enseignements du Concile Vatican II, tels que publiés en latin dans leur version authentique, font durablement partie de la foi catholique romaine, même s’il est vrai qu’une déférence plus grande doit être accordée aux Constitutions qu’aux Décrets ou aux Déclarations.
L’oecuménisme, le dialogue interreligieux, le dialogue avec la société civile, la promotion des droits de l’homme, etc. : tout cela fait durablement partie de la foi catholique telle qu’exprimée par le dernier Concile en date.
J’imagine tout de même que ceci est clair et aisé à comprendre…
Bonjour,
1. Très rapidement, il me semble que la distinction la plus judicieuse n’est pas entre dogmatique et pastoral, mais entre dogmatique et adogmatique, pour bien comprendre ce que j’appelle “le spécifique” du Concile Vatican II.
2. Des conciles dogmatiques, ayant eu des conséquences, des répercussions pastorales, certaines subies, d’autres voulues, il y en a eu avant le Concile Vatican II.
3. Par ailleurs, il semble qu’il y ait eu deux ou trois conciles consécutifs : Constance (1414-1418), Bâle-Ferrare-Florence (1431-1445), Latran V (1512-1517), sans condamnation ni définition dogmatique, au sens plein du terme.
4. Dans le cas de Vatican II, nous sommes en présence d’un paradoxe, puisqu’il y a eu à la fois
– auto-limitation (auto-mutilation ?) de l’autorité du Concile (aucune condamnation, aucune définition à caractère dogmatique)
– consécration magistérielle, par élévation quasiment au rang de “para-dogmes” doctrinaux et pastoraux, notamment de l’oecuménisme, des relations avec les religions non chrétiennes, de la liberté religieuse,
– spécifiquement évoqués dans un décret et dans deux déclarations, et non dans une ou plusieurs constitutions dogmatiques,
– mais sur lesquels il n’est absolument question de revenir, comme s’il y avait un effet de cliquet doctrinal et pastoral,
que l’on s’en attriste ou que l’on s’en réjouisse étant “presque” une autre affaire.
5. Même les deux “constitutions dogmatiques” du Concile Vatican II, Dei Verbum et Lumen Gentium, ne comportent ni des condamnations, ni des définitions, catégoriques et définitives, au sens strict du terme,
– ce qui ne signifie évidemment pas que ces deux constitutions sont dépourvues d’autorité : elles sont mises en oeuvre depuis bientôt un demi-siècle ;
mais
– ce qui signifie que, leur mode de formalisation étant ce qu’il est, on ne peut pas s’en saisir, pour les comprendre, les approuver, les appliquer, les expliquer (ou pas), comme s’il s’agissait de dogmes.
6. Je dispose, dans ma documentation personnelle, de deux chroniques et de deux histoires du Concile ; on ne saura jamais exactement quel Concile aurait voulu Jean XXIII,
– d’une part, parce qu’il a, en quelque sorte, laissé travailler en parallèle
– les commissions pré-conciliaires qui ont préparé les schémas initiaux,
– les théologiens néo-modernistes qui ont contribué à l’élimination des schémas initiaux et à l’élaboration des textes définitifs ;
– d’autre part, parce qu’il est mort au printemps 1963, après la fin de la première session (à l’automne 1962), session au cours de laquelle la dynamique conciliaire avait seulement commencé à prendre son essor ou son envol.
(je sais que c’est un peu plus compliqué que cela, mais, en substance, c’est à peu près çà)
7. En revanche, compte tenu de l’autorité avec laquelle Paul VI a supervisé le déroulement des opérations, la finalisation de la formalisation du corpus textuel, y compris en acceptant des compromis, des concessions, pour obtenir le consensus le plus large possible (ce qui a posé quelques problèmes par la suite), je crois qu’il est possible de dire qu’il a été le Pape du Concile, de 1963 à 1965, ainsi que le premier Pape de l’après-Concile, de 1966 à 1978.
8. C’est un point de vue personnel, mais il me semble que s’il avait fait preuve de davantage d’autorité, de cohérence, ou d’équilibre, sur les questions doctrinales, et surtout sur les questions liturgiques et pastorales, dans la phase de mise en oeuvre du Concile, surtout entre 1969 et 1978, nous n’aurions pas connu la crise que nous avons alors subie, qui a baissé en intensité, mais qui n’est pas pour autant terminée.
Bonne journée et excellente continuation à tous.
A Z
“les théologiens néo-modernistes contribuant à l’élimination des schémas initiaux”.
Bon : il faut être cohérent. Le Concile Vatican II voulait une prise de parole des évêques, et non seulement que ceux-ci avalisent ce que les Dicastères avaient préparé.
Il y a eu, en effet, une sorte de “rébellion” des évêques qui ne comprenaient pas qu’on les convoque à Rome en Concile pour ratifier des schémas que la Curie avait élaborés sans eux.
Figuez-vous que, cinquante ans après, je les approuve!
Que les deux papes régnant lors du Concile aient été “dépassés” par les événements, c’est possible et même probable – mais cela fait partie des risques que l’on court lorsqu’on invite chacun à s’exprimer, ce qui est précisément l’enjeu d’un Concile.
Je vous rappelle que : le Concile Vatican II, c’est l’ensemble des évêques du monde catholique d’alors (plus de 3000) qui votèrent des Constitutions, des Décrets et des Déclarations, et que la théologie dogmatique de l’Eglise reconnaît unanimement que l’Esprit Saint est donné à une telle assemblée légitimement convoquée, célébrant légitimement un Concile, votant légitimement.
Tout a été fait dans les règles que l’Eglise se donne à elle-même.
Si quelqu’un veut remettre cela en cause, la procédure ou les décisions (les textes eux-mêmes, donc)… il encourt le risque de se distancier des règles ecclésiales elles-mêmes, et de se mettre “hors de l’Eglise” (institutionnelle). Cela ne le prive sans doute pas du salut éternel, mais c’est tout de même une question d’appartenance ecclésiale, donc d’appartenance à la foi catholique.
A monsieur Benoît Lobet. Ajouter n’est pas modifier. Sinon l’on n’aurait rien pu ajouter au premier concile de Nicée en 325.
Vous voyez bien que vous dites n’importe quoi.
Mr Ferrand, vous êtes d’une mauvaise foi sans borne (si j’ose dire). Il est évident que Constantinople a modifié Nicée, la différence étant que cette modification a été acceptée par tous (non sans problème : voyez les pneumatomaques).
Ajouter quelque chose à un texte, c’est évidemment le modifier.
Il faut être obtus, borné et définitivement coincé pour soutenir une sottise contraire, voyons!
Ce qui, par parenthèse, Mr Ferrand, est bien la preuve qu’un Concile (et seul un Concile) peut revenir sur les textes d’un Concile précédent pour les modifier, ainsi que je vous l’ai toujours dit. Au fond, vous en convenez vous-même, c’est ça qui est le plus drôle, puisqu’un ajout est évidemment une modification, ou alors, encore une fois, nous ne parlons pas la même langue française!
Obtus, borné et définitivement coincé, je le revendique et j’en suis fier.
Constantinople a complété Nicée et non pas modifié. Par ailleurs si vous ne croyez pas au Filioque, comme vous semblez le dire dans le post précédent, ce Filioque que vous récitez tous les dimanches à la grand’messe, vous êtes un hérétique pur et simple, condamné par le Concile de Florence.
Je préfère être borné qu’hérétique !
Vous êtes pour l’herméneutique de la rupture, Mr Lobet. Chaque concile aurait renversé le précédent, pour établir sa vérité, jusqu’à et y compris Vatican II.
Vatican II est l’expression authentique de la Tradition, à l’instar des vingt autres conciles précédents, et dans leur logique.
Vatican II n’a pas modifié Nicée ni Constantinople. A Dieu ne plaise !
Mais je crois au Filioque, voyons! J’ai simplement évoqué ses conséquences, qui sont historiques.
Pourquoi avez-vous peur du mot “modifier”?
Le maintien de l’identité suppose le changement, tout de même, dans tout organisme vivant : on sait cela depuis Aristote! Bien sûr que la foi est la même entre Nicée et Vatican II, et pourtant il y a eu des ajouts, des modifications, des changements – si vous préférez : des développements. Comme ente vous bébé et vous maintenant, il y a, je suppose, changement (modification) ET identité. Et il y a identité parce qu’il y a eu changement : telle est la loi de développement de tout organisme vivant, en ce compris de la Tradition. La question est : comment les changements maintiennent-ils l’identité dans la Tradition?
Et arrêtez d’anathémiser tout le monde tout le temps, c’est maladif, ça!
Vous croyez au Filioque et ses conséquences sont néfastes ? Ca ne tient pas debout !
Modifier, ça veut dire changer. La foi catholique n’a jamais changé.
“Et il y a identité parce qu’il y a eu changement”. Absurde dans les mots.
Vous devriez de nouveau prêter le serment antimoderniste, que vous avez prêté dans votre jeunesse.
“Quatrièmement, je reçois sincèrement la doctrine de la foi transmise des Apôtres jusqu’à nous toujours dans le même sens et dans la même interprétation par les Pères orthodoxes ; pour cette raison, je rejette absolument l’invention hérétique de l’évolution des dogmes, qui passeraient d’un sens à un autre, différent de celui que l’Eglise a d’abord professé.”
Le modernisme reste une hérésie condamnée.
Si vous vous incluez dedans, tant pis pour vous.
Je vous signale tout de même que le Vatican a récemment béatifié le Cardinal Newman, dont le maître livre porte précisément sur l’évolution du dogme…
“Développement homogène” dit notre ami A-Z : oui, je suis d’accord.
Encore un mot, sur le changement : le serment antimoderniste demandait que l’on tienne pour historiquement vrai le moindre verset de la Bible. Aujourd’hui, l’Académie Pontificale des Sciences admet que l’évolutionisme darwinien est l’hypothèse la plus probable de l’origines des espèces, et les catholiques se distancient nettement des fondamentalismes chrétiens (protestants, aux USA entre autres). Vous me permettrez tout de même d’appeler cela un changement et… de taille! Les fondamentaux n’ont pas changé : l’inerrance biblique est toujours un dogme, mais la façon de l’interpréter, oui!
Développement homogène oui, comme tout être vivant. Mais sans contradiction et sans remise en cause. Nuance !
« Tenir pour vérité de foi ce qui a été cru partout, toujours et par tous ». Saint Vincent de Lérins.
“le serment antimoderniste demandait que l’on tienne pour historiquement vrai le moindre verset de la Bible.”
Je l’ai sous les yeux. Il ne dit rien de tel.
“Je réprouve également la manière de juger et d’interpréter l’Ecriture sainte qui, dédaignant la tradition de l’Eglise, l’analogie de la foi et les règles du Siège apostolique, s’attache aux inventions des rationalistes et adopte la critique textuelle comme unique et souveraine règle, avec autant de dérèglement que de témérité.”
Vous voyez bien que vous déformez les textes, au lieu de les citer.
Je crois à l’évolution sur le plan biologique. Cela n’a rien à voir avec l’évolution des dogmes qui changeraient de sens !
Je ne crois pas au darwinisme qui est dépassé.
Monsieur l’abbé,
Etes-vous absolument certain de l’assertion suivante : l’Académie pontificale des sciences admet l’évolutionnisme DARWINIEN (je souligne) comme hypothèse la plus plausible ? Autant une certaine forme d’évolution ne pose sans doute pas de problème fondamental à la foi, autant le darwinisme, qui est lourd de postulats matérialistes et fait de l’évolution le fruit du seul hasard et supprime absolument toute finalité, est proprement inacceptable en tant que tel, puisqu’il bannit, de près comme de loin, la simple idée d’une Création divine : le Créateur devrait alors se réduire au Dieu en devenir d’Edouard Leroi ou des penseurs les plus modernistes.
Cessez, s’il vous plaît, de jouer à ce jeu de la citation. Nous sommes sur un blog, pas dans une revue théologique. Bien sûr que le darwinisme comme tel est dépassé, mais c’est lui qui a inspiré la théorie de l’évolution des espèces,qu’admet aujourd’hui le Magistère catholique et qu’il n’admettait pas sous Pie X. Et il en va de même pour l’interprétation historicisante de l’Ecriture – voir là-dessus les travaux de Poulat, etc.
Entre le Syllabus de Pie IX et Pacem in Terris, il y a tout de même des changements, voyons, même et surtout si c’est dans le maintien de l’identité catholique. Il faut être volontairement aveugle ou aveuglé pour dire le contraire!