La conférence épiscopale d’Angleterre et du Pays de Galles, dont on a beaucoup parlé ces derniers jours (et dont il faut rappeler qu’elle n’a pas d’autorité magistérielle par elle-même), a publié un texte dont j’ai pris connaissance cet été dans la Documentation catholique. Ce texte s’intitule dans la version que j’ai lue: “Rencontrer Dieu dans l’ami et l’étranger”.
J’y lis ce paragraphe:
“Concernant le peuple juif, les sœurs de Notre-Dame de Sion ont apporté un témoignage tout à fait exceptionnel. Elles ont toujours été conscientes de la relation entre christianisme et judaïsme mais depuis la Shoah, et en particulier depuis la déclaration Nostra Aetate, elles sont profondément conscientes de l’amour fidèle de Dieu pour le peuple juif. Elles se consacrent à l’amélioration du dialogue ainsi qu’à une meilleure appréciation du judaïsme et des liens entre nos deux religions.”
J’étais parfaitement conscient de l’excellent travail de la congrégation Notre-Dame de Sion, fondée par le remarquable Père Ratisbonne, Juif converti et désireux d’exposer à ses anciens correligionnaires les motifs de sa conversion et les arguments scripturaires qui l’avaient conduit à reconnaître en Jésus le Messie d’Israël.
Mais ce paragraphe me rend perplexe, à cause de cette phrase:
“Depuis la Shoah, et en particulier depuis la déclaration Nostra Aetate, elles sont profondément conscientes de l’amour fidèle de Dieu pour le peuple juif.”
Je ne vois pas comment lire ce texte autrement que comme signifiant que les soeurs de Notre-Dame de Sion ignoraient avant Vatican II l’amour fidèle de Dieu pour le peuple juif. Et, comme cette ignorance est tout à fait invraisemblable de la part d’une congrégation fondée précisément pour connaître, aimer et évangéliser le peuple juif, je vois mal comment lire ce texte autrement que comme signifiant que la notion d’amour fidèle de Dieu a changé.
Et je ne crois pas faire de “théologie fiction” en imaginant que le sens de ce changement, c’est qu’à partir de Nostra Aetate, la plupart des personnes impliquées du côté catholique dans le dialogue judéo-chrétien se sont mises à croire que “l’amour fidèle de Dieu” ou “les dons sans repentance de Dieu” pour le peuple juif signifiaient que l’anciennne alliance demeurait valide. Alors que la Tradition de l’Eglise a toujours lu ces notions comme signifiant que le peuple juif, destinataire de la première Révélation, avait vocation à entrer le premier dans la nouvelle alliance et que sa place privilégiée dans l’Eglise l’attendait toujours. Si l’on considère que l’ancienne alliance demeure valide à côté de la nouvelle, il faut avoir le courage d’aller jusqu’au bout du raisonnement: le Christ n’est donc pas mort pour les Juifs. Est-ce vraiment ça que veulent nous dire les évêques anglais? Assument-ils vraiment ce monstrueux racisme spirituel?
Accessoirement, on voit mal comment leur paragraphe serait compatible avec l’herméneutique de continuté ou de tradition que défend Benoît XVI. Si vraiment Vatican II a changé la doctrine catholique sur un point aussi décisif que le fait que Jésus-Christ soit l’unique médiateur entre Dieu et les hommes et l’unique salut des hommes, le simple fidèle que je suis apprécierait beaucoup d’être tenu au courant!
On hésite, en vous lisant : êtes vous mal intentionné ou ignorant ?
J’aurais tendance à répondre : les deux !
Jésus unique médiateur entre Dieu et les hommes est de foi depuis toujours et c’est une des forces de Vatican II d’avoir approfondi les conséquences de cette affirmation essentielle. Cette affirmation n’entraine certainement pas l’abolition de l’Alliance de Dieu avec le peuple juif. Rappelez vous ce que Jésus enseigne : non pas venu pour abolir mais accomplir. Cet accomplissement est bien expliqué par saint Paul en Romains 9-11 : lisez, vous verrez !
Ensuite, concernant l’autorité des conférences des évêques, ne faites pas semblant de ne pas comprendre. Vous espérez une papauté du genre Pie IX ou Pie X, deux pontificats lamentables, parmi les pires qu’on puisse imaginer après certains papes immondes du Moyen Age et de la Renaissance avec leur vision monarchiste de l’institution. Ce n’est pas la vraie tradition de l’Eglise. La vraie tradition est synodale : on se parle entre frères. Et donc, quand une conférence s’exprime, ce sont bien des évêques en communion entre eux et avec le pape qui s’expriment.