Le Saint-Siège vient d’annoncer la nomination de Rémy Vancottem comme évêque de Namur. Mgr Vancottem était
jusqu’ici évêque auxiliaire de Malines-Bruxelles pour le Brabant wallon. L’archidiocèse n’a donc plus qu’un évêque auxiliaire, sur les trois (ou quatre) qu’il possède d’habitude. Encore ce seul
auxiliaire, Mgr De Kesel, a-t-il été rétrogradé du vicariat de Bruxelles à celui du Brabant flamand et Malines. Au total, c’est un bouleversement que l’archidiocèse vient de vivre en quatre
mois.
On peut donc difficilement se défaire de l’impression que Mgr Léonard fait place nette pour obtenir la
nomination d’auxiliaires à son goût et remodeler son diocèse.
À cette lecture peut s’en superposer une autre, nullement incompatible. Vu que Mgr Vancottem a rarement brillé
par ses qualités, cette nomination montre combien le tournant représenté par l’“avènement” de Mgr Léonard à Malines est relatif. Nommé évêque auxiliaire de Malines-Bruxelles en 1982, Mgr
Vancottem a partagé la quasi totalité de la carrière malinoise du cardinal Danneels, dont il est une créature. Son sacre épiscopal avait été d’une telle fantaisie que l’abbé Léonard ne l’avait
pas pris au sérieux. Visiblement, Mgr Léonard a changé d’avis entre-temps car c’est bien son choix que le pape a suivi. Non seulement il eût été impensable qu’on ne prît pas sérieusement en
compte l’avis du nouvel archevêque à qui on enlevait un auxiliaire, mais il était évident dès le départ que Mgr Léonard serait consulté sur sa propre succession à Namur. Outre ces éléments de bon
sens, il faut savoir que, depuis plusieurs années déjà, André Léonard répétait qu’il serait dommage que Rémy Vancottem restât éternellement auxiliaire, et qu’il devrait recevoir un jour un
“diocèse à lui”. Ce jour est donc venu. On serait curieux de savoir si, en conseillant à Benoît XVI le nom de Vancottem, Mgr Léonard lui aura rapporté cet épisode dont il a – avec tous les
assistants – été témoin lors du sacre, le 21 mars 1982: à la question sur son obéissance au pape, le nouvel évêque avait répondu en substance: “Oui, dans le dialogue”.
Il faut honnêtement reconnaître que Mgr Léonard n’est pas le seul à avoir changé. Mgr Vancottem aussi. Alors
qu’au moment de son élévation à l’épiscopat il donnait dans un genre “conciliaire radical” (il proclamait même à qui voulait l’entendre qu’il ne porterait jamais le col romain), il est maintenant
devenu insipide et incolore. C’est une nette amélioration.
Quant à savoir si c’en sera une aussi pour le diocèse de Namur, c’est une autre question. Ce diocèse, qui n’a
guère été transformé par la pastorale léonardienne, s’est vu infliger en 2004 l’évêque auxiliaire Pierre Warin (dont Mgr Léonard lui-même ne voulait pas). Mgr Warin n’a
d’yeux que pour son mirifique Chantier paroissial. Entendez: chantier de démolition. Ce plan prévoit le regroupement des paroisses en secteurs pastoraux, avec
rétrogradation du prêtre, réduit à être un des membres de “l’équipe” du secteur. Dans ses conversations avec des prêtres du diocèse, Mgr Warin va même très loin: “Ce sera l’équipe décidera.
Malgré le prêtre s’il le faut”.
Ceci correspond-il à la promotion du sacerdoce et de la vie paroissiale dont Mgr Léonard s’est plu à donner
l’image? Dans un entretien que nous avons
déjà mentionné il a tenu à rendre à son ancien auxiliaire un hommage appuyé pour
son chantier de démolition: “[À Namur], j’aurais souhaité poursuivre le remembrement [lisez: “démembrement”, ndlr] paroissial lancé par Mgr Mathen. Je l’ai commencé mais ça s’est beaucoup
dynamisé avec l’arrivée de Mgr Warin, qui s’y est mieux pris que je ne le faisais”.
Originaire du diocèse de Liège, Wgr Warin est très en phase avec la pastorale d’Aloys Jousten, l’évêque de la
Cité ardente qui s’attache depuis 2002 à démanteler méthodiquement le réseau paroissial, avec l’aide de son vicaire général Alphonse Borras. Étant donné le profil de Mgr Vancottem, on l’imagine
mal forcer Mgr Warin à revoir sa copie. Le danger qui se profile est d’autant plus aigu que le diocèse de Namur est à la fois le plus vaste et le moins peuplé de Belgique. Arlon, la deuxième
ville du diocèse, compte à peine 25 000 habitants, et elle est éloignée de Namur par 120 km de forêts et des pâturages extensifs, émaillés d’une poussière de toutes petites villes. Point besoin
d’être grand clerc pour comprendre les effets d’un démantèlement paroissial dans un tel cadre. D’autant plus qu’en hiver, le climat rude et le relief accidenté rendent souvent les routes
impraticables. Regrouper les paroisses en secteurs et autres unités pastorales dans un tel milieu rural, c’est y signer la mort de la pratique liturgique et sacramentelle.
On est donc en droit de rester perplexe face au choix de Mgr Léonard, et de se demander si cette préférence a
été soutenue par la nonciature. La réponse à cette question est d’importance pour l’avenir du catholicisme en Belgique. Dans le dossier belge de L’Homme Nouveau dont nous avons déjà
parlé, Stefaan van Mechelen soulignait que “les toutes prochaines années offrent
l’occasion de remplacer la moitié de l’épiscopat belge. On pourra alors juger si l’espoir né tout récemment [par l’arrivée de Mgr Léonard à Malines] se confirme par une véritable restauration ou
s’il n’était qu’un feu de paille”. Nous y reviendrons dans les prochaines
semaines.