La Documentation catholique n°2427 donne des extraits d’un discours du nouveau secrétaire de la congrégation pour
l’Education catholique, Mgr Jean-Louis Bruguès, aux recteurs de séminaires pontificaux.
Certains passages correspondent parfaitement à mon analyse du pontificat de Benoît XVI et me paraissent d’autant plus symptomatiques qu’ils figurent dans un discours n’ayant que peu de choses à
voir avec ces questions. C’est pourquoi je crois utile de les signaler ici:
“Il existe désormais dans l’Eglise européenne, peut-être aussi dans l’Eglisde américaine, uen ligne de partage, peut-être de fracture, [..] entre ce que j’appellerai un “courant de composition” et
un “courant de résistance”. Le premier fait observer qu’il existe des valeurs à forte desnsité chrétienne dans la sécularisation, telles que l’égalité, la liberté, la solidarité, la responsabilité,
et qu’il doit donc être possible de composer avec elle et trouver des domaines de coopération. Le second courant invite au contraire à prendre ses distances avec elle. Il estime que les différences
ou les oppositions, surtout dans le domaine éthique, se feront de plus en plus marquées. Il propose donc un “modèle alternatif” au modèle dominant, et accepte de jouer le rôle de minorité
contestatrice.
“Le premier courant a été prédominant dans l’après-Concile; il a fourni la matrice idé”ologique des interprétations qui se sont imposées à la fin des années 1960 et durant la décennie de 1970. Les
choses se sont inversées à partir des années 1980, notamment – mais non pas exclusivement – sous l’influence du Pape Jean-Paul II. Le courant de composition a vieilli, mais ses tenants détiennent
encore des postes clés dans l’Eglise. Le courant du modèle alternatif s’est considérablement renforcé, mais il n’est pas encore devenu dominant.”
Il est hautement significatif que l’auteur de cette analyse soit un ancien évêque de France – alors que l’on sait que l’épiscopat français a été l’un des plus fervents défenseurs de ce “modèle de
composition” avec l’épiscopat allemand.
Mais Mgr Bruguès va plus loin encore. S’adressant toujours aux recteurs de séminaires et évoquant les différences entre les générations de séminaristes de l’après-concile et d’aujourd’hui, le
secrétaire de la congrégation pour l’Education catholique poursuit:
“Plus que le passage d’une génération à une autre, vous avez à assurer harmonieusement le ,passage d’une interprétation du Concile à une autre, peut-être d’un modèle ecclésial à un autre.”
Voilà qui place bien haut la barre pour les enjeux de l’actuel pontificat… et voilà qui montre clairement que “l’herméneutique de rupture” combattue par Benoît XVI a naguère bénéficié de relais
importants dans la haute hiérarchie de l’Eglise!