La sainteté personnelle, la piété rayonnante, de Jean-Paul II ne sont pas en cause dans les réflexions qui suivent,
mais seulement les problèmes délicats que risque concrètement de soulever le fait que l’Église s’engagerait magistériellement en le déclarant « exemplaire » par une canonisation.
Dans son long pontificat, il fut certainement exemplaire par bien des aspects: par son action pour faire s’effondrer le communisme dans les pays de l’Est, par son magnifique enseignement moral, par
sa lutte contre certains effets désastreux de “l’esprit du concile”, par sa dévotion mariale, par l’admirable patience qu’il a montrée dans la maladie…
D’un autre côté, il fut aussi imprudent dans le choix de certains hommes de son entourage, dans la confiance accordée à certains groupes: il prêtait d’abord attention à la fin (l’évangélisation),
sans toujours s’informer suffisamment des moyens mis en oeuvre. Dans le même ordre d’idée, il fut également imprudent dans l’organisation de la journée d’Assise et dans la promotion d’un «
œcuménisme » au sens large (avec les religions) et au sens strict (avec les communautés chrétiennes séparées de Rome). La journée d’Assise a certes été expliquée par lui avec une grande subtilité
(les religions du monde ont prié côte à côte, mais n’ont pas prié ensemble, ce qui aurait été blasphématoire). Il reste que, pour le monde entier, cette image de l’alignement des représentants des
fausses religions aux côtés du Vicaire du Christ, sans parler des cultes rendus aux fausses divinités dans des églises consacrées à la religion de l’unique Sauveur, a été perçue comme une façon de
dire que “toutes les religions se valent”… On sait, par ailleurs, que cette journée d’Assise (dont le malaise qu’elle avait provoqué a été confirmé par cet inexplicable baiser du
Pape au Coran, le 14 mai 1999) a été un des motifs, sinon le principal, avancé par la Fraternité Saint-Pie-X pour justifier sa rupture en 1988. Est-il vraiment opportun de dresser un
obstacle aussi considérable à sa réintégration ?
Benoît XVI, parlant précisément de l’état canonique de la FSSPX, a préféré évoquer, plutôt que des censures canoniques (suspense), l’« illégitimité » de sa situation, mot non canonique et
particulièrement adroit, forgé par lui pour décrire une réalité sans fermer aucune porte. De même a-t-il subtilement résolu la question de la coexistence de la nouvelle liturgie avec le rite romain
traditionnel, en créant de toutes pièces le terme ingénieux de « forme extraordinaire ».
Ne pourrait-on imaginer, pour résoudre les difficultés des canonisations à problème, dont le nombre semble se multiplier pour des raisons doctrinales ou diplomatiques, de parler par exemple de «
présence au ciel » de tel ou tel personnage, ce qui satisferait pleinement la dévotion, sans engager l’enseignement de l’Église ?