Deux religieuses américaines ont été nommées ce jour par Benoît XVI consulteurs du Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation, le nouvel organisme curial présidépar l’archevêque “Rino” Fisichella. Il s’agit de sœur Sara Butler des Missionnaires de la Trinité (Missionary Servants of the Most Blessed Trinity), professeur de théologie dogmatique au séminaire St. Joseph de Mundelein, et de sœur Mary Lou Wirtz, supérieure générale de la Congrégation des Sœurs franciscaines des Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie (Daughters of the Sacred Hearts of Jesus and Mary). Sœur Sara fut longtemps une apologiste de l’ordination des femmes : cela lui a passé. Sœur Mary Lou est la présidente depuis un an de l’International Union of Superiors General (Union internationale des Supérieures majeures). Mes lecteurs apprécieront les détails de l’habit religieux des deux sœurs…
Pardon ! mais je suis d’une humeur un peu méchante cet après-midi, et donc mon humour est un peu lourd.
J’apprécie toujours votre regard sur l’actualité de l’Église et de la société d’outre-Atlantique, mais effectivement, vous me semblez un peu «amer» aujourd’hui ! :-)
Je ne connais pas les opinions des sœurs en question, et je regrette que sur ces photos «officielles» elles n’apparaissent pas en habit. Mais de grâce, ne ramenons pas toujours cette question comme un critère binaire de vérité, ou de performance de telle ou telle activité apostolique.
Religieux vivant en France, je peux vous assurer que l’habit est tellement illisible pour nos contemporains qu’il n’est pas expédient de le porter systématiquement pour tout ce qu’on fait (je reçois plus de «salaam aleikoum» quand je le mets que de «bonjour mon père». En même temps, je porte la barbe, la confusion est facile…) L’habit est un élément de langage, et comme tel, il est susceptible d’être incompris ou mal interprété, de faire obstacle plutôt que d’aider à faire passer l’Évangile. Si le témoignage du Christ peut parfois passer par l’habit (et il y a des lieux, des groupes, où je suis attendu en habit et j’y vais ainsi car il m’aide à installer une fonction, un discours, à faire passer le message), en revanche le contre-témoignage, lui, passe toujours par l’habit. J’ai plusieurs fois expérimenté le décalage total de l’habit en certains lieux : je me suis rendu compte que je me rendais alors témoignage à moi-même, et non pas au Christ ! Par contre, sortir le soir dans le centre-ville en habit permet de faire quelques rencontres exceptionnelles où le Christ est bien présent.
Je constate aussi que le port de l’habit par les religieux est parfois réclamé par des fidèles laïcs qui n’ont pas ou peu de vie missionnaire, et qui trouvent chez les «religieux visibles» un réconfort, un peu sur le ton «d’autres s’occupent de l’annonce de l’Évangile, je peux rester dans la sacristie ou dans mon ghetto où l’annonce est aisée» (je caricature). Ce n’est jamais exprimé clairement, mais c’est latent et me conduit parfois à questionner la vie baptismale de ces personnes.
Bref, il y a selon moi des besoins différents pour le salut des âmes en fonction des gens, des temps et des lieux : il est donc nécessaire de discerner, pour le port de l’habit, sans présupposer soit qu’il faille par principe le porter toujours, ni qu’il faille l’abandonner totalement (ce que peut-être ces sœurs ont fait à une époque et qu’elles ne savent pas remettre en question aujourd’hui alors que le vent tourne et qu’une génération nouvelle arrive qui n’a cure des «combats» de ses aînés. D’un autre côté, j’imagine qu’elles sont là pour des compétences théologiques, ce n’est sans doute pas elles qui seront sur le terrain…)
Désolé pour ce commentaire un peu long, de la part d’un jeune religieux qui a soif du Christ et de Le faire connaître, et qui porte parfois l’habit dans le métro, mais n’en fait pas un absolu de son activité apostolique !
Cher frère ou père Mékeskidi,
Vous connaissez le curé de la paroisse des Pénitents à Marseille sur la Canebière, le Père Michel-Marie Zanotti-Sorkine, le prêtre “qui multiplie les paroissiens”? Lui se promène constamment en soutane car, dit-il, sinon je me fonds dans la foule. Il dit aussi que tout le monde a le droit, chrétien ou non de voir un prêtre en dehors de l’église, y compris au café. Or comment voir un prêtre s’il n’est pas visible?
Je crois qu’il est dans le vrai, non seulement à cause des très nombreuses personnes qui fréquentent maintenant son église alors qu’elle était autrefois presque déserte, mais aussi parce qu’il est en effet logique qu’une personne consacrée ne se fonde pas dans la foule: elle a été en quelque sorte tirée hors de la foule pour remplir une mission, et il faut donc qu’elle soit visible. L’habit religieux ou ecclésiastique est son étendard, étendard qui proclame: je suis un homme que Dieu a choisi pour vous donner Dieu.
Oui, je connais personnellement le père Zanotti-Sorkine dont vous parlez.
Je ne ferais cependant pas d’un seul exemple une loi, c’est un mécanisme qu’on dénonce trop souvent en politique sur des sujets autrement plus graves. Je persiste à dire : il y a différentes situations qui appellent différents comportements, et je le maintiens d’après mon expérience. Il est vrai que la soutane noire est plus facilement identifiée et rattachée au prêtre que mon habit.
Au surplus, je peux vous assurer que les groupes dont je m’occupe et les lieux que je visite sans habit (et ce parfois contre mon gré, comme à l’hôpital public), sont des lieux où je suis installé, visible et identifié, et où, apostoliquement, je ne chôme pas.
L’évangélisation du nom de Jésus sur la terre est une tâche trop importante pour qu’on nous charge en plus d’en évaluer le fruit. Je laisserai le Seigneur faire le tri au Jugement, et nous verrons alors si le critère «soutane et habit» a autant de poids qu’on veut bien lui en accorder à notre vue humaine. Pour l’instant, la seule chose dont je suis sûr c’est la Vérité que j’annonce, mais pas du tout les moyens. Je crois plus sage de reconnaître avec humilité que nous ne faisons jamais qu’essayer, en la matière, et que nous ne savons jamais ce qui est vraiment semé dans les cœurs, en bien comme en mal, par nos actions, malgré les intentions louables que nous y mettons.