C’est dans un tout petit bourg rural de Slovaquie, Spisske Podhradie, dominé par une forteresse médiévale en ruine (tout un symbole),
que le grand archevêque Charles Chaput de Denver (Colorado) a prononcé, à l’intention des chrétiens de l’Ancien comme du Nouveau Monde, un discours véritablement exceptionnel.
C’était le 24 août lors de la première session du XVe symposium de l’Association de droit canonique de Slovaquie. Une critique en règle et articulée du laïcisme agressif et du
relativisme.
Sandro Magister, sur son blogue www.chiesa, vient d’en publier la traduction en français à laquelle je vous renvoie. Voici quelques extraits particulièrement saillants du discours de l’archevêque,
mais tout serait à citer…
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« Aujourd’hui, à notre époque d’interconnexion mondiale, les défis auxquels les catholiques sont confrontés en Amérique sont à peu
près les mêmes qu’en Europe : nous affrontons une vision politique agressivement laïque et un modèle économique consumériste qui aboutissent – en pratique, sinon avec une intention avouée – à
une nouvelle forme d’athéisme encouragée par l’État. (…) -
Aux États-Unis, pays qui est encore chrétien à 80 % et qui garde un niveau élevé de pratique religieuse, des agences
gouvernementales cherchent de plus en plus, actuellement, à dire aux prêtres de l’Église comment ils devraient agir et à les contraindre à des pratiques susceptibles de détruire leur identité
catholique. Des efforts ont été faits pour décourager ou criminaliser l’expression de certaines croyances catholiques, au motif qu’elles constitueraient des “discours de haine”. Nos tribunaux
et nos corps législatifs accomplissent maintenant de manière récurrente des actes qui attaquent le mariage et la vie de famille, et ils cherchent à faire disparaître de notre vie publique le
symbolisme chrétien et les signes de l’influence chrétienne. -
En Europe, on note des tendances semblables, mais elles sont marquées par un mépris encore plus manifeste pour le christianisme.
Des dirigeants de l’Église ont été injuriés dans les médias et même devant les tribunaux simplement parce qu’ils exprimaient l’enseignement catholique. […] Au début de cet été, nous avons été
les témoins de formes de brutalité que l’on n’avait plus vues sur ce continent depuis l’époque où étaient en vigueur les méthodes policières nazies et soviétiques : le palais archiépiscopal de
Bruxelles a été perquisitionné par des policiers, des évêques ont été arrêtés et interrogés pendant neuf heures sans bénéficier des garanties légales, leurs ordinateurs privés, téléphones
portables et documents ont été confisqués. Même les tombes d’hommes d’Église défunts ont été violées à l’occasion de cette perquisition. Pour la plupart des Américains, cette sorte
d’humiliation calculée, publique, de chefs religieux serait un scandale et un abus du pouvoir de l’État. Et cela n’est pas dû aux vertus ou aux fautes de tel ou tel des dirigeants religieux
impliqués, puisque nous avons tous le devoir d’obéir aux lois justes. Le scandale tient plutôt au fait que les autorités civiles, par leur brutalité, montrent du mépris pour les croyances et
les croyants représentés par leurs dirigeants. […] -
Le cardinal Henri de Lubac a écrit un jour qu’“il n’est pas vrai que l’homme ne peut pas organiser le monde sans
Dieu. Ce qui est vrai, c’est que sans Dieu [l’homme] ne peut en fin de compte l’organiser que contre l’homme. Un humanisme exclusif est un humanisme inhumain”. -
Actuellement l’Occident s’achemine constamment vers ce nouvel “humanisme inhumain”. Et si l’Église doit réagir avec toute sa foi,
nous avons besoin de mettre en pratique les leçons que vos Églises ont apprises sous les régimes totalitaires. Un catholicisme de résistance doit être fondé sur la confiance en ces paroles du
Christ : “La vérité vous rendra libres” (Jean 8, 32). - (…)
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Si les droits de l’homme ne viennent pas de Dieu, alors ils dépendent de conventions arbitraires entre les êtres humains. L’État
existe pour défendre les droits de l’homme et pour favoriser l’épanouissement de l’homme. L’État ne peut jamais être la source de ces droits. Quand l’État s’arroge ce pouvoir, même une
démocratie peut devenir totalitaire. - (…)
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Nous vivons à une époque où l’Église est appelée à être une communauté croyante de résistance. Nous devons appeler les choses par
leur nom. Nous devons combattre les maux que nous voyons. Et, point très important, nous ne devons pas nous bercer de l’illusion selon laquelle, en nous associant aux voix du laïcisme et de la
déchristianisation, nous pourrions d’une façon quelconque adoucir ou changer les choses. Seule la vérité peut rendre les hommes libres. Nous devons être des apôtres de Jésus-Christ et de la
Vérité qu’il incarne. »