Enter Arizona ou Don’t Enter Arizona ? Th’at’s the question…
Comparaison n’est pas raison. La question de l’immigration aux États-Unis, notamment en ce qu’elle touche aux clandestins, ne saurait
être comparée, stricto sensu, à la question de l’immigration en France. L’immigration aux États-Unis est massivement transfrontalière et hispanique et plus précisément d’origine
mexicaine. Elle est aussi massivement catholique et, sans vouloir polémiquer, bien des Mexicains qui franchissent clandestinement les frontières de la Californie, de l’Arizona, du Nouveau-Mexique
ou du Texas, ne font jamais, d’une certaine manière, que revenir chez eux, c’est-à-dire dans des territoires où habitaient leurs ancêtres et dont ils furent, en grande partie, chassés par la
colonisation yankee. Cela étant dit, l’État fédéral américain et les États de l’Union ont tous les droits – pourvus qu’ils soient conformes au respect de la dignité de la personne humaine comme
aux besoins du développement économique – de promulguer des lois visant à réglementer l’immigration dans une nation qui pourtant, il convient de le rappeler, fut et est une terre d’immigration et
où les immigrants, essentiellement européens dans les débuts, ne firent pas grand cas des droits des autochtones…
Pour se protéger d’un afflux jugé excessif d’immigrés clandestins et se donner la possibilité légale de traquer ceux qui auraient
réussi à franchir sans y être invités les frontières de l’État, le législateur de l’Arizona a récemment voté la loi SB 1070, communément appelée l’Arizona Immigration
Law, laquelle a été promulguée par le gouverneur de l’État. Mais des dispositions de cette loi – notamment celle qui permet aux officiers de police de contrôler des personnes “au faciès”
– ont été jugées attentatoires au droit des personnes, et un juge fédéral, Susan Bolton, en a obtenu l’abrogation, ce qui n’a pas été sans provoquer beaucoup de remous sachant
que le juge aurait plutôt laissé parler son idéologie que son sens de l’interprétation stricte de la loi… La loi demeure donc mais amputée.
Les évêques américains, par la voix de l’évêque John Wester du diocèse de Salt Lake City (Utah), président du comité
des migrants de la Conférence épiscopale, se sont félicités de la décision de ce juge. « C’est la bonne décision, a-t-il déclaré. Toute loi qui autorise un “typage” [profiling
en américain] affecte tous les membres de nos communautés, y compris les citoyens et les résidents légaux. C’est une pente glissante. Ce dont nous avons besoin maintenant, c’est que le
Congrès et le gouvernement prennent leurs responsabilités et règlent ce problème en votant une réforme de l’immigration. »
L’évêque n’a sans doute pas tort de mettre le doigt sur une disposition particulièrement choquante que manifestait la loi de
l’Arizona, d’appeler à une refonte totale des lois fédérales sur l’immigration et d’appeler aussi à trouver des solutions aux problèmes endémiques qui sont à la racine de l’immigration
clandestine : l’absence d’emplois dans les pays d’origine.
Toutefois, au nom de qui parle vraiment l’évêque ? Est-il fondé, en droit canonique, qu’un évêque parle avec “autorité” au nom de
tous les évêques, fût-il même président d’une commission ou d’un comité d’une Conférence épiscopale ? Ce sont là des questions sur lesquelles le Magistère n’a pas véritablement tranché, et c’est,
de mon point de vue – opinion donc personnelle – à cause notamment de ce flou particulier que la question de l’autorité est aujourd’hui si mal comprise dans l’Église. Et, pour tout dire, c’est la
source principale de nos maux.
J’ai beaucoup aimé le commentaire de Thomas Peter (l’American Papist) sur cette question, le 30
juillet dernier. C’était intitulé « Appeler le mal bien : l’évêque Wester sur la décision de l’Arizona ». Je vous en livre ci-dessous la traduction.
« Permettez-moi de commencer mes remarques par les points importants qui suivent :
- – J’estime que notre système d’immigration actuel est brisé et qu’il appartient au gouvernement fédéral de le définir.
- – J’estime que la majorité des immigrants sont des gens travailleurs qui renforcent notre économie et notre pays.
-
– J’estime qu’il devrait y avoir une voie raisonnable d’accession à la citoyenneté pour les quelque 12 millions de gens qui sont
illégalement dans ce pays. L’expulsion en masse n’est tout simplement pas possible. -
– J’estime que ceux qui sont en charge du respect de la loi ont le droit absolu de vérifier la statut de citoyenneté et d’expulser
ceux qui, ayant violé la loi en entrant illégalement dans ce pays, ont commis, conséquemment, un grave délit dans notre pays. -
Cela étant dit, pourquoi, mais pourquoi, le président des Migrants de la Conférence épiscopale, l’évêque John
Wester de Salt Lake City a-t-il loué l’arrêt risible qui a été rendu voici deux jours [28 juillet] par le juge Susan Bolton ?
-
“C’est la bonne décision, a-t-il déclaré. Toute loi qui autorise un “typage” [profiling en américain] affecte tous les membres de nos communautés,
y compris les citoyens et les résidents légaux. C’est une pente glissante. Ce dont nous avons besoin maintenant, c’est que le Congrès et le gouvernement prennent leurs responsabilités et
règlent ce problème en votant une réforme de l’immigration.”
-
Je suis d’accord avec la deuxième partie : le gouvernement fédéral doit travailler à une législation réformant l’immigration. Mais
je ne peux tout simplement pas être d’accord avec la première affirmation de l’évêque qu’il s’agit là d’une “bonne décision” ! C’est un déguisement du militantisme judiciaire. Une
interprétation fautive d’une loi qui a du être décrétée au premier motif que le gouvernement fédéral n’assume pas ses responsabilités. Voyez l’éditorial de Rich Lowry aujourd’hui [30 juillet] : -
“Au signal du gouvernement Obama menant une action judiciaire contre la loi, le juge Bolton
s’est dite inquiète que trop d’étrangers légaux pourraient être pris dans la rafle de l’Arizona. Bien sûr, ces étrangers ont déjà l’obligation de par la loi fédérale d’avoir sur eux la preuve
de leur statut légal. Mais mettons cela de côté (comme le fait le juge Bolton). Elle prétend que trop d’étrangers en situation régulière, mais sans avoir sur eux les documents
prouvant leur entrée légale aux États-Unis, seraient menacés, y compris de visiteurs de pays non soumis à l’obligation de visa. -
À titre d’exemple, supposons que des visiteurs venant de pays comme la Norvège ou l’Australie franchissent en nombre la
frontière de l’Arizona. Et supposons qu’ils se livrent avec imprudence à des conduites illégales provoquant les flics à les interpeller. Et supposons qu’ils manifestent tous les comportements
qu’on associe aux immigrants illégaux. Comment un tel visiteur pourrait échapper au redoutable destin qu’il l’attend quand un officier de police l’interroge sur son statut légal ? Peut-être en
produisant un passeport tamponné de la durée de son séjour, et que possède tout visiteur en provenance d’un pays non soumis à l’obligation de visa”. -
Tout l’éditorial de Lowry, point par point, établit que l’arrêt du juge Bolton est absurde à la
fois dans le cadre des lois actuelles et selon les simples exigences de la prudence et de la raison. Le juge Bolton a profité d’une situation de vide juridique pour y injecter
un raisonnement idéologique et personnel afin d’éroder davantage l’application de la loi. Et dans un effort malavisé pour que les immigrants illégaux soient traités avec justice, l’évêque
Wester a décidé de soutenir une décision qui ne fait que créer des inégalités encore plus catastrophiques dans notre société. »
Voilà un superbe sujet de réflexion théologico-politique. Qu’en pensez-vous ?