Mes mises en garde répétées contre le « voyou de Chicago » qu’est Obama n’ont pas l’heur de plaire à quelques journalistes catholiques. L’un d’entre eux m’a même agressé sur un blogue : en
quelque sorte « un bourre-pif en plei
ne paix » pour reprendre une réplique célèbre d’Audiard dont le style imagé et populaire devrait plaire à ce
jeune écrivain, encore que je me sente plutôt du côté de « Monsieur Fernand », en qualité de redresseur de torts, qu’à celui de l’aîné des « Volfoni » qui profère, stupéfait, ce constat
douloureux…
Je ne le dirai donc jamais assez : quand Obama nomme, pour des considérations politiques et électorales, des catholiques, ce sont des catholiques “douteux” ou franchement hérétiques. Il
n’y a jusqu’à présent aucune exception. Il y aurait toutefois pu en avoir une, ce lundi 13 juillet, quand Obama a désigné le Dr Regina Benjamin (photo prise ce même jour : Regina Benjamin radieuse entre Obama et Kathleen Sebelius, ministre de la Santé, “catholique” et
pro-avortement…), « Surgeon General » des États-Unis.
Dans les trois Armes existe un Surgeon General, un médecin-chef, mais nous sommes dans ce cas précis dans l’administration civile et le Surgeon General des États-Unis est
le responsable opérationnel suprême de ce qu’on nomme en Amérique le Public Health Service Commissioned Corps (PHSCC), qui n’est pas vraiment l’équivalent de la Conférence
nationale de santé française, mais cela donnera une idée. Le Surgeon General est nommé par le Président, choix qui doit être ratifié par une majorité du Sénat, et pour une mission de
quatre ans. Il dépend du secrétaire d’État à la santé (lui-même sous l’autorité du ministre de la Santé – mais aux États-Unis Secretary of State = ministre et non « secrétaire d’État ». En
gros, si le ministre de la Santé à rang d’amiral 4 étoiles, le Surgeon General à rang d’amiral à 3 étoiles… Il dirige un corps de 6 000 fonctionnaires professionnels de santé qui peuvent
être mobilisés 24 h/24 et expédiés partout aux États-Unis en cas de catastrophes naturelles, d’épidémies, etc. Les Américains connaissent surtout le Surgeon General par les mises en garde
qu’il fait imprimer sur les paquets de cigarettes et les bouteilles d’alcool… Il est le porte-parole n° 1 en matière de santé aux États-Unis. C’est, évidemment, un poste de grande importance.
Celle qui vient d’être désignée à cette fonction, est un médecin généraliste de l’Alabama, une Afro-Américaine catholique et pratiquante 1, diplômée de la Xavier University de
la Nouvelle Orléans et qui a reçu son diplôme de médecine de la University of Alabama de Birmingham. Il n’y a aucun doute que dans son activité de médecin elle s’est énormément dévouée aux
pauvres, et son action a été exemplaire lors des ouragans Georges (1998) et Katrina (2005).
Comme médecin catholique elle appartient au conseil d’administration de la Catholic Health Association (dont elle devra démissionner si elle est confirmée par le Sénat). Son action
professionnelle lui a valu plusieurs distinctions enviées : le Nelson Mandela Award for Health and Human Rights (1998), le National Caring Award (2000), une récompense inspirée par
Mère Teresa, et la médaille Pro Ecclesia et Pontifice accordée par Benoît XVI (2006).
Tout semble donc pour le mieux, et une telle nomination pourrait en effet donner du crédit à ceux qui me reproche un parti pris anti-Obama…
Il est vrai que le premier communiqué de la Catholic League, du 13 juillet, était très élogieux et pour le Dr Benjamin et pour Obama. « Le choix du Surgeon General
est excellent », titrait le communiqué de Bill Donohue, dont voici la traduction :
« Le Président Obama a fait le bon choix en la personne du nouveau Surgeon General. Le Dr Benjamin est une héroïne pour toutes les victimes des ouragans Katrina et Rita.
Ses efforts inlassables et dévoués constituent un modèle pour tous les médecins.
Le Dr Benjamin est une Afro-Américaine catholique et une fonctionnaire consacrée par le pape Benoît XVI : le Saint Père l’a honoré de la médaille Pro Ecclesia et
Pontifice pour ses services éminents. Quand le pape a célébré la Messe à Washington D.C. en 2008, le Dr Benjamin était présente pour recevoir sa bénédiction. En outre, elle a aussi
reçu le National Caring Award, une distinction inspirée par Mère Teresa. “L’Église a toujours été une partie importante de ma vie”, a-t-elle déclaré au Catholic Digest. “Je
crois que je continue le ministère de guérison du Christ. Je me sens obligée de continuer ses œuvres”.
Félicitations au Président Obama, et félicitations au Dr Benjamin. Elle devrait passer l’épreuve du Sénat ».
C’était beau. Mais, c’était peut-être trop beau…
Le 14 juillet, la Catholic League se ravisait, et son président, Bill Donohue, donnait un second communiqué intitulé « Le choix du Surgeon General est déjà sur le grill
». En voici, la traduction :
« Hier, j’ai applaudi le président Obama et félicité le Dr Benjamin : elle est un excellent choix comme Surgeon General. Mais il y a des choses qui sont en train de se
passer très vite et qui vont éprouver ses nerfs d’ici peu.
D’abord, lors de la même conférence de presse au cours de laquelle il annonça son choix du Dr Benjamin, le président Obama insista sur la nécessité d’une nouvelle loi sur la santé.
Pour tout dire, il a fait savoir à la Commission financière du Sénat qu’il voulait un projet de loi d’ici à la fin de la semaine. La question cruciale est de savoir si l’aide à l’avortement sera
autorisée dans l’architecture du projet de loi.
Le 25 juin dernier, 19 députés démocrates dont 11 catholiques, ont adressé une lettre à Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des Représentants, pour lui indiquer qu’ils ne voteraient pas
la loi visant à la réforme du système de santé “à moins qu’elle n’exclue explicitement tout financement de l’avortement” de son architecture. Selon Douglas Johnson du National Right to
Life Committee, les projets de loi envisagés “contiennent de nombreuses dispositions qui auraient pour conséquence d’autoriser au plan fédéral la couverture de l’avortement à la demande par
les systèmes d’assurance, des aides fédérales massives à l’avortement, l’autorisation de créer en nombre de nouvelles cliniques d’avortement et l’abolition d’un certain nombre de limitations à
l’avortement dans plusieurs États”.
Bon, mais qu’est-ce que vient faire le Dr Benjamin dans tout cela ?
Le 19 juin, les commisions parlementaires des Moyens 2, de l’Énergie et du Commerce, de l’Éducation et du Travail, ont annoncé qu’une nouvelle commission consultative aura à décider
quels services pourront faire l’objet d’une couverture. Et qui est à la tête de la commission consultative sur les allocations-santé ? Le Surgeon General.
Le Dr Benjamin ne devrait pas attendre que le Sénat mette à l’étude sa désignation pour dire au public qu’elle est sa position. En tant que catholique pratiquante elle ne peut pas présider
une commission qui soutiendrait l’autorisation d’une couverture-avortement dans le système d’assurance des employés. Il n’y a aucun “terrain d’entente” 3 sur cette question ».
Le vicaire général du diocèse de Mobile a reconnu ne pas savoir « explicitement » la position de Benjamin sur l’avortement, car il n’en a jamais discuté avec elle, mais il «
espère que sa position est conforme à celle de l’Église ». Je l’espère aussi, mais je n’oublie pas que Benjamin a été membre du conseil d’administration de l’association
internationale Physicians for the Human Rights (Médecins pour les Droits de l’Homme) qui défend l’accès à l’avortement. Je n’ignore pas non plus que dans la clinique qu’elle a fondée et
qu’elle dirige, la Bayou La Batre Rural Health Clinic, on ne pratique pas l’avortement mais qu’on dirige volontiers celles qui le demandent vers d’autres « centres de soins reproductifs ».
L’ancien archevêque de Mobile, Mgr Oscar H. Lipscomb, la reconnaît comme « une catholique authentique ». Il faudra alors que l’émérite de Mobile me dise si la prescription de
contraceptifs, à laquelle se livrait régulièrement le Dr Benjamin, est désormais un « brevet » de catholicisme authentique…
Un nouveau dossier à suivre…
1. Regina Benjamin est une paroissienne de l’église du Shrine of the Holy Cross, à Daphne, diocèse de Mobile en Alabama, et « lecteur » à la
paroisse-cathédrale de l’Immaculate Conception de Mobile dont le premier évêque, Michel Portier (1795-1859), et le troisième, Louis-Guillaume Dubourg (1766-1833), furent des
Français.
2. « Moyens » traduit ici Ways and Means. Il s’agit d’une très importante commission de la Chambre des Représentants qui, non seulement, à juridiction sur les impôts et les taxes, mais
aussi sur la sécurité sociale américaine, les indemnités aux chômeurs, le système Medicare, les lois d’aide à l’enfance, de soutien aux familles dans le besoin (programme fédéral
Temporary Assistance for Needy Families), les orphelins et les procédures d’adoption…
3. Les « terrains d’entente » (common grounds) sont devenus la tarte-à-la-crème de l’administration Obama, et il est confondant de constater qu’une dialectique pas si
habile que cela fascine nombre de catholiques prêts à « lâcher la proie pour l’ombre » : les points non négociables au profit des « terrains d’entente » évidemment négociables.