officiel. Le Saint Père est arrivé sur la pelouse du portique du sud à 10 h 30, où l’attendait le Président des États-Unis et son épouse,. Le vice-Président Dick Cheney,
Nancy Pelosi, présidente démocrate de la Chambre des députés, et d’autres personnalités présentes au milieu d’une foule d’invités estimée à 12 000 personnes qui n’ont pas manquer de
souhaiter un heureux anniversaire
au Saint Père. La partie publique de cette réception a été plutôt brève, puisqu’à 11 h (heure locale) le pape et le Président
quittaient la pelouse pour le Salon ovale où le tête-à-tête allait durer jusqu’à 12 h. George Bush a salué le pape d’un
vibrant – encore que surprenant – « Pax Tecum ». Voici le texte de l’allocution de Benoît XVI, tel qu’il a été traduit par le quotidien La Croix – je n’ai procédé qu’à de très légères modifications, n’ayant pas encore la version officielle en anglais – et rajouté une
petite note historique.
Monsieur le président,
je vous remercie pour les aimables mots de bienvenue que vous m’avez adressés au nom du peuple des États-Unis d’Amérique. J’apprécie profondément votre invitation à visiter ce grand pays. Ma
visite coïncide avec un moment important de la vie de la communauté catholique en Amérique : la célébration du 200ème anniversaire de l’élévation du premier diocèse de ce pays – Baltimore – comme
archevêché métropolitain, et l’établissement des sièges de New York, Boston, Philadelphie et Louisville [1]. Je suis heureux, en outre,
d’être ici en tant qu’invité de tous les Américains. Je viens en ami, en prédicateur de l’Évangile et avec un grand respect pour cette vaste société pluraliste. Les catholiques américains ont
apporté, et continuent d’apporter, une remarquable contribution à la vie de leur pays. Au moment où commence ma visite, je suis sûr que ma présence sera une source de renouvellement et
d’espérance pour l’Église aux États-Unis et qu’elle renforcera la détermination des catholiques à contribuer toujours plus résolument à la vie de cette nation dont ils sont fiers d’être les
citoyens.
Depuis l’aube de la République, la quête de liberté de l’Amérique a été guidée par la conviction que les principes du gouvernement politique et de la vie sociale sont intimement liés à un ordre
moral subordonné au Dieu créateur. Les rédacteurs des textes fondateurs de cette nation ont mis en avant cette conviction quand ils ont proclamé « l’évidente vérité » que tous les hommes sont
créés égaux et dotés de droits inaliénables enracinés dans les lois de la nature et du Dieu de la nature. Le cours de l’histoire des États-Unis démontre les difficultés, les luttes et la grande
résolution intellectuelle et morale nécessaires pour façonner une société qui a fidèlement intégré ces nobles principes. Dans ce processus, qui a forgé l’âme de la Nation, les croyances
religieuses ont été une constante inspiration et une force directrice, par exemple dans la lutte contre l’esclavage et dans le
mouvement des droits civiques. À notre époque, particulièrement dans les moments de crise, les Américains continuent à trouver leur force dans leur engagement pour ce patrimoine d’aspirations et
d’idéaux partagés.
Dans les prochains jours, j’aurai la joie de rencontrer non seulement la communauté catholique américaine, mais aussi d’autres communautés chrétiennes et des représentants des nombreuses
traditions religieuses présentes dans ce pays. Historiquement, les catholiques, mais aussi tous les croyants, ont trouvé ici la liberté de prier Dieu en accord avec ce que leur dictait leur
conscience, tout en étant, dans le même temps, acceptés comme une partie de la communauté politique dans laquelle chaque personne et chaque groupe peut faire entendre sa voix. Alors que la nation
fait face à des questions politiques et éthiques de plus en plus complexes, je suis sûr que le peuple américain trouvera dans ses croyances religieuses une source précieuse de discernement et une
inspiration à poursuivre un dialogue raisonné, responsable et respectueux pour construire une société plus humaine et plus libre.
La liberté n’est pas seulement un don, mais aussi un appel à la responsabilité personnelle. Les Américains le savent par expérience –
presque chaque ville de ce pays possède ses monuments qui rendent hommage à ceux qui ont sacrifié leur vie pour la défense de la liberté, soit sur leur propre terre, soit à l’étranger. La défense
de la liberté appelle à cultiver la vertu, l’autodiscipline, le sacrifice pour le bien commun et un sens de la responsabilité envers les plus démunis. Elle exige en outre le courage de s’engager
dans la vie civile et de porter ses croyances religieuses et ses valeurs les plus profondes dans le débat public raisonnable. En un mot, la liberté est toujours neuve. Il s’agit d’un défi lancé à
chaque génération, et il doit être constamment relevé en vue du bien (cf. Spe Salvi, 24). Peu ont compris cela avec autant de lucidité que le vénéré pape Jean-Paul II. En réfléchissant à
la victoire spirituelle de la liberté sur le totalitarisme dans sa Pologne natale et en Europe orientale, il nous a rappelé combien l’histoire met en évidence, en de nombreuses occasions, que « dans un monde sans vérité, la liberté perd son propre fondement » et qu’une démocratie sans valeurs peut perdre son âme (cf.
Centesimus annus, 46). Ces paroles prophétiques font écho, d’une certaine manière, à la conviction du président Washington, exprimée dans son discours d’adieu, selon laquelle la religion
et la moralité constituent « les soutiens indispensables » à la prospérité politique.
L’Église, pour sa part, désire contribuer à la construction d’un monde toujours plus digne de la personne humaine, créée à l’image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1,26-27). Elle est
convaincue que la foi jette une lumière nouvelle sur toutes choses, et que l’Évangile révèle la noble vocation et le sublime destin de chaque homme et de chaque femme (cf. Gaudium et Spes, 10).
La foi, en outre, nous offre la force de répondre à notre haute vocation et l’espérance qui nous inspire pour travailler à une société toujours plus juste et fraternelle. La démocratie ne peut
fleurir, vos Pères fondateurs le savaient bien, que lorsque les responsables politiques et ceux qu’ils représentent sont guidés par la vérité et la sagesse, née d’un principe moral ferme, en vue des décisions qui concernent la vie et l’avenir des nations.
Depuis plus d’un siècle, les États-Unis d’Amérique jouent un rôle important dans la communauté internationale. Vendredi prochain, si Dieu le veut, j’aurai l’honneur de m’adresser à l’Organisation
des Nations Unies, où j’espère encourager les efforts déjà en cours pour faire de cette institution une voix encore plus efficace pour les attentes légitimes de tous les peuples du monde. À cet
égard, pour le 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, l’exigence d’une solidarité mondiale est plus urgente que jamais, si on veut que tous puissent vivre en accord
avec leur dignité, comme frères et sœurs habitant la même maison, autour de la table que la bonté de Dieu a préparée pour tous ses fils. L’Amérique s’est toujours montrée généreuse pour subvenir
aux besoins urgents des hommes, en promouvant le développement et en venant au secours des victimes des catastrophes naturelles. J’ai
confiance qu’une telle préoccupation pour cette grande famille humaine continuera à s’exprimer dans le soutien des efforts patients de la diplomatie internationale destinés à résoudre les
conflits et à promouvoir le progrès. Ainsi, les générations futures seront en mesure de vivre dans un monde où la vérité, la liberté et la justice pourront fleurir, dans un monde où la dignité et
les droits donnés par Dieu à chaque homme, femme et enfant, seront considérés, protégés et promus efficacement.
Monsieur le Président, chers amis, alors que débute ma visite aux États-Unis, je veux exprimer encore une fois ma gratitude pour l’invitation qui m’a été adressée, ma joie d’être parmi vous, et
ma fervente prière afin que Dieu Tout-Puissant confirme cette nation et son peuple sur les voies de la justice, de la prospérité et de la paix. Dieu bénisse l’Amérique !