« Entre la vie et la mort » : au sens figuré comme au sens propre s’entend…
Il y a quelques heures heures, à 10 h du matin, heure locale (Washington D.C., 16 h à Paris), les cent sénateurs qui composent le Sénat des États-Unis sont entrés en séance pour un premier débat
suivi d’un vote sur la version Chambre Haute de l’ObamaCare, que le chef de la majorité D
émocrate, Harry Reid (photo), a laborieusement, longuement et dans le détail négocié directement avec la Maison
Blanche. Le projet de loi du Sénat est très exactement le projet de la Maison Blanche, c’est-à-dire celui d’Obama !
Mais ce premier débat, qui devrait se poursuivre jusque vers 20 h (heure locale, c’est-à-dire jusqu’à demain dimanche 2 h du matin), n’est qu’un débat de procédure : la question sur laquelle les
sénateurs vont voter, est celle de savoir si l’on accepte que cette loi soit débattue au Sénat. Pour que cette motion de procédure soit acceptée, il faut qu’elle soit adoptée par 60 sénateurs.
Or, le groupe Démocrate au Sénat se compose de 60 membres : 58 sont du Parti Démocrate, et 2 sont des Indépendants. Sachant que tous les Républicains (40 sénateurs) voteront en bloc contre
l’inscription aux débats de la Chambre Haute du projet de loi, il faudrait donc que tous les Démocrates (et apparentés) fassent eux aussi bloc pour que le projet de loi puisse commencer à être
discuté après la pause de Thanksgiving, c’est-à-dire à partir du lundi 3 décembre. Dans le cas où les 60 scrutins d’aujourd’hui ne seraient pas atteints, le projet de loi serait mort-né
!
Mais il est peu probable qu’Harry Reid ne réussisse pas à rassembler ses troupes. Je dis peu probable ; je ne dis pas que c’est sûr. Trois votes, en effet, ne sont pas assurés à 100 %.
Ben Nelson, sénateur Démocrate du Nebraska, est plutôt conservateur (à la droite du Parti) et pro Vie. Ce méthodiste n’a pas fait mystère de son opposition à tout financement sur fonds
fédéraux de l’avortement et de sa détermination à contrer le projet de loi d’Harry Reid qui précisément réintroduit le financement sur fonds publics de l’avortement. Mais il tient
précisément à ce qu’il y ait un débat au Sénat sur cette question, et pour qu’il y ait débat, il faudrait qu’il vote avec son Parti sur la motion de procédure d’aujourd’hui… Il s’y disait prêt
hier tout en annonçant par avance qu’il n’était pas disposé à voter la loi en l’état.
Blanche Lincoln, sénateur Démocrate de l’Arkansas, est hésitante et est restée muette quand on lui a demandé vendredi si elle voterait avec le Parti la motion de procédure. Cette
épiscopalienne (anglicane à la mode États-Unis) sait qu’elle va affronter une réélection très difficile en novembre 2010, et que le vent, chez les électeurs, ne souffle plus vraiment à gauche
depuis quelques mois. Peut-elle prendre le risque de mécontenter des électeurs majoritairement hostiles à un projet de loi qui prévoit le financement avec les impôts de l’avortement, ou bien
doit-elle prendre le risque de « tuer la loi » ?
Mary Landrieu enfin, elle est sénateur Démocrate de Louisiane, conservatrice mais peut-être politiquement achetable – elle était violemment opposée au principe « d’option publique
» de l’ObamaCare – c’est-à-dire le système d’assurance santé gouvernemental – mais elle a changé d’avis – et la page de son site internet ! – quand elle a vu qu’on avait rajouté deux
pages au projet de loi ObamaCare lui permettant de toucher 100 millions de $ pour le système Medicare de Louisianne… Elle a laissé entendre qu’elle voterait la motion de procédure
pour qu’on puisse débattre de la loi. Mais elle est catholique… La lettre qu’elle vient de recevoir, comme sénateur,
de la part du cardinal DiNardo, aura-t-elle de l’influence sur elle ? Estimera-t-elle inutile de débattre d’une loi « qui est véritablement le pire projet de loi qu’on ait vu jusqu’à
ce jour sur les questions de vie » comme vient de la qualifier Richard Doerflinger, directeur-associé du secrétariat de la Commission des Activités pro Vie de la Conférence épiscopale
? Osera-t-elle être celle dont la seule voix à “tué” ObamaCare ?
On connaîtra le résultat demain dans la journée, mais comme je n’aurai pas d’accès à internet ce dimanche, il vous faudra patienter jusqu’à lundi…
De toutes les manières, si la motion de procédure passe dans la nuit, le débat sur le projet de loi se prolongera jusqu’à la fin de l’année – option optimiste. Et ce n’est donc qu’en janvier
qu’il faudra, avec grande difficulté, bricoler une synthèse de la loi de la Chambre des Représentants et de celle du Sénat, pour la représenter à la Chambre Basse : les Représentants ne seront
pas très contents de n’y plus retrouver la formulation de l’amendement Stupak/Pitts qu’ils avaient majoritairement approuvé. Le vote final pourrait donc se situer vers Pâques… ou à la
Trinité. Mais plus on se rapproche des Midterm Elections de novembre 2010, plus cette loi, dont Obama a fait sa priorité nationale n° 1, pourrait se révéler électoralement
désastreuse pour l’occupant de la Maison Blanche.