Isabelle de Gaulmyn, journaliste au quotidien “La Croix”, vient de publier un intéressant article sur le renouveau des lettres pastorales. J’y lis notamment ceci:
“La lettre pastorale n’a cependant jamais disparu. Et son retour en force a plusieurs explications. D’abord, un éclatement de la collégialité épiscopale, chaque évêque tenant désormais à faire entendre sa sensibilité, la conférence au plan national n’ayant plus la cohérence d’autrefois.
Ensuite, la réaffirmation, ces dernières années, du pouvoir de l’évêque, sur son diocèse : avec la diminution du nombre de prêtres, et de fidèles, l’évêque joue désormais un rôle de pasteur local de premier plan.
Enfin, ces lettres sont aussi la manifestation de la priorité donnée aujourd’hui aux problèmes de structures et d’avenir dans chaque diocèse. Celle de l’évêque de Nîmes, par exemple, rédigée après une vaste consultation, tout comme celle de Bayonne, est une manière de fixer une direction pour le diocèse.”
J’avoue que je comprends assez mal la 3e raison. Je ne vois pas le rapport entre le développement des lettres pastorales et les “problèmes de structure” (et, en sens inverse, les conférences épiscopales avaient manifesté une remarquable sensibilité aux “problèmes de structure”, au point que certains ont pu parler de “clérocratie”…).
Mais, globalement, je partage l’analyse de ma consoeur: la reprise en main de leur responsabilité épiscopale (dont la publication de lettre pastorale est un symptome) par les évêques correspond à un “affaiblissement” des conférences épiscopales.
Il faut cependant ajouter que les conférences épiscopales ont – officiellement – toujours été considérées comme des instruments au service des évêques et non comme une espèce de super-diocèse. Et que la collégialité épiscopale (si on lui donne un sens orthodoxe) a pu se passer pendant des siècles de conférence épiscopale et pourrait fort bien s’en passer à nouveau…
Commentaire
de Jacques:
“La fin (enfin!) de la prééminence de la CEF (Conférence des Évêques de France)”.
Même dans l’Église, société parfaite divine mais aussi visible donc humaine, les lois sociologiques développent leur logique interne. Parmi ces lois il en est quelques unes que l’on peut, avec concision, énoncer ainsi:
1. Tout groupe engendre des structures bureaucratiques qui tendent à exercer, en pratique et captieusement, le pouvoir
2. Les structures bureaucratiques du groupe se coupent graduellement de la réalité
3. Tout groupe tend à être gouverné par un noyau dirigeant restreint.
4. Le groupe s’attache toujours à encadrer les initiatives personnelles et à les étouffer sous le joug de la pression bureaucratique exercée ordinairement au nom de la cohésion.
5. Le groupe ne tolère en général que les individus (dépourvus de volonté propre) au mépris des personnes (dotées de volonté libre et créative).
Au sein de l’Église catholique, d’institution divine, les mécanismes de direction et de gouvernement fondés par Jésus Christ lui-même ou les Apôtres échappent bien sûr à ces travers inévitables des sociétés humaines. Gouvernée par le Saint Esprit qui en est l’âme et par le Pape, vicaire de Jésus Christ qui en est la tête, l’Église catholique et ses autorités directement garanties et investies par Dieu lui même (Souverain Pontife, collège épiscopal présidé par le Pape , Évêques) détiennent les promesses d’inerrance qui lui assurent l’assistance divine. Ces fonctions sont donc préservées des déficiences qui affectent les groupes humains.
L’Église s’est toutefois dotée de structures de gouvernance non directement issues de l’infaillible Révélation, cela en vue des besoins des temps. Elle est maitresse de sa discipline. Mais ces institutions qui ne sont donc pas de droit divin, ne sauraient détenir la pleine autorité apostolique ni s’arroger des pouvoirs qui appartiennent aux fonctions sacrées voulues par le Sauveur quand il institua son Église.
C’est le cas des conférences nationales d’évêques qui n’ont que des attributs délégués et auxiliaires sans pouvoir dépouiller chaque évêque de ses pouvoirs apostoliques pour son diocèse. Plusieurs documents de la plus grande autorité, y compris celle des Papes Jean Paul II & Benoît XVI, ont plusieurs fois rappelé cette éminente et plénière fonction ecclésiale de l’évêque dans son diocèse .
C’est parce que les Conférences nationales des évêques ne sont pas d’institution divine qu’elles ont pu présenter dans leur fonctionnement les imperfections et parfois les vices des groupes humains décrits ci-dessus : abus de bureaucratie et détournement du pouvoir par les bureaux, pressions en vue de définir une opinion moyenne et non une conviction fermement orthodoxe, noyau dirigeant qui s’arroge le magistère etc…
On doit hélas faire le constat que les documents « magistériels » de la Conférence des évêques de France ont trop souvent été décevants, ternes, verbeux et conformistes envers les courants sociaux dominants. Ils ont peu contribué à revivifier une Église déclinante par leur tonalité « politiquement correcte » et « humaniste » c’est-à-dire dépourvue de la mystique et du courage qui convertissent.
Que les évêques, dont c’est la fonction de Successeurs des Apôtres, se réapproprient la parole magistérielle et doctrinale, évangélique et missionnaire, il faut s’en réjouir et en remercier le Seigneur. Ils sont consacrés à cet effet et ils en donc SEULS le charisme.
Les Conférences ont leur utilité, rappelée et circonscrite par les Papes, mais en tant que telles elles n’ont pas la grâce de l’évêque en son diocèse. Ce fut une captation de pouvoir quand les évêques perdirent, sous l’étreinte de la CEF, le courage, le goût et le génie de la Parole qu’ils ont le DEVOIR de dispenser chez eux.
Qu’on assiste au retour de l’exercice plein et paisible du pouvoir de l’évêque (uni au Pape) est la restauration de la règle normale dans l’Église. Or seule la règle de l’Église répand la grâce.
Que ce retour coïncide avec plusieurs gestes forts de Benoît XVI en matière doctrinale, liturgique, apologétique et disciplinaire n’est sans doute pas fortuit. Péguy disait « quand il y a une éclipse tout le monde est à l’ombre » (« Notre jeunesse »).
Inversement quand le Soleil renaît sa Lumière est expansive.
Souvenons-nous qu’avant les conférences épiscopales existaient les assemblées des Evêques et Archevêques.
Bravo ! Jacques : il n’y a rien de plus à ajouter.
Pour répondre à Boris Maire:”existaient les assemblées des Évêques et Archevêques.”
C’est tout à fait vrai; MAIS celles ci, épisodiques et occasionnelles ne s’étaient jamais dotées de STRUCTURES permanentes qui font trop souvent office de “gouvernement” continu au pouvoir abusif, au détriment du détenteur authentique de la continuité apostolique: l’Évêque.
Bravo pour cette nouvelle et encore plus pour le 1er commentaire.Si je pouis me permettre, je rappellerai qu’un religieux éminent, quoique que peu considéré dans les cercles officiels (ce qui n’étonnera prsonne!)avait remis au pape Jean Paul II, lors de son premier voyage en France, une lettre lui demandant que la première mesure à prendre pour remettre de l’ordre dans l’Eglise était de supprimer le pouvoir usurpé par les structures mises en place au nom de la collégialité.En avant donc!