Je ne regrette pas de suivre quelques dossiers américains au jour le jour, même si cela est fastidieux. Cet effort me permet, parfois, de relever quelques incohérences révélatrices. En voici un nouvel exemple.
J’ai abondamment parlé ici de l’attitude de sœur Carol Keehan, la présidente de la Catholic Health Association (CHA). Pour ceux qui auraient manqué quelques épisodes du feuilleton, je rappellerai que la religieuse avait pris fait et cause pour le soutien à l’ObamaCare, un soutien qui désavouait la position arrêtée par la Conférence épiscopale américaine, et en prenait le contre-pied. Cette dernière mettait en garde contre une potentialité de cette loi : celle de permettre le remboursement de l’avortement avec l’argent des impôts. Sœur Keehan avait péremptoirement affirmé que ce risque était absent de la loi. On se souviendra encore que lors des derniers jours de discussion de la loi, le député Démocrate – catholique et supposé pro-vie – Bart Stupak voulait faire voter à la Chambre des Représentants un amendement qui, globalement, aurait fait enter dans l’ObamaCare la substance de l’amendement Hyde – habituellement repris dans chaque vote de la ligne budgétaire du ministère de la Santé par le Congrès, et qui interdisait tout financement de l’avortement sur fonds publics. L’épiscopat américain avait soutenu l’amendement Stupak, mais le député finit par passer un compromis avec Obama : le retrait de son amendement en échange d’un décret présidentiel en reprenant la substance. Un vrai marché de dupe, car un décret présidentiel ne peut rien imposer qui ne soit dans une loi. L’ObamaCare fut voté sans l’amendement par la Chambre puis par le Sénat, évidemment, sans rien qui prémunisse contre la possibilité de remboursement de l’avortement avec l’argent des impôts. Obama put promulguer sa loi et offrit, avec l’expression de sa gratitude, un des stylos qui avait servi à la signer à sœur Keehan (photo)… À l’époque, le cardinal Francis George, archevêque de Chicago et président de la Conférence épiscopale avait stigmatisé la « blessure » que sœur Keehan et sa CHA avaient infligée à l’Église.
Dans l’édition en ligne du très dissident hebdomadaire National Catholic Reporter (NCR) du 7 janvier dernier, j’ai pris connaissance d’un long entretien accordé par le cardinal George au journaliste John Allen. John Allen est un journaliste plutôt talentueux qui travaille pour un hebdomadaire exécrable. C’est son affaire, mais la mienne n’est pas là. Le cardinal George, qui n’est plus président de la Conférence épiscopale depuis novembre dernier, revient sur l’ObamaCare et sur l’attitude de la CHA. Il s’y félicite que « les conversations avec la Catholic Healthcare Association progressent de manière plutôt bonne. La question désormais est de savoir si nous allons pouvoir conjointement approuver et demander au Congrès d’approuver l’amendement Pitts-Lipinski qui pourrait réintroduire l’Amendement Hyde dans la loi, dans une rédaction que le Sénat avait explicitement abandonnée. »
On ne peut que se féliciter de ces colloques entre l’épiscopat américain et la CHA. Si l’objectif, comme l’espère le cardinal George, est « de restaurer les relations qui devraient exister entre les évêques et cette association », alors ces colloques sont les bienvenus. Toutefois, ajoute le cardinal, un signe de cette restauration serait pour la CHA « de s’unir aux évêques en soutenant le projet de loi Pitts-Lipinski ». Visiblement, au moment ou l’entretien s’est déroulé, le cardinal George n’en avait pas l’assurance. Mais, dans une « note » entre crochets, Allen donne des précisions qui ne sont pas sans intérêt… :
- « Dans une allocution du début novembre à l’Illinois Catholic Hospital Association, sœur Carol Keehan, présidente de la Catholic Health Association, a déclaré que son association soutenait le projet de loi Pitts-Lipinski. Keehan a déclaré à NCR que son association travaillait avec la Commission pro-vie de la Conférence épiscopale sur son libellé et d’autres sujets ».
On aura remarqué l’incohérence de sœur Keehan :
- 1. Elle a nié que l’ObamaCare contenait la possibilité légale de permettre le remboursement de l’avortement avec l’argent des impôts, elle n’a pas dès lors vu l’intérêt d’un amendement du type de celui de Bart Stupak, et a appelé sans réserve le Congrès à voter l’ObamaCare en l’état.
- 2. Elle soutiendrait désormais, selon Allen, le projet de loi Pitts-Lipinski qui vise à amender l’ObamaCare en y ajoutant une disposition substantiellement identique à celle de l’amendement Stupak, ce qui laisserait entendre que sœur Keehan estime que, en l’état, l’ObamaCare permet le remboursement de l’avortement avec l’argent des impôts…
Avouons qu’une clarification s’impose…
Bien vu Daniel; les media US s’en sont-ils rendu compte? C’est assez gros, il faut bien le dire.
À ma connaissance, les médias américains – notamment catholiques – n’ont pas fait le rapprochement, et n’ont donc pas vu l’incohérence.
De cette soeur je pense qu’elle est depassée par les evenements et qu’elle a perdu le sens de sa mission.J’en veux pour preuve son look qui n’a rien de religieux et qui pre suppose une attitude militante plutot que spirituelle.Encore une fois l’habit ne fait peut etre pas le moine mais il y contribue!