Relisant ces derniers jours, la présentation de sainte Hildegarde de Bingen par Benoît XVI, lors de deux audiences générales, je lis ces quelques lignes qui me paraissent toujours actuelles:
“De manière toute spéciale, Hildegarde s’opposa au mouvement des cathares allemands. Ces derniers – littéralement « cathares » signifie « purs » – prônaient une réforme radicale de l’Église, en particulier contre les abus du clergé. Elle leur reprocha sévèrement de vouloir pervertir la nature même de l’Église, en leur rappelant qu’un véritable renouvellement de la communauté ecclésiale ne s’obtient pas tant avec le changement des structures, qu’avec un esprit de pénitence sincère et une démarche active de conversion. Il s’agit là d’un message que nous ne devrions jamais oublier.”
Nous ne sortirons en effet de la crise de l’Eglise que par nos progrès dans la sainteté et notre acceptation de l’autorité des successeurs des Apôtres (qui doivent eux-mêmes accepter d’exercer cette autorité en fidélité au Christ).
“On ne change pas la société par décret”, disait autrefois le sociologue Crozier. Les sociétés évoluent indépendamment des coups de force des institutions… lesquelles avalisent des changements, ou les régulent, plus qu’elles ne les promeuvent. L’Eglise est une société, et plus que cela : elle est le Corps actuel du Christ sur la terre, comme telle guidée par l’Esprit, et tous ses membres, du plus humable fidèle au Saint-Père, sont à son service, soucieux d’abord d’écouter l’Esprit et ensuite d’infléchir en tel ou tel sens son évolution. Evolution, en effet, et non pas “révolution” : tous ceux qui ont voulu “révolutionner” l’Eglise s’y sont cassé les dents, de Pélage à Jansenius en passant par Luther. Le grand enjeu, c’est de reconnaître combien l’Eglise, comme tout corps humain, peut et doit à la fois changer et garder son identité, ou même changer pour garder son identité (ce que nous sommes tous en train de faire, sans le savoir, précisément pour continuer à être un organisme vivant). Il ne faut donc pas craindre le changement dans l’Eglise, dans la mesure où il contribue, paradoxalement, au maintien de son identité. Vouloir, en revanche, la figer dans tel ou tel état de son évolution (de son rite, par exemple), c’est ni plus ni moins la mettre dans du formol : elle serait admirable, mais morte!