C’est une idée du ministère québécois de l’Education. Listant un certain nombre de fêtes religieuses, il est censé aider les écoles publiques à « planifier des activités », mais dans les faits, il vise aussi à déterminer des dates d’examen sans froisser certaines minorités religieuses, affirme le Mouvement laïque québécois.
Les catholiques lésés, mais moins que prévu…
La première version du calendrier « interculturel » que le ministère de l’Éducation de la Belle province a présentée au “religiologue” Frédéric Castel comportait seulement « deux ou trois » fêtes catholiques. Or, « 83 % de la population québécoise est de religion catholique », souligne “l’expert”, qui a porté le nombre de ces fêtes à sept, dans la dernière version du calendrier. « On voulait s’assurer d’être équitables avec tout le monde et je me suis fait un devoir de l’être. » Le rôle de Frédéric Castel : « évaluer la pertinence » [sic] des fêtes qui y figurent en «vérifiant qu’il n’y a pas d’inexactitudes […], des oublis majeurs et des déséquilibres compromettant l’équité [sic] entre les diverses religions ». Le calendrier comprend donc cette année :
– 9 fêtes chrétiennes dont deux orthodoxes (“Noël”, “Épiphanie”, “Théophanie”, “fête de la présentation de Jésus au Temple de Jérusalem”, “début du Grand Carême orthodoxe Pourim”, “début de la Semaine sainte faisant mémoire des derniers jours de Jésus”, “Pâques, fête de l’Ascension du Christ vers le Père céleste”, “fête de la Pentecôte”),
– 7 fêtes juives (Roch ha-Chanah, Yom Kippour, Soukkot, Hanoukah, fête carnavalesque commémorant la délivrance des Juifs de l’Empire perse, semaine de Pessah, Chavouot),
– 6 fêtes hindoues (Navaratri, Divali, période de la Maha Kumbh Mela, Maha Shivaratri, Holi, Rama Navami),
– 5 fêtes bouddhistes (Pavarana, Bodhi, Parinirvana, Magha pûja, Vesak), 4 fêtes musulmanes (Aïd al-Fitr, Aïd al-Adha, 1er Muharram, Achoura) et
– 2 fêtes sikhs (Jour de naissance de Guru Nanak, Nouvel An solaire sikh).
« L’inclusion » dans les « classes multiethniques »
Mais selon Frédéric Castel, « le but, ce n’est pas d’être multiculturaliste [sic], ni d’inculquer la religion, dit-il. Dans des classes multiethniques, ça peut être une marque d’inclusion [sic] pour que les gens se sentent inclus [sic], pour qu’ils sentent qu’on parle d’eux », explique-t-il. Le “religiologue” reconnaît cependant que des enseignants pourraient être tentés d’organiser des activités en classe pour souligner ces fêtes religieuses, mais il soutient que « ce n’est pas le but ».
Il ajoute que des calendriers semblables existent ailleurs dans le monde, « même en France qui est souvent vue comme un modèle [sic] de laïcité ». Nous n’étions pas au courant…
Les religions très minoritaires surreprésentées
Même s’il a le mandat de s’assurer que toutes les religions sont traitées équitablement, dans ce calendrier gouvernemental, Frédéric Castel dit que le nombre de fêtes ne correspondra jamais à la proportion de la population pratiquant chacun des cultes. « Il faut savoir que le nombre de fêtes est très inégal d’une religion à l’autre et que l’importance relative de chacune de ces fêtes varie énormément », souligne-t-il.
Au ministère de l’Éducation, on estime que ce calendrier « peut être un outil de référence utile pour la planification des activités scolaires et pour se rappeler certains des événements qui ont marqué des communautés, des pays ou même l’histoire humaine ». Il ne devrait certainement pas aider à l’assimilation des populations immigrées…
Et en plus, « chacun des milieux peut y ajouter l’information culturelle qui l’intéresse », précise la porte-parole du Ministère, Ahissia Ahua.
Les laïcistes et les catholiques mécontents
Selon le mouvement laïque québécois, « ce qu’ils font, c’est qu’ils vont au-devant des demandes ou des critiques. Il n’y a jamais personne qui leur a demandé d’élaborer ce calendrier. C’est dommageable de présumer que les gens [qui immigrent au Québec] ne sont pas adaptables. Les demandes de congés pour des motifs religieux sont pourtant très peu nombreuses » note sa présidente Marie-Michelle Poisson.
Quant à l’Association des parents catholiques du Québec, elle n’est « pas d’accord » avec l’existence de ce calendrier. « Ça va tout à fait dans le sens du discours du cours d’éthique et de culture religieuse et des appréhensions que nous avions lors de l’apparition de ce cours », explique sa présidente, Jean-Morse Chevrier.
« On n’impose pas seulement des contenus, on impose jusqu’à un certain point des pratiques religieuses, déplore-t-elle. Quand on souligne l’existence d’une fête religieuse à l’école, on fait la promotion d’une religion. Si on commence à célébrer des fêtes hindoues ou islamiques qui sont vraiment en contradiction avec le christianisme, c’est dangereux pour le parent, parce que ça détourne l’enfant de sa propre religion et de la vision du monde qui va avec. »
Arthur Leroy