J’apprends, grâce au Salon beige, que l’Académie pontificale des sciences vient de commander une étude selon laquelle les OGM ne seraient pas intrinsèquement dangereux:
“Il n’y a rien d’intrinsèque dans le recours à l’ingénierie génétique pour l’amélioration des cultures qui rendrait dangereux les plantes elles-mêmes ou les produits qui en sont dérivés.”
Le Salon beige renvoie avec raison, pour une évaluation mesurée et conforme à la doctrine sociale de l’Eglise, aux paragraphes 472 et suivants du Compendium de doctrine sociale.
Personnellement, je note simplement une chose (qui ne tranche pas la question de la licéité morale des OGM): sur le fond, je ne suis pas sûr qu’il y ait de différence de nature entre la manipulation génétique et la sélection des races telle qu’elle se pratique depuis des siècles. Quand on sélectionne, on cherche bien à obtenir une race de plante ou d’animal présentant telle caractéristique transmissible héréditairement. Mais il existe tout de même une différence qui n’est pas négligeable et dont personne ne parler: c’est que les modifications génétiques prennent quelques jours quand la sélection prend des décennies. Est-il mauvais en soi d’accélérer? Non, évidemment. Mais, d’une part, nous n’avons pas alors le recul suffisant pour évaluer globalement cette nouvelle race génétiquement modifiée; et, d’autre part, nous nous faisons en quelque sorte maîtres du temps. Je ne peux pas penser à cette fantastique accélération du temps sans penser simultanément à la parole biblique: “A mes yeux, mille ans sont comme hier”. Avec les OGM, nous prenons pour ainsi dire la place de Dieu par rapport au temps. Et je me souviens aussi que ce slogan “Vous serez comme des dieux”, bien qu’il soit extrêmement séduisant, n’a pas été donné par un grand ami de l’humanité…
Bref, sans avoir la compétence technique et morale pour trancher le délicat problème des OGM, j’aurais tendance à dire: prudence!
NB: encore un dernier mot: peut-être ce rapport permettra-t-il au moins d’en finir avec l’idée absurde et historiquement parfaitement fausse (n’est-ce pas Copernic? n’est-ce pas Mendel?…), d’une Eglise obscurantiste et hostile au savoir!
Je comprends pour la part très bien la position de l’Académie pontificale des sciences: dans la perspective biblique, il y a tout de même un rapport de soumission entre la nature etl’homme (cf. Genèse). C’est en vertu de ce principe qu’il est licite, par exemple, de tuer un animal pour se nourrir.
Dans ce sens, le recours aux OGM n’est pas fondamentalement différent de l’utilisation d’engrais ou de pesticides.
Comme théologien, je comprends mal pourquoi la recherché génétique consisterait à “se mettre à la place de Dieu.” La Création, du point de vue dogmatique, signale certes une dépendance ontologique du créé par rapport au Créateur, mais elle signale aussi l’autonomie du créé dans tout ce qui n’est pas ontologique (quant à l’être même, donc). La génétique relèverait-elle de l’ontologique plus qu’une autre science?
Cela dit, qu’un principe de prudence reste nécessaire, cela va de soi : cela ne relève pas de la théologie, mais de l’éthique commune…
Pardonnez moi, j’ai déposé, me semble t’il, mon commentaire sous l’article:
“Où que nous tombions, nous tombons dans les mains de Dieu”, alors qu’il concernait celui ci.
Entièrement d’accord avec O V , ce n’est pas la 1ère fois que des prélats au Vatican ouvrent la porte avec une imprudence certaine sur un problème qui demande la plus grande prudence et personnellement , comme le dit le proverbe, dans le doute abstient toi…surtout dans ces moments d’orgeuil démesuré des scientifiques qui se croient tout permis
Je rejoins Guy de la Croix. L’hybris de la science moderne peut elle être intrinsèquement perverse et il est aisé d’en donner de multiples exemples dans le siècle passé.
Surtout la question des OGM ne peut pas être traitée comme une “simple” question d’inoccuité du produit : question qui est loin d’être elle-même simple quand on voit les “médicaments” dûment autorisés pendant des années puis brusquement retirés de la vente comme très dangereux… Les scientifiques n’aiment pas l’histoire.
Mais plus profondément, un OGM est d’abord une affaire de circuit économique, de contrôle d’une production agricole par des groupes industriels, de dommages collatéraux causés à la production “traditionnelle” par les contaminations. Une évaluation d’un OGM doit donc se faire avec sa dimension science sociale et pas seulement biologique.
Dissocier les différents aspects du dossier, “oublier” la dimension économique “intégrale” (incluant les personnes des acteurs économiques), comme semble le faire cet avis – simple avis – de l’Académie pontificale des sciences ne me paraît pas, méthodologiquement, conforme à la démarche de la Doctrine sociale de l’Église qui me semble la grande oubliée de cet avis.
Cette Académie, sauf erreur, n’est pas composée uniquement de “prélats” mais Pie XI avait voulu faire appel à des scientifiques de toutes origines et comme instance de conseil pas de décision.
Selon ses promoteurs, la transgenèse consiste à transférer un gène utile d’un organisme A à un organisme B.
Cette approche vulgarisatrice est intellectuellement malhonnête.
1° Le génome, pour tous les êtres vivants eucaryotes, n’est pas une simple accumulation de gènes. Il y a de multiples mécanismes, imparfaitement connus, qui organisent les interactions entre ces gènes.
On est en présence d’un tout structuré.
2° En réalité, la transgenèse transfère, au petit bonheur la chance, un morceau du génome de l’organisme A (dans lequel on espère que se trouve le gène utile), dans le génome de l’organisme B. On considère que la manipulation a réussi quand le gène utile est bien transféré, et on se soucie peu du reste…
3° La transgenèse viole donc les mécanismes complexes qui se sont mis en place pour tous les eucaryotes au début de l’ère primaire (lors de l’explosion de vie du cambrien). Mécanismes immuables depuis 540 millions d’années…
4° On peut donc légitimement qualifier la transgenèse de démarche CONTRE NATURE.
Et il est permis de s’interroger sur la logique à l’oeuvre au sein du magistère romain, qui n’y trouve rien à redire, alors qu’il condamne, au nom de la Nature, deux braves garçons ou deux gentilles filles qui se font mutuellement du bien avec le corps que Dieu leur a donné !
Michel LAVAL
ingénieur centralien
catholique pratiquant
écologiste