La Cour d’appel de Hong Kong a tenu une audience décisive dans le cadre du procès du cardinal Joseph Zen, les 3 et 4 décembre. Le haut prélat est accusé par le pouvoir communiste d’avoir conspiré contre la sécurité de l’État chinois en soutenant un fonds d’entraide à l’intention des manifestants ayant protesté contre la mainmise de Pékin sur l’ancienne colonie britannique.
La genèse de cette affaire remonte à l’époque des manifestations tumultueuses de 2019 qui ont ébranlé la Région administrative spéciale, périphrase poétique par laquelle le totalitarisme communiste chinois désigne Hong Kong. A cette époque, des centaines de milliers de Hongkongais étaient descendus dans la rue afin de s’opposer à un projet de loi permettant l’extradition de prétendus « suspects » vers la Chine continentale. La population craignait alors une érosion de l’autonomie garantie par le principe « un pays, deux systèmes » depuis la rétrocession du Port des parfums à l’empire du Milieu, en 1997. Ces mouvements de protestation, parfois violents, avaient mené à des milliers d’arrestations.
C’est dans ce climat de crise qu’est né le « 612 Humanitarian Relief Fund » en juin 2019. Nommé en référence à la date d’une mobilisation clé, le 12 juin, ce fonds avait pour vocation de fournir une aide humanitaire : couverture des frais médicaux, soutien psychologique et assistance juridique aux personnes affectées par les troubles. A la tête de ce fonds humanitaire se trouvaient : le cardinal Joseph Zen, 93 ans évêque-émérite de Hong Kong ; la juriste Margaret Ng ; la chanteuse pop Denise Ho ; l’ancienne députée Cyd Ho ; et l’universitaire Hui Po-keung. Après avoir recueilli plus de 200 millions de dollars hongkongais – environ 25 millions d’euros – en dons publics, le fonds a cessé ses opérations en octobre 2021, mais ses administrateurs ont rapidement fait l’objet d’une enquête de la part des mandarins rouges.
En mai 2022, le cardinal Zen et ses associés ont été arrêtés une première fois sous l’accusation de collusion avec des forces étrangères, un crime grave au regard de la Loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin en juin 2020. Toutefois, les charges finalement retenues se sont limitées à une contravention mineure en raison du non-enregistrement du fonds en tant que « société », en vertu de l’Ordonnance sur les sociétés de Hong Kong, couvrant la période de juillet 2019 à octobre 2021.
Le procès en première instance, ouvert en septembre 2022, a abouti à des condamnations au mois de novembre suivant. Les cinq accusés ont été condamnés chacun à une amende de 4 000 dollars hongkongais – environ 460 euros. La secrétaire du fonds, Sze Ching-wee, condamnée séparément à 2 500 dollars, n’a pas fait appel. Tous avaient plaidé non coupables, soutenant que le fonds était une simple fiducie, par nature exempte d’enregistrement formel, et non une société. Malgré cela, le tribunal les avait jugés coupables, estimant que leurs activités – collecte et distribution de dons – correspondaient à la définition légale d’une société.
L’appel, examiné au tout début du mois de décembre 2025, a vu le cardinal Zen, figure charismatique et critique du Parti communiste chinois, apparaître au tribunal avec un masque blanc, un sac et une canne, symbolisant une fragilité physique contrastant avec la force d’âme qui le caractérise. Depuis que sa renonciation à l’office d’évêque diocésain a été acceptée par le pape Benoît XVI en 2009, le haut prélat demeure la voix catholique la plus entendue à Hong Kong et bien au-delà.
Fait notable, le cardinal Zen a été autorisé à quitter Hong Kong à deux reprises après sa condamnation : en janvier 2023 pour les funérailles du pape Benoît XVI, et en avril 2025 pour celles du pape François. La décision des juges en appel sera scrutée de près : si les condamnations sont confirmées, cela pourrait renforcer le contrôle de Pékin sur les organisations civiles, décourageant toute initiative humanitaire perçue comme politique.
Inversement, un acquittement constituerait une victoire aussi étonnante qu’improbable pour la société civile, signalant une limite à l’interprétation extensive des lois héritées de l’ère britannique, telle que l’Ordonnance sur les sociétés. La décision est attendue d’ici septembre 2026, d’ici là, nul doute que le cardinal Zen fera entendre sa voix en faveur de la liberté de l’Église de Hong Kong.
