L’archevêque de Paris, Mgr Laurent Ulrich, 74 ans, a été interrogé dans Le Figaro à l’occasion de la béatification de 51 martyrs catholiques morts « en haine de la foi » dans les camps nazis entre 1944 et 1945. Extraits :
Le 9 décembre, la France a célébré le 120e anniversaire de la loi de 1905. Le message chrétien, sous couvert de laïcité, est de plus en plus contesté par une administration pointilleuse pour l’enseignement catholique ou sur le dossier des crèches de Noël. Les catholiques doivent-ils subir, laisser faire, ou résister ?
C’est le moment de rappeler les deux premiers articles de la loi de 1905 : l’État garantit la liberté de conscience et la liberté d’exercice des religions, il ne soutient aucune religion, ce principe est fondamental. De fait, nous sommes passés d’une pratique libérale de cette loi à une pratique surveillée. La loi confortant le respect des principes de la République (CRPR) d’août 2021 a introduit à un régime de contrôle des religions qui, pour autant, ne doit pas occulter le droit de croire, la liberté de croire et celle de ne pas croire. La liberté de croire, la liberté religieuse, doit être préservée comme un élément essentiel des libertés publiques ; cette liberté est même le symbole de toutes les libertés. Là où la liberté de croire est protégée, le sont aussi les libertés de pensée, d’expression, d’association. Ces conquêtes démocratiques sont de très grande valeur. Oui, Église et État sont séparés, ce qui n’empêche pas de se parler et de se respecter. Nous, nous respectons l’autonomie et la légitimité de l’État, et nous attendons le même respect en retour.
Mais quelle attitude les catholiques doivent-ils adopter ?
Il faut tenir bon ! Qu’il y ait davantage de contrôles, parce que nous sommes dans une société et un monde dangereux peut se comprendre, mais cela ne doit jamais se faire au détriment des libertés fondamentales. Une réglementation sourcilleuse comme vous le mentionnez ne doit pas empêcher la liberté d’enseignement qui est associée à l’État. Les catholiques ont démontré qu’ils peuvent apporter beaucoup à la société, tout en respectant profondément ceux qui ne sont pas croyants. Parce que nous sommes chrétiens et que notre conception de l’homme et de l’éducation est intégrale, elle respecte toutes les dimensions de la personnalité humaine, dont la dimension spirituelle. Cette dimension est pour nous une sorte de condition première, surtout dans un monde enfermé dans des projets positivistes et matérialistes. […]
Vous lancez une initiative très originale, début janvier : un « concile provincial » impliquant tous les diocèses d’Île-de-France jusqu’en octobre 2027. Pourquoi ?
Nous assistons dans l’Église de France à une demande inédite d’adolescents et de jeunes adultes pour le baptême. Nous les préparons, ils sont baptisés, mais est-ce que nous les accompagnons suffisamment ensuite dans les paroisses, alors qu’ils ne viennent pas de milieux catholiques et qu’ils se sentent souvent seuls ? Beaucoup finissent par abandonner au bout de quelques années. Tous les diocèses d’Île-de-France vont donc travailler ensemble pendant presque deux ans pour répondre à ces questions : Pensons-nous que l’arrivée de ces nouveaux chrétiens change vraiment quelque chose à la vie de l’Église ? Les accueillons-nous comme un signe de Dieu qui fait du bien à l’Église ? Est-ce que cela change notre coeur et nos pratiques ? Il y aura des assemblées, des groupes de travail, nous terminerons ce « concile » régional, une formule très ancienne et très stimulante dans l’Église, en octobre 2027. Les orientations seront transmises à Rome pour approbation.
La société française va mal et semble plus divisée que jamais. Que préconise l’archevêque de Paris ?
Cette crise sociétale n’est pas seulement française. Plusieurs puissances dans le monde fabriquent assez volontiers de la déstabilisation. La question de l’identité en particulier travaille beaucoup de Français. Le respect des identités est important mais il ne peut pas s’imposer au détriment de l’unité de la vie nationale. Mais il nous faut répondre à ces questions : est-ce que l’on a envie de vivre ensemble ? Y a-t-il encore un projet français aujourd’hui ?
Vous avez vu le pape Léon XIV, l’avez-vous invité à visiter Notre-Dame ?
Oui, j’ai invité le pape à Paris, parce que je suis l’archevêque de Paris. Il m’a répondu : « Oui, j’aimerais voir Notre-Dame ». Nous verrons si cela est possible, quand et comment : il reçoit beaucoup d’invitations !
