La première conférence de presse de Léon XIV à bord de l’avion papal est un manifeste pour une presse qui, depuis des années, s’était habituée à des remarques telles que « l’homosexualité perverse », « Ils aboient aux portes de la Russie », « Si vous insultez ma mère, vous recevrez un coup de poing », « Au conclave, ce qui s’est passé, c’est… ». Le pape américain change de registre et ramène la papauté à une ère de prudence, de spiritualité et de courtoisie.
Le premier voyage apostolique international de Léon XIV vient de s’achever, marqué par son départ du Liban. Les médias internationaux ont accueilli l’événement avec une froideur surprenante, se montrant parfois distraits, loin de l’engagement qui, pendant treize ans, avait systématiquement accompagné les interventions publiques du pape. Même la visite du pape à une mosquée a suivi le même scénario médiatique, avec des chroniqueurs plus enclins à la manipulation qu’à l’information. D’un côté, certains ont tenté de déformer les propos du pontife pour leur donner une interprétation anti-islamique ; de l’autre, d’autres ont choisi le silence ou ont ouvertement mis en doute la fiabilité des déclarations de l’imam. Silere non possum confirme sans ambiguïté que la seule réponse du pape à l’invitation de l’imam à se joindre à la prière fut : « Non, merci. » Un refus franc, calme et contextualisé, dépourvu d’insinuations polémiques, suivi du choix explicite de poursuivre la visite à l’intérieur du lieu de culte musulman. Ce refus mesuré, replacé dans son contexte, ne signale pas une rupture, mais une cohérence ecclésiologique et un respect interreligieux. Dans la tradition islamique, la présence d’un non-musulman priant dans une mosquée peut être perçue comme inconvenante, opportuniste, voire comme une parodie involontaire du sacré.
À la tête de l’Église catholique, Léon XIV a donc adopté une attitude non mimétique, évitant les gestes qui pourraient paraître déplacés, tout en manifestant une présence empreinte de reconnaissance plutôt que de confusion religieuse. Le pape a offert aux jeunes des outils concrets pour vivre leur foi au quotidien : ni slogans génériques, ni formules creuses, mais des suggestions pratiques, ancrées dans les questions existentielles qui définissent leur génération. Le langage papal de la proximité pastorale se renouvelle sans pour autant perdre son intégrité doctrinale, évoquant un Évangile incarné et non des abstractions spirituelles.
Un nombre important de journalistes accrédités au Vatican ont choisi de ne plus embarquer à bord de l’avion papal, non seulement en raison d’un climat interne étouffant, mais aussi à cause d’un modèle dénué de toute dimension journalistique et fortement axé sur une logistique préétablie. Les transferts lors des voyages apostoliques se font en groupe, dans les bus du Saint-Siège, et les nuits sont passées dans des hôtels de luxe, soumis à des conventions institutionnelles et choisis pour leur confort et leur praticité logistique, et non pour leur autonomie. Bien que les correspondants assistent aux événements papaux depuis des points d’observation privilégiés, une perspective indépendante se dégage rarement des reportages publiés. Ces derniers sont souvent calqués sur des modèles du service de presse – un copier-coller des communiqués de presse institutionnels, réalisé par la rédaction, qui produit un récit dépourvu de profondeur émotionnelle et incapable d’offrir une véritable interprétation des événements. Le contraste avec la couverture médiatique d’avril est saisissant : alors qu’autrefois chaque parole du pape François était amplifiée, aujourd’hui, même une brève information officielle est à peine mentionnée. Chaque rédaction connaît cet effet pervers : la dépendance aux privilèges logistiques engendre un discours défensif et un ressentiment narratif lorsque l’acteur principal cesse d’alimenter ce besoin d’exclusivité.
Le problème n’est pas la critique de la papauté, justifiée et nécessaire lorsqu’elle s’appuie sur des faits , mais le ton réactif qui apparaît lorsque le journalisme ne découle plus de la compétence mais de la perte de revenus symboliques.
Également à bord du vol retour vers Rome, Léon XIV a déstabilisé les journalistes du Vatican, habitués depuis des années au ton familier du pape François : des confidences politiques les plus intimes aux déclarations fracassantes de comptoir, comme la remarque controversée sur les homosexuels lors du voyage apostolique ou le fameux « Si vous insultez ma mère, je vous frappe ! ». Interrogé sur les détails du conclave par la vaticane Cindy Wooden, aujourd’hui heureusement proche de la retraite, Léon XIV a répondu : « Concernant le conclave, je crois fermement au secret qui y règne, même si je sais que certaines interviews publiques ont révélé certaines choses. » Pas l’accroche espérée, pas la fuite, mais un rappel des limites institutionnelles et de l’importance d’une institution qui ne se laisse pas démanteler pour le divertissement.
Interrogé sur ses futurs voyages, le Pape ne se livre à aucune hypothèse géopolitique ni à des justifications alambiquées. Il mentionne l’Afrique, mais, et c’est crucial, il explique pourquoi, une raison que la presse vaticane avait depuis longtemps oubliée : pour confirmer dans la foi. Non pas pour flatter les fantasmes de la presse à scandale, mais pour réaffirmer le seul mandat papal : être gardien de la foi, et non alimenter les reportages impressionnistes. Il ajoute, avec une intention bien précise : « J’aimerais aller en Algérie, et commencer par visiter les lieux saints d’Augustin. » Enfin, le Pape s’insurge contre le journalisme qui interprète ses expressions faciales : « Je ne sais pas si j’ai dit “waouh” hier soir. Mon visage est très expressif, et je trouve amusant de voir comment les journalistes le réinterprètent. Parfois, vous m’infligez de grandes idées, car vous pensez pouvoir lire dans mes pensées ou sur mon visage. Mais vous n’avez pas toujours raison. » Une pique cinglante contre les jeux de catégorisation qui ont commencé dans les rédactions du Vatican dès son élection. Léon XIV met fin aux rumeurs et rétablit ce qu’a toujours été le ministère pétrinien, ce que de nombreux journalistes avaient préféré occulter ou minimiser : un homme de prière, un père spirituel, un soutien à la foi. Un pape, et non un commentateur de second plan.
