Le pape Léon XIV poursuit avec détermination l’ œuvre de renouveau qu’il a entreprise, démontrant avec clarté et patience qu’il a précisément cerné les nœuds irrésolus de la Curie romaine dont il a hérité. « Les papes passent, la Curie demeure », a-t-il rappelé le 24 mai. Une observation amère mais réaliste, fruit de sa propre expérience directe lors de son bref mais intense passage à la Curie, et confirmée par ses années précédentes comme prieur général de l’Ordre de Saint Augustin, où il avait déjà constaté ces dynamiques lentes et parfois apathiques qui s’insinuent dans certains modes d’exercice du pouvoir ecclésiastique .
Ainsi, tout comme le pape François avait démis de ses fonctions l’archevêque Jorge Carlos Patrón Wong, l’envoyant à Jalapa malgré son dévouement envers les séminaristes et le clergé, un sort encore plus cruel attend aujourd’hui son successeur. L’archevêque Andrés Gabriel Ferrada Moreira, actuel secrétaire du Dicastère pour le Clergé, quitte Rome pour retourner au Chili, dans un petit diocèse. Cette décision intervient après des années de tensions internes au sein du Dicastère et semble – espérons-le – marquer la fin d’une longue et tumultueuse période. À 56 ans, Ferrada avait intégré le cercle restreint du pape François : en septembre 2021, il avait été nommé secrétaire de la Congrégation pour le Clergé et, peu après, ordonné archevêque en la basilique Saint-Pierre lors de la même cérémonie que celle qui avait vu l’ordination de Mgr. Guido Marini, maître des cérémonies liturgiques du pape, a été ordonné avant d’être envoyé à Tortona par le pape. Arrivé à Rome en 2018 comme simple fonctionnaire , son ascension fulgurante n’a pas favorisé des relations sereines, ni avec ses proches collaborateurs, ni surtout avec les évêques diocésains du monde entier, souvent contraints de subir des décisions unilatérales.
Depuis les bureaux du Vatican, Ferrada a adopté ces dernières années une méthode de gouvernance rigide, conflictuelle et centralisée, à l’image de nombreux autres « fonctionnaires » qui, forts d’une relation privilégiée avec le pape François, agissaient au sein de la Curie comme s’ils pouvaient outrepasser l’autorité de leurs propres supérieurs. Au sein du Dicastère, Ferrada a progressivement concentré le pouvoir entre ses mains, réduisant le cardinal Lazarus You Heung-sik, préfet, à un rôle purement honorifique. De nombreux évêques ont exprimé leur profonde frustration face à ses ingérences constantes : des affaires inexplicablement bloquées, des décisions annulées à la dernière minute, des dossiers laissés en suspens pendant des mois sans explication. Ainsi, un système opaque s’est enraciné au sein du Dicastère pour le Clergé, où certaines affaires étaient intouchables – car elles concernaient des « prêtres protégés », malgré des scandales manifestes – tandis que d’autres étaient traitées avec une sévérité disproportionnée, souvent sans procédure régulière ni droit à la défense. Ce double discours a érodé la confiance de nombreux pasteurs et jeté une ombre sur le Dicastère et sur cet homme qui, invité dans les paroisses ou les presbytères, aime se présenter à pied, cultivant la rhétorique pauperiste de ces treize interminables années, mais qui, lorsqu’il s’agit de vivre la charité, fait preuve d’un zèle bien plus sélectif. Son retour au pays est accueilli comme un soulagement, tant dans les couloirs de la Curie que dans les diocèses les plus reculés. On espère désormais que le pape Léon XIV nommera bientôt un successeur véritablement capable de servir les prêtres et les séminaristes, et de redonner au Dicastère ce sens de la paternité et du discernement qui lui a fait défaut depuis longtemps. On espère tout particulièrement que le Saint-Père rétablira la pratique antérieure de la répartition des responsabilités – une structure abolie sous Ferrada. Auparavant, il y avait deux figures distinctes : un archevêque chargé des séminaires et un secrétaire aux affaires administratives du Dicastère. Cet équilibre garantissait une prise en charge personnalisée des vocations.
Une réelle proximité avec les formateurs et les étudiants, ainsi qu’une connaissance directe des réalités locales, étaient essentielles. L’archevêque Jorge Carlos Patrón Wong, qui occupait auparavant ce poste, visitait personnellement les séminaires, finançait de sa propre poche les études des étudiants les plus démunis et achetait des livres pour ceux qui n’en avaient pas les moyens. Pourtant, le pape François l’a brutalement démis de ses fonctions, sans explication plausible, le remplaçant par des personnalités fidèles, souvent plus soucieuses de conserver le pouvoir que de servir l’Église. Aujourd’hui, tant à la Curie que dans les diocèses, on attend de plus en plus un changement de cap : le retour d’hommes animés d’une véritable charité, et non de fonctionnaires blessés et aigris qui cherchent dans les cercles du pouvoir une rédemption personnelle, transformant leurs souffrances passées en instrument de domination. Le retour au Chili d’Andrés Gabriel Ferrada Moreira clôt ainsi une période marquée par des promotions soudaines et un pouvoir exercé par allégeance plutôt que par service.
