Le cardinal Bustillo a été interrogé dans le numéro d’octobre de La Nef. Extrait, sur la messe traditionnelle :
Il y a en France une forte minorité de fidèles attachés aux anciennes formes liturgiques, fidèles qui se sentent parfois mal aimés ou incompris à la suite du motu proprio très restrictif du pape François. Comment voyez-vous cette question aujourd’hui ? Comment rétablir une confiance abîmée ? Quelle place les « tradis » ont-ils dans l’Église ?
Là aussi, nous devons évoluer. Les traditionalistes ont souvent tendance à se positionner comme certaines minorités de la société : en victimes d’une injustice. Il y a chez certains d’entre eux une forme de victimisme et de revendication. Mais on ne doit pas appliquer des critères ou des mentalités profanes dans l’Église catholique. Sinon on tombe dans l’idéologie. Une tentation catholique est celle qui consiste à mettre des étiquettes : « tradi », « chacha », « gaucho », « moderne »… puis à transformer nos différences en ferments de divisions. Nous avons pourtant à suivre un modèle évangélique remarquable, celui du collège apostolique : qui pouvait mettre ensemble Simon le Zélote et Matthieu le collecteur d’impôt ? Personne, sinon Jésus. Nous devons retrouver ce sens de l’unité, de la communauté, qui va avec une capacité à se réjouir de la différence de l’autre : si quelqu’un est « tradi » et qu’il devient meilleur ainsi, rendons grâce à Dieu ! Si quelqu’un est pour l’engagement social, plutôt à gauche, et qu’il devient meilleur, rendons grâce à Dieu ! On a tendance à juger trop vite, à penser de façon profane, voire enfantine, de façon binaire, parce que manque une certaine maturité spirituelle. Et quand on touche à la question de la messe, il me semble important de rappeler qu’il n’y a pas des messes de première division et des messes de deuxième division. Je respecte tout à fait ceux qui célèbrent la messe selon le rite traditionnel, mais je pense que ma messe n’est pas de deuxième division. Il y a tout une culture à recréer, pour ne pas nous voir, en tant que catholiques, comme opposés. Si on se braque sur les moyens, le drame consiste à oublier qu’on est tous catholiques et qu’on appartient à la même famille.
Est-ce que vous voyez des moyens concrets pour aller dans ce sens ?
Il y a des critères basiques liés à la tradition de l’Église. Le premier, c’est l’obéissance – l’obéissance à l’autorité qui n’est pas une soumission aveugle. Parce que normalement l’autorité travaille toujours pour l’unité. Il me semble que la majorité des évêques ne sont pas sectaires et cherchent la communion. Et il est important, quand on est catholique, de poser des gestes de communion et de bienveillance, au lieu de tomber dans le piège de la division. « On vous reconnaîtra à l’amour que vous avez les uns pour les autres », saint Jean le dit clairement. Sinon quel modèle donnons-nous au reste de la société ? Qu’allons-nous prêcher aux autres ? Nous devons vivre une logique d’obéissance à l’Église, en vue de la communauté, de l’unité, et nous devons arriver à la maturité qui consiste à nous réjouir de nos différences internes et à ne pas les voir comme un danger.