Dans Renaissance catholique, Jean-Pierre Maugendre place 3 actualités en parallèle :
Alors que chacun s’interroge sur les intentions du pape Léon XIV à propos de la liturgie traditionnelle, l’Eglise qui est en France poursuit benoîtement sa course vers l’abîme.
Agitation synodalo-médiatique à Dax
Monseigneur Nicolas Souchu, évêque d’Aire et Dax a décidé de clore en grande pompe son synode diocésain. Ainsi, le dimanche 14 septembre une unique messe dominicale a été célébrée, par l’évêque, pour tout le diocèse à la chapelle des Miracles de Buglose avant la « Célébration de la promulgation des orientations synodales ». Des initiatives du même type avaient déjà été prises dans d’autres diocèses : Rouen, Toulouse, Quimper ou Nice au mépris du droit, de la charité et du simple bon sens. En effet, le fait d’assister à la messe dominicale fait partie des cinq commandements de l’Eglise, mais, bien sûr, à condition que cette obligation n’apparaisse pas comme matériellement impossible ou exigeant des efforts démesurés. Or, le département des Landes est le deuxième plus vaste de France. Concrètement, entre 2000 et 2500 personnes, selon la presse locale, ont participé à cet événement soit pour un département de 430 000 habitants une participation de 0,6 % de la population. On a connu des succès plus manifestes.
Saisi par l’hubris, Mgr Souchu est ainsi, certainement, responsable de la non-assistance à la messe dominicale de certains de ses diocésains même si les éléments de langage transmis étaient que les personnes qui ne pouvaient pas se rendre à Buglose avaient toujours la possibilité d’aller à la messe dans leur paroisse le samedi soir. Au risque assumé d’être parfaitement inaudible, que devient dans ce contexte la dévotion réparatrice aux cinq premiers samedis du mois demandée par la Sainte Vierge à sœur Lucie il y a tout juste un siècle, le 10 décembre 1925, lors des apparitions de Pontevedra ? Il semble que ce qui était grave dans la théologie ante conciliaire : l’assistance à la messe dominicale étant un devoir de justice à l’égard du Dieu qui nous a créés, rachetés, qui nous maintient dans l’être et nous accompagne à chaque instant de sa Providence, prenne une tout autre dimension lorsque la messe est devenue un simple rassemblement festif entre « Veillée de prière et rétrospective sur les temps forts vécus par la pastorale des jeunes en 2025 » et « Concert de louange ». Quant aux fidèles de l’unique lieu où se célèbre la messe traditionnelle dans les Landes, la paroisse de Clermont, desservie par la Fraternité Saint Pierre, sans doute ont-ils été contraints de s’exiler hors du diocèse, la Fraternité Saint Pie X n’ayant pas de lieu de culte dans ce département.
Au-delà de cette agitation synodalo-médiatique un fait majeur s’impose : Mgr Souchu, évêque d’Aire-Dax depuis 2017, n’a pas suscité les vocations sacerdotales dont son diocèse, qui ne compte plus que 57 prêtres en activité, aurait besoin pour ne pas disparaître, aucune ordination n’ayant eu lieu depuis…2012 ! Quant à la paroisse de Clermont elle a fourni, en 2006 et 2018, deux prêtres à l’Eglise. Un pour la Fraternité Saint Pierre, l’autre pour l’Institut du Bon pasteur.
Un enseignement catholique sous pression
Le nouveau secrétaire général de l’enseignement catholique, Guillaume Prévost, nommé par la Conférence des évêques de France, a pris ses fonctions le 1er septembre. Ancien élève de l’Ecole navale et de l’Ecole Nationale d’Administration on peut penser qu’il n’est pas totalement abruti. Il multiplie les entretiens avec la presse alors que l’enseignement catholique sous contrat est confronté à de multiples défis : les suites des révélations d’abus sexuels dans des établissements d’enseignement catholique, une pression politique incarnée par la commission d’enquête sur l’affaire de Bétharam menée par les députés Violette Spillebout (EPR) et Paul Vannier (LFI), la multiplication des inspections diligentées par les rectorats au motif de non-respect de la laïcité, la mise en œuvre du programme EVARS idéologiquement très soumis au wokisme ambiant, la suppression d’un certain nombre de classes en application des accords Lang-Cloupet (1992-1993) alors que la demande des parents ne cesse de croître, l’hostilité d’une large part du personnel enseignant des établissements catholiques à l’affirmation de tout projet pédagogique ouvertement catholique, la montée en puissance d’établissements catholiques hors contrat à l’identité catholique plus affirmée, etc.
Guillaume Prévost n’est pas naïf, il discerne bien que le but ultime des pouvoirs publics est de « mettre l’enseignement catholique sous tutelle administrative » (La Croix, 10/07/2025). Cela posé l’exercice se complique. Il s’agit, en effet, de préserver « la singularité de l’enseignement catholique » avec « des communautés éducatives animées par des personnes suffisamment différentes pour que d’une confrontation des regards puisse naître une culture de la préoccupation partagée » (!!!) en ayant comme souci « cette marche continue vers l’Eglise universelle. Et dans cette Eglise universelle il y a nos frères musulmans, juifs, athées » (Famille chrétienne, 02/09/2025). Après l’Eglise comme corps mystique (Mystici corporis, Pie XII), puis comme communion (Lumen gentium, Vatican II ), voici venu le temps de l’Eglise universelle incluant les musulmans et les athées. Il semble bien qu’une confusion se soit introduite entre la notion, classique, d’appartenance invisible à l’Eglise corps mystique du Christ et la notion, moderne, d’Eglise universelle à laquelle chacun adhérerait avec des degrés divers de communion. Réaliste, Guillaume Prévost observe que « Nous avons absolument besoin que les familles chrétiennes, ferventes, convaincues trouvent leur place dans nos établissements ». Le drame, c’est que ces familles, comme en témoigne un parent d’élève, ne trouvent trop souvent dans ces établissements dit catholiques qu’une copie conforme de l’enseignement public en plus organisé : « La nouvelle directrice – une laïque – ne nous a parlé que des notes et de l’enseignement académique. C’était très décevant. Nous avons préféré choisir un collège hors-contrat qui avait conservé son âme » (France catholique, 12/09/2024). Enfin, la réalité ecclésiale est que chaque fois qu’un établissement catholique a été confronté à des attaques de la part des autorités politiques ou médiatiques (Gerson, Stanislas ou Saint Jean de Passy en région parisienne, Immaculée Conception à Pau), les autorités ecclésiastiques ont soutenu la direction comme la corde soutient le pendu.
A Fréjus-Toulon, le combat continue
Au retour des vacances, Mgr Touvet, évêque de Fréjus-Toulon, a adressé aux prêtres de son diocèse une lettre dans laquelle il annonçait que, pour sa seconde édition, en accord avec les organisateurs, le pèlerinage Nosto Fe, les 4 et 5 octobre prochains, mettrait en œuvre les dispositions suivantes : messe traditionnelle selon l’ordo de 1965 célébrée par l’ordinaire mais avec les lectures du nouveau lectionnaire, utilisation du nouveau rituel pour les confessions et possibilité de célébrer la nouvelle messe pour les prêtres qui le souhaiteraient. Disons pudiquement que nous sommes loin des intuitions fondatrices de ce pèlerinage, ce qu’ont signifié les organisateurs à Mgr Touvet. Le mélange des deux formes du rite romain est en particulier liturgiquement stupide, humainement blessant et politiquement décalé alors que le pape Léon XIV a autorisé la célébration de la messe romaine traditionnelle par le cardinal Burke le 27 octobre dans la basilique Saint Pierre à l’occasion du pèlerinage Summorum pontificum. Les échanges se poursuivent entre Mgr Touvet et les organisateurs laïcs du pèlerinage. Espérons que le bon sens, la charité et le souci des âmes l’emporteront sur l’idéologie et le sectarisme.
Jean-Pierre Maugendre