Voici la conférence prononcée par le cardinal Bustillo à Rome le 1er août, à l’occasion du Jubilé des jeunes :
Le titre met en lumière trois réalités fondamentales : le « je », qui renvoie à l’identité personnelle ; la liberté » : elle pourrait sembler évidente, mais notre liberté peut être conditionnée ou polluée ; la « vocation », c’est-à-dire notre appel unique, essentiel et existentiel.
En tant qu’évêques, à l’occasion de la confirmation, nous avons le privilège de recevoir des lettres de présentation et de motivation de la part d’adultes et de jeunes. Ces lettres sont toujours une source de joie. Les adultes nous partagent leur parcours de vie, les jeunes leurs aspirations. J’aime les lire et prendre le temps de mieux connaître ceux qui s’apprêtent à recevoir ce sacrement.
Certaines lettres ont une forme amusante ou touchante. Se devine parfois la présence des parents derrière les mots. Il arrive qu’un adolescent de 15 ans conclue sa lettre par une formule très protocolaire : « veuillez recevoir, Eminence, mes salutations respectueuses et dévouées ». C’est tout à fait le langage des adolescents… D’autres, sans l’influence parentale, notamment les jeunes filles, terminent spontanément par un « bisou » …
A travers ces lettres, ils parlent de leur vie, de leur famille, de leurs études, de leurs loisirs, de leurs peines, de leurs rêves ; « Moi j’aimerais être footballeur professionnel », « moi médecin », « moi avocat », « moi esthéticienne », « moi acteur » …
Dans notre société, la vocation est souvent réduite à une activité, ou à une fonction sociale. On l’identifie au « faire ». Or, la vocation touche d’abord l’être, l’identité profonde. Il est courant de définir une personne par sa profession : « il est avocat », « il est pizzaiolo », « il est enseignant » … Nous connaissons souvent les autres davantage par ce qu’ils font que par ce qu’ils sont.
Le faire occupe une place importante dans notre manière d’exister, mais il peut parfois étouffer l’être. La gestion des tâches et des structures peut éloigner de la joie vocationnelle. De même, trop souvent l’urgent prend le pas sur l’important.
Dans le passage de la résurrection de Lazare (cf. Jn 11,1-44), le Seigneur nous adresse un appel fort, à nous qui sommes en quête de sens, en quête d’une vocation : « toi, sors dehors ; déliez-le ; laissez-le aller ». Il s’agit d’un triple mouvement orienté vers la vie :
- sortir des lieux de mort, de ses doutes, de ses peurs ; être délié ;
- retrouver la liberté, se libérer des conditionnements, des calculs ;
- avancer, regarder vers l’avenir, dépasser l’immobilisme et les influences extérieures.
Notre vie est appelée à être libre, sereine, féconde. La vocation baptismale n’est pas orientée vers la production mais vers la fécondité. Et dans cette orientation il faut veiller sur la santé et la joie. Si elles s’épuisent, le goût de la vie s’affadit et la vocation s’étiole.
Je voudrais souligner avec vous trois aspects de la vocation humaine et spirituelle. D’abord la vocation, elle-même ; ensuite l’enjeu de la liberté et, enfin, la joie d’exister.
LA VOCATION
Chacun de nous porte une vocation. Elle peut se révéler tôt ou plus tardivement mais elle est toujours un appel puissant à donner un sens à notre propre vie.
La découverte de notre propre vocation est un chemin personnel nourri de questions, de rêves, de désirs et de peurs. Des personnes bienveillantes peuvent nous aider à mieux discerner et mieux comprendre cet appel.
La vocation n’est jamais automatique. Elle exige du temps, de l’intelligence et la médiation d’autrui. Certaines vocations apparaissent « douces » : se dévoilant peu à peu d’une manière sereine ; à l’opposé d’autres, que l’on pourrait appeler « musclées » où, comme Saint Paul, on tombe de cheval et on comprend très vite l’action de Dieu en nous.
Si la vocation n’est pas automatique, elle est « organique » : elle suit le rythme de la vie. Comme toute vie, elle a besoin de temps pour mûrir et pour grandir.
Dans la Bible les vocations sont variées.
Certains appels sont radicaux ; la réponse de l’homme est immédiate : Ainsi Jésus et ses disciples : « Venez derrière moi, je vous ferai des pêcheurs d’hommes » (Mt 4,19) ; ou encore Abraham : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père et va vers le pays que je te montrerai » (Gn 12,1).
D’autres appels sont « diplomatiques ». Entre l’appel et la réponse il faut négocier un peu. Par exemple Moïse à qui le Seigneur demande de libérer le Peuple d’Israël : « Qui suis-je pour aller trouver Pharaon, et pour faire sortir d’Égypte les fils d’Israël ? » (Ex 3,11) ; « Pardon, mon Seigneur, mais moi, je n’ai jamais été doué pour la parole, ni d’hier ni d’avant-hier, ni même depuis que tu parles à ton serviteur ; j’ai la bouche lourde et la langue pesante, moi ! » (Ex4 10) ; « Je t’en prie, mon Seigneur, envoie n’importe quel autre émissaire » (Ex 4,13). Et le Seigneur le rassure : « Je suis avec toi » (Ex 3,12)
C’est aussi le cas du prophète Jérémie. Quand le Seigneur l’appelle, il répond : « Ah ! Seigneur mon Dieu ! Vois donc : je ne sais pas parler, je suis un enfant ! » (Jr 1,6). Le Seigneur le rassure : « Ne dis pas : “Je suis un enfant !” Tu iras vers tous ceux à qui je t’enverrai ; tout ce que je t’ordonnerai, tu le diras (Jr 1,7)
Certains comme le prophète Samuel sont appelés dès l’enfance. Offert au Seigneur par sa mère Anne, il a grandi dans le Temple : « Quand l’enfant sera sevré, je l’emmènerai ; il sera présenté au Seigneur, et il restera là pour toujours. » (1 Sam 1,22).
Jonas, lui, fuit l’appel de Dieu. Il tente d’échapper à sa vocation.
Certains sont appelés au cœur de leur travail, sans appartenir à une élite spirituelle, tel le prophète Amos :« Je n’étais pas prophète ni fils de prophète ; j’étais bouvier, et je soignais les sycomores » (Am 7,14).
D’autres encore, comme Jean-Baptiste, sont préparés dès le sein maternel.
Cette diversité se retrouve dans le collège des Apôtres. Qui pouvait appeler ensemble Simon (un nationaliste) et Matthieu (un collecteur d’impôts) ? Pierre, un impulsif, et Jean, un réfléchi ? Seul l’appel de Jésus les unit.
Et nous ? Nous ressemblons à ces figures bibliques : parfois disponibles, parfois résistants, craintifs…, ou encore enthousiastes.
La vocation n’est pas une fonction. Dans cette sublime église romaine, Caravage nous en a laissé une illustration artistique unique et saisissante : Matthieu, collecteur d’impôts est assis à son bureau. Jésus passe dans sa vie professionnelle et l’appelle : « Suis-moi. Il se leva et le suivit » (Mt 9,9). Ni explication ni négociation. Une parole d’autorité et une réponse confiante.
Aujourd’hui, en France, les vocations spécifiques semblent rares, comme nous le rappellent les médias. Pourtant, je suis convaincu que notre société et notre Eglise sont porteuses de vocations. Comme la lave sous le volcan, elles ne sont pas visibles, mais elles se forment dans le secret des cœurs.
Notre Occident peu chrétien lance d’innombrables défis aux jeunes cherchant un sens à leur vie. Malgré l’abondance de biens, de savoirs, de pouvoir et d’activités, le monde contemporain ne parvient pas à combler leur soif intérieure.
La quête de vérité les pousse à aller loin et, souvent, par des voies exotiques, pour trouver le bonheur. Etrangement, ils le recherchent en dehors des terrains classiques de l’Eglise. Si les monastères suscitent encore un certain attrait, le reste de la vie ecclésiale semble moins les interpeller. Il n’est pas rare qu’ils plongent dans des expériences chamaniques, ésotériques, semi magiques et pseudo mystiques. Ces quêtes sont une belle provocation pour l’Eglise.
De nombreux jeunes font preuve d’un altruisme remarquable. Beaucoup s’engagent dans des expériences de bénévolat à l’étranger, avec d’autres, dans un contexte de vie plus simple. Ou assoiffés d’absolu, ils cherchent à se dépasser par des exploits sportifs, affrontant leurs limites pour vivre quelque chose d’unique, d’excitant. Les sports de l’extrême en sont un exemple. Il existe un réel désir d’authenticité.
Les jeunes aujourd’hui font des études, sont diplômés, connaissent le monde, sont saturés d’expériences affectives et professionnelles mais leur vie n’est pas comblée. Ils ne trouvent pas la paix ni ne sont pleinement heureux.
Issue de parents eux-mêmes éloignés de la vie religieuse, cette génération ignore l’Eglise mais ne la méprise pas pour autant. Elle la sait fragile et pauvre. Ces jeunes nous surprendront.
Il est essentiel qu’ils puissent rencontrer des témoins, des personnes d’autorité, qui par leur conviction, leur sainteté et leur style de vie, pourront les guider sur la voie de la paix et de la joie.
LA LIBERTÉ
Sans liberté, il ne peut y avoir de vocation véritable. Or, notre liberté peut être conditionnée par des influences extérieures (besoin de réussir, goût de l’apparence…) ou des propensions intérieures (besoin de reconnaissance, d’être rassuré, esprit de calcul, peurs…). Elle doit aussi s’articuler avec celle des autres. Nous ne devons pas vivre enfermés dans des prisons intérieures.
Rigidités et radicalismes sont très présents dans notre société. Dans les milieux politiques et religieux, les fondamentalismes et les intransigeances se manifestent et nous inquiètent. La radicalité idéologique gagne du terrain. La société moderne y tend presque naturellement : des manières de vivre proches du fanatisme s’y implantent, prennent de l’ampleur, comme une réaction passionnelle à la mollesse affective et au manque d’idéal de notre époque. De tels comportements sociaux ne sont pas ajustés.
Les jeunes qui frappent à la porte de l’Eglise arrivent avec leur bagage culturel et affectif. Au XXIe siècle il est devenu rare de voir un jeune équilibré souhaiter entrer dans la vie de l’Eglise par sécurité : pour s’installer, trouver un lit et avoir la nourriture assurée, rencontrer des personnes avec lesquelles passer le temps, vivre un rythme de prière et bénéficier des activités pour s’occuper.
Beaucoup sont habités par une soif d’absolu et, assez naturellement, vont vouloir se donner pleinement. Ils fuient la médiocrité d’un monde fade pour trouver le sel de l’Evangile. Est-ce que nous écoutons leur soif ?
Il est heureux de constater une réelle recherche d‘idéal. Aller à la racine d’une intuition spirituelle est un signe encourageant et sain. Car, sans idéal fort, mobilisateur, stimulant le présent et l’avenir, la vie risque de se laisser emporter par le courant : facilité, peur, ou paresse.
Certes, dans notre société marquée par les extrêmes, le discernement est plus que jamais nécessaire. Le désir de radicalité, lorsqu’il n’est pas éclairé, peut glisser vers une forme de rigidité. Il arrive que la prise de conscience du riche patrimoine spirituel de l’Église — parfois peu mis en valeur ni vécu — suscite des réactions passionnées. Ainsi, une quête sincère de profondeur, motivée par le besoin de sortir d’une une vie spirituelle plate et trop tranquille, peut malheureusement engendrer des frustrations. Si elles ne sont pas accompagnées, celles-ci risquent de se transformer en attitudes rigides. Or, la rigidité est préoccupante : elle peut dériver et devenir sectaire. A la racine de la rigidité il y a toujours une souffrance.
Or, il est difficile de confesser qu’on a choisi la rigidité. Ce choix signifie adopter une idéologie et, nous le savons, l’idéologie est sans cœur. Les personnes parleront plutôt de fidélité, d’authenticité, d’absolu… Dans la séquence de la messe de Pentecôte, nous trouvons cette sublime prière demandant à l’Esprit Saint : Flecte quod est rigidum, c’est-à-dire, « assouplis ce qui est rigide ».
Certainement, ces réactions de rigidité ne sont pas à négliger. Il serait facile de qualifier ces jeunes de « cathares » ou « puristes » et nous les mépriserions en restant droits dans nos bottes. Certes, leurs réactions ne sont pas ajustées mais elles nous provoquent sur notre propre style de vie.
Il n’est pas rare de constater, avec une certaine tendresse, que des jeunes vont choisir le style de vie le plus radical. Ils visent la discipline la plus exigeante, serait-ce parfois pour prouver leur force intérieure ? « Je suis entré chez eux ou chez elles parce qu’ils sont vraiment top ! Ils ne rigolent pas, ils sont vrais ! ». Dans leur choix, intervient aussi le style : un habit pauvre, les pieds nus, un voile ou la tête rasée, la barbe, l’absence d’argent, l’audace missionnaire, bref, il faut un look radical pour accompagner un choix radical. Ces choix attestent qu’ils ne veulent pas mener des vies banales et cela est très noble.
S’ils réagissent ainsi c’est, peut-être, parce qu’ils ont trouvé dans la vie « classique » le contraire de leur quête. Recherchant la radicalité ils ont trouvé la banalité : des vies bien confortables où il ne manque rien, où tout est programmé, organisé. Ils ont rencontré des religieux aimables mais peu enclins à se laisser bousculer.
La vocation n’est pas un sprint, mais un marathon. Elle nécessite de la durée, de la persévérance. Il ne faut pas enterrer les rêves des jeunes « Joseph » qui arrivent dans nos communautés (Cf. Gn 37,19). ils sont porteurs de fraîcheur et de force, nos aînés d’expérience et de patience. Certains récits bibliques nous rappellent que Dieu agit souvent de manière inattendue, en œuvrant par des voies nouvelles. Aujourd’hui encore, afin de nous libérer de nos rigidités, le Seigneur peut se manifester par l’intermédiaire de personnes que nous considérons comme « opposées à notre camp » — à l’image du prophète païen Balaam (cf. Nb 24,2-3) ou de Gamaliel (cf. Ac 5,34). Ce dernier exhorta ses pairs à faire preuve de prudence, à éviter toute forme de rigidité idéologique, de peur de se trouver en guerre contre Dieu (Cf. Ac 5,39).
Une vocation doit être libre de toute rigidité et de toute idéologie. Elle doit être complètement libre pour accueillir l’amour et transmettre l’amour du Seigneur. Un cœur enchaîné ou agité ne peut aimer pleinement ni se donner, car il n’est pas libre.
LA JOIE D’EXISTER
Une vocation est un appel à aimer et à se donner. On ne choisit pas Dieu pour profiter de la vie mais pour donner la vie.
Toute vocation doit réveiller la joie de croire et l’audace de la foi.
La voie de la créativité spirituelle s’ouvre lorsque, face aux difficultés, on se laisse guider par le souffle de l’Esprit. Les personnes « sensées » verront les autres comme des « poètes », moins réalistes. Face aux difficultés de la vie spirituelle il est vital de se nourrir de l’Esprit de la résurrection. « Je suis venu pour que les hommes aient la vie et la vie en abondance (Jn 10,10). Les esprits créatifs suivent le mouvement de la vie. Notre tradition spirituelle enseigne que, là où nous voyons des impasses, Dieu ouvre des passages. Devant la Mer Rouge le peuple voit la mer s’ouvrir (Cf. Ex 14,21-22). Jésus dit à Lazare : « Sors dehors ». La peur de la mort ne doit pas paralyser. La foi ouvre à des vies nouvelles. Dans la vallée des ossements desséchés, le vent de l’Esprit est porteur de vie (Cf. Ez 37,5). Dans le combat pour la vie de l’enfant abandonné au bord du chemin, le Seigneur passe avec sa puissance de vie (Cf. Ez 16,6).
Le monde a soif. Les vocations répondent à cette soif de joie et de bonheur. Nous ne vivons pas dans un conte du genre Alice au pays des merveilles, mais notre vocation chrétienne nous pousse à donner le meilleur de nous-mêmes dans la vie sacerdotale, religieuse, monastique, ou familiale.
Dans un temps comme le nôtre où la pauvreté de l’Eglise est si visible, rêver est capital. Ce n’est pas fuir la dure réalité, mais réveiller la créativité et l’audace. Lors d’une mission franciscaine à Lyon, nous avons trouvé un graffiti provocateur : « rêve ou crève ». Ce cri est une interpellation salutaire…
Notre Eglise ne rêve pas – ou pas assez. Avons-nous un cœur et un esprit vieux ? Quand cette question est posée, les réactions sont souvent défensives : « Faut-il inventer pour inventer ? Faut-il favoriser des comportements fantaisistes ? Instaurer un régime bohème dans l’Eglise ? Privilégier le n’importe quoi ? » Quasiment, on oppose créativité et fidélité, responsabilité et audace, imagination et profondeur.
L’Eglise porte un patrimoine lié à des hommes et des femmes qui ont rêvé et fait rêver. Dans l’architecture, les cathédrales, les œuvres d’art, la musique sacrée, le chant grégorien, la culture, les missions, s’exprime la sublime fécondité créatrice de l’Eglise, inscrite dans l’histoire.
Dans le discours sur la montagne, Jésus ouvre une nouvelle perspective pour l’humanité. Il commence par les Béatitudes et poursuit : « vous avez entendu … eh bien ! Moi je vous dis … ». Par son « je vous dis », Il apporte la nouveauté à l’humanité. Loin d’un projet politique, il passe d’une vision de la vie à une autre. Jésus veut renouveler l’homme fatigué par la routine et l’ennui en lui ouvrant une vie nouvelle, différente, passionnante, pleine d’espérance. Sainte Thérèse d’Avila disait au moment de sa conversion : « J’avais l’âme fatiguée, elle est devenue passionnée. »
Quand Jésus dit : « Aimez-vous les uns les autres », « Aimez vos ennemis », « Ne jugez pas, ne condamnez pas, donnez, soyez miséricordieux », il inaugure une manière nouvelle d’être avec les autres. Les disciples du Christ renoncent à la vengeance et la violence pour emprunter la voie de la bienveillance. Tous les saints au long de l’histoire, ont osé une vie différente, authentique et évangélique…. Dans leur radicalité ils ont fait preuve d’audace. En passant par la porte étroite, ils ouvrent une nouvelle perspective à de nombreux disciples. Les fondateurs, en particulier, ont attiré par leur style de vie et leurs réformes. Voulaient-ils avoir des photocopies à leur suite ? Certes pas, les saints incarnent clairement une vie pleinement accomplie. La sainteté est ainsi une réponse aux existences fades. Elle réveille et mobilise les aspirations intérieures, donnant saveur à des vies parfois trop ternes.
Notre vocation est d’aimer. Et pour aimer il faut se donner. Croire, c’est aimer et se donner. D’où la fécondité. La passion dans une mission, dans un rêve, crée des personnes différentes, habitées, appelantes. Matthieu est sorti de son bureau pour suivre Jésus. Il s’est levé, a tout laissé et a commencé une nouvelle étape de sa vie : Jésus l’a fait bouger et sortir de lui-même. La force de Jésus a touché sa vie. Imaginez des consacrés fatigués, sans désir, sans rêve. Ils seront sans doute respectés, mais ne vivifieront pas la mission de l’Eglise.
Si nous aspirons à un ciel nouveau, une terre nouvelle et une Eglise renouvelée, nos discernements doivent se projeter au-delà des évidences. Il est capital, pour les hommes et pour l’Eglise, de sortir de nos zones de confort. La mission exige de l’imagination. Notre Mère Eglise, bien qu’âgée, porte en elle une vitalité puissante. Nous avons hérité de structures matérielles et organisationnelles issues du passé mais il ne faut pas que leur gestion, dans un monde sécularisé, asphyxie le rêve et la fraîcheur d’une Eglise jeune, créative et imaginative. Toute vocation est un appel à la vie. En recevant l’Esprit Saint pour sortir des cénacles qui nous enferment, elle engendre des vies nouvelles.
Jésus nous a laissé sa joie pour que nous puissions la répandre dans le monde. Notre mission ne se limite pas à une série d’actions. Nous ne sommes pas des « commerciaux du sacré ». Si notre mission n’est pas animée par une âme évangélique, elle sera une performance professionnelle parmi tant d’autres. Le monde attend des témoins de l’Evangile incarnant l’amour du Seigneur et capables de dire aux autres : « ta vie est une joie, merci d’exister » ! Ou encore, « ton existence est une bénédiction » !
Notre vocation peut renouveler la vie d’autrui si elle s’inscrit dans une logique de bénédiction. Sans naïveté et sans artifices, il nous faut répandre le mouvement de la bénédiction autour de nous. Elle ne se réduit pas à un geste liturgique. Elle est projet de vie et de bonheur pour les croyants comme pour les chercheurs de sens, dans un monde se réveillant de l’hibernation spirituelle.
Alors, découvrez votre vocation. Ecoutez l’Esprit de Dieu et les guides qui peuvent vous orienter. Ne cédez pas au messianisme naïf. Libérez votre capacité d’aimer et apportez le sel à notre terre. L’avenir vous appartient. Répondez à votre vocation pour donner une âme à notre monde.