Le site d’information catholiques allemand Katolisch.de a interviewé le recteur et le sous-recteur du séminaire d’Erfurt, le séminaire interdiocésain de l’ex-RDA, qui est aujourd’hui clairement la partie la moins catholique et la plus déchristianisée d’Allemagne, avec près de 59% d’athées. En 2024, seuls deux prêtres sur 29 ordonnés en Allemagne étaient issus des cinq diocèses d’ex-RDA. Le recteur Ansgar Paul Pohlmann et le sous-recteur Egon Bierschenk ont répondu aux questions; en voici quelques extraits :
« Devenir prêtre était une profession normale et respectée. Ce n’est plus le cas »
« Devenir prêtre dans le contexte social et ecclésiastique actuel exige aussi beaucoup de courage. Lorsque j’ai décidé de devenir prêtre il y a plus de 40 ans, c’était une profession normale et respectée. Ce n’est plus le cas aujourd’hui ».
L’Église de ce pays est prise dans une spirale négative depuis des décennies, et le sacerdoce n’a pas été épargné non plus. Le déclin dramatique du nombre d’ordinations le montre clairement. En tant que prêtre, il n’est pas facile de s’engager pleinement dans une institution dont beaucoup prédisent la disparition imminente ».
Par ailleurs, « ces dernières décennies, l’image du prêtre s’est rétrécie, ce qui a nui à l’attractivité de la profession. La plupart des jeunes ne peuvent tout simplement pas imaginer passer les prochaines décennies comme pasteur dans une paroisse vieillissante de la diaspora ou dans une grande paroisse aux nombreuses tâches administratives , d’autant plus que tout le monde n’est pas fait pour cela« . Sauf qu’il faudra bien les desservir, ces paroisses…
Pas vraiment de communauté de vie des séminaristes est-allemands
« Au cours des dix années où nous avons tous deux dirigé la maison, le nombre de candidats prêtres dans les diocèses est-allemands est resté globalement stable. Actuellement, 27 jeunes hommes suivent une formation sacerdotale, contre 30 il y a dix ans. Sur ces 27, seuls cinq vivent actuellement dans la maison. Quatre séminaristes suivent actuellement le cours préparatoire, que nous organisons en coopération avec la Province ecclésiastique de Bamberg et qui se déroule donc au séminaire de Bamberg. D’autres sont au séminaire des vocations tardives de Lantershofen, un à Munich, un à Francfort, et deux sont en externitas (semestres libres). D’autres suivent déjà le cours de pastorale ».
Une purge idéologique des vocations ?
« Lorsque nous avons débuté ici en 2015, les séminaristes étaient encore très influencés par le pape Benoît XVI . C’était alors une véritable « génération Benoît », composée de jeunes hommes conservateurs, passionnés par la liturgie. Mais cela a très vite changé. Aujourd’hui, nos séminaristes sont clairement orientés vers le pape François et son approche missionnaire et en quête de sens ».
Résultat, avouent-ils, « il n’existe pas de profil type d’homme qui souhaite devenir prêtre. Il y a encore des personnes qui ont été socialisées dans une paroisse dès l’enfance et l’adolescence, qui y ont servi comme enfants de chœur, qui ont animé un groupe de jeunes et qui ont entretenu des liens étroits avec leur curé local. C’est le parcours traditionnel, pour ainsi dire, mais il se fait de plus en plus rare« .
L’église catholique en ex-RDA : un contexte particulier
Sur le Forum Catholique, un liseur rappelle le contexte particulier de l’Eglise catholique en ex-Allemagne de l’Est, et auparavant dans des circonscriptions et états plutôt luthériens, et parfois très opposés au catholicisme : l’ex-RDA regroupe « les deux Mecklembourg, les provinces prussiennes de la Saxe (avec le duché de Anhalt), du Brandebourg et de la Poméranie (ces dernières partiellement), la Saxe proprement dite, et les huit états thuringiens. Le catholicisme est depuis la Réforme très minoritaire : 6 % avant la guerre, doublé à 12 % en 1945 (par les réfugiés des provinces de l’Est [Pologne actuelle, Prusse partagée entre l’oblast de Kaliningrad en Russie et la Pologne, ost-deutsche d’autres pays d’Europe centrale et des Balkans – NDLA], mais qui ne sont pas restés et ont migré vers la RFA après la construction du Mur), 8 % dans les années soixante, pour se réduire à 3 à 7 % maintenant, le taux de l’avant guerre (à Berlin et en Thuringe) ou moins (Brandenburg, Mecklembourg, Poméranie), voir ICI, chiffres de 2018.
Il est clair que ce catholicisme a toujours été très refermé sur lui, situé en diaspora luthérienne hostile (très hostile dans les Mecklembourg, et certains états en Thuringe, moins hostile en Saxe et en Prusse, où il y avait des réformés aussi), et généralement très discret. L’hostilité du régime communiste à partir de 1945 n’a pas facilité les choses et généralement les catholiques, devenus doublement minoritaires en tant que chrétiens et citoyens, se sont tenus à l’écart le plus possible de la politique« . Plutôt conservateur, ce catholicisme s’est « dilué d’abord avec le concile « Vatican II » (qu’un synode local tenu à Dresde pour tout le territoire de la « RDA » entre 1973 et 1975 entérina, donc avec un certain retard), puis davantage avec la réunification. Maintenant une grande majorité des habitants de Mitteldeutschland, l’Allemagne centrale, l’ex-RDA, se dit athée ».
Le séminaire d’Erfurt existe depuis 1952, il est commun, dès le début, aux évêchés d’Allemagne de l’est séparés des anciens lieux de formation par la partition de l’Allemagne d’après-guerre et l’évolution de ses frontières.
En 2024, neuf séminaristes y vivaient, parmi d’autres étudiants des deux sexes : « Cependant, ils ne vivent pas seuls au séminaire : dans deux couloirs de la Maison Pie d’Erfurt, plusieurs appartements partagés accueillent séminaristes et autres étudiants. « Les autres résidents étudient différentes matières, pas seulement la théologie, et il y a aussi des femmes parmi eux », précise Pohlmann. Les résidents non séminaristes sont tenus de manifester de l’intérêt pour la vie communautaire et d’être ouverts au caractère catholique de la maison. « Mais les 20 étudiants qui partagent les deux appartements ne sont pas tous catholiques. La diversité est importante pour nous. »