Extraits d’un entretien avec le cardinal Barbarin, publié le 30 avril dans Paris Match :
Considérez-vous le Cardinal Aveline comme un candidat sérieux pour le prochain conclave ?
Le Cardinal Aveline est certainement une personnalité de grande qualité. Cependant, je dois dire que dans les discussions que j’ai pu avoir, son nom n’a pas été particulièrement mis en avant. Je n’ai pas entendu de cardinaux faire campagne explicitement en sa faveur.
Pensez-vous qu’il pourrait néanmoins attirer l’attention des cardinaux sud-américains ou asiatiques ?
Il faut reconnaître que sa nationalité française pourrait constituer un obstacle. Historiquement, la France a souvent été perçue comme ayant des tendances hégémoniques, ce qui n’est pas toujours bien vu dans les milieux ecclésiaux internationaux. Même quand nous avions une figure aussi exceptionnelle que le cardinal Lustiger, qui jouissait d’une influence considérable, cela ne s’est pas traduit par un soutien significatif lors des conclaves précédents. Jean-Marc Aveline a certes de grandes qualités, mais il n’a pas la même stature internationale. À titre de comparaison, je pense que le Cardinal Bustillo suscite davantage d’intérêt parmi les électeurs du Sacré Collège.
[…]
Un pape africain serait-il envisageable selon vous ?
Absolument. Je ne prétends pas que ce soit nécessairement ce qui va se produire ou même que ce soit plus souhaitable qu’une autre option, mais c’est certainement possible aujourd’hui, et un tel choix serait très bien accueilli par l’Église universelle. Le prochain pape pourrait être européen, africain, asiatique… Un Américain serait peut-être plus complexe pour des raisons géopolitiques.
Croyez-vous à l’option d’un cardinal âgé pour assurer un pontificat « de transition » ?
Personnellement, bien que je puisse me tromper, j’ai tendance à penser que nous élirons plutôt quelqu’un de moins de 70 ans. C’est simplement mon intuition, sans information particulière. L’Église fait face à des défis considérables qui nécessiteront probablement un pontificat d’une certaine durée pour mettre en œuvre une vision cohérente.
[…]
Quel profil de cardinal remportera votre adhésion ?
Le nouveau Pape devra posséder deux qualités fondamentales : être un véritable pasteur et un solide théologien. Il nous faut quelqu’un qui soit proche du peuple de Dieu tout en ayant une profonde compréhension théologique, car il continuera d’être un docteur de la foi dont l’enseignement compte. Pour moi, Jean-Paul II incarnait ce modèle : un pasteur infatigable qui a visité autant d’Églises locales que possible, tout en offrant un enseignement substantiel. Certes, sa perspective était marquée par sa culture polonaise, qui diffère quelque peu de la nôtre, mais son enseignement était profond et durable. Ses écrits continuent d’être lus et médités aujourd’hui, preuve de leur valeur théologique permanente.
[…]
Que pensez-vous du Cardinal Pietro Parolin qui est considéré par de nombreux observateurs comme l’un des favoris pour la succession papale ?
Je ne vois pas le Cardinal Parolin comme le prochain pape, et ce pour une raison structurelle plutôt que personnelle. En tant que Secrétaire d’État, son rôle est fondamental pour la gouvernance quotidienne du Vatican. C’est lui qui doit assurer que l’administration fonctionne efficacement, or ses résultats sont en deçà des attentes. Par ailleurs, la mission du pape est d’une autre nature – il doit porter son regard sur l’Église universelle et le monde entier. La fonction papale requiert une vision pastorale globale, tandis que le Secrétaire d’État doit se concentrer sur l’organisation interne de la Curie romaine. Chaque dicastère nécessite des profils spécifiques. À la Doctrine de la Foi comme au Secrétariat d’État, nous avons besoin de personnalités dotées d’une stature intellectuelle et d’une capacité de gouvernance exceptionnelles. Pour être franc, je trouve que le Cardinal Parolin, bien que compétent, ne présente pas l’envergure que l’on attendrait idéalement d’un Secrétaire d’État, et a fortiori d’un pape. […]