Interrogé dans Le Pèlerin pour faire le bilan de son mandat à la tête de la CEF, Mgr Eric de Moulins-Beaufort a été interrogé à propos du pèlerinage Notre-Dame de Chrétienté, qu’il n’a jamais visité alors qu’il y avait été invité (il a prononcé une homélie au départ du pèlerinage 2016, alors dans Notre-Dame de Paris). Et donc il reste accroché sur ses présupposés concernant les objectifs des organisateurs (lesquels se durciraient… inversion accusatoire, puisque c’est le diocèse de Paris qui refuse désormais la célébration de la messe dans la cathédrale, comme cela se faisait avant l’incendie) et la motivation des participants :
Le pèlerinage traditionnaliste de Chartres rassemble de plus en plus de jeunes autour de la messe en latin selon l’ancien rite. Les évêques ont échoué à faire comprendre l’enjeu d’une liturgie commune pour l’unité de l’Église ?
Le pèlerinage de Chrétienté joue sur une ambiguïté. Sans doute au départ, les participants venaient y chercher ce que les organisateurs promouvaient, c’est-à-dire se conforter dans le culte de la forme prétendument traditionnelle du rite romain. Mais aujourd’hui, beaucoup sont en quête d’une ambiance, d’un moment d’exception durant lequel ils peuvent s’affirmer comme catholiques, Français, avec des drapeaux, des bannières, et le défi d’un effort physique, qui s’était estompé peu à peu du pèlerinage des étudiants vers Chartres, lequel a fini par disparaître.
Les organisateurs, eux, se durcissent, j’en ai l’inquiétude, dans une compréhension de la Tradition qui finit par être fausse. Et l’enjeu aujourd’hui pour nous évêques c’est d’exprimer en termes clairs auprès des plus jeunes ce qu’est la tradition de l’Église : avant tout l’acte du Christ qui se transmet, se donne lui-même.
Ce n’est pas la perpétuation de coutumes, de mœurs. Ce n’est pas la tradition des aïeux, mais la tradition de Jésus qui se livre sur la croix et dans l’Eucharistie. Je relève également une ambiguïté politique : le Christ n’a pas fondé l’Église catholique pour créer des États catholiques, ni même une société catholique. Le Christ a créé l’Église pour qu’elle porte l’Évangile au monde, et qu’il soit un ferment de liberté spirituelle.
Une pédagogie plus difficile à faire aujourd’hui ?
Non, parce nous retrouvons une grande partie des jeunes qui vont au pèlerinage de Chrétienté, aux JMJ, où l’on n’a aucun problème de célébration liturgique, et dans toutes sortes de rassemblements dans nos diocèses.
Les organisateurs du pèlerinage de Chrétienté se targuent de leur succès, c’est de bonne guerre, mais c’est de la guerre publicitaire. Je pense que le succès est en partie fondé sur cette ambiguïté : ils visent un but qui n’est pas ce que cherchent une grande partie des participants.