Dans la dernière lettre des Moniales du Barroux, La Font de Pertus (n°126, 26 février 2025), Mère Placide, abbesse, nous invite à être dans la joie pendant ce temps de Carême :
Chers amis,
Le carême est à nos portes. Aïe! Le gros point noir de l’année … Vraiment ? Mieux connu, ce temps liturgique nous paraîtrait désirable, amical même, et plein de joie ! Voulez-vous que nous creusions cela ?
La joie est un élément constitutif du christianisme. La joie, la vraie joie s’entend, nous a été donnée par le Christ. Plus l’influence du Seigneur Jésus se développe dans une âme, plus la joie y devient prédominante. Or, le carême est une période de vie chrétienne plus intense et plus pure. Le carême doit donc bien receler quelque joie? Cherchons cette joie.
Le temps du carême se distingue par deux notes : la pénitence et le désir. La pénitence d’abord. Certes, le carême est une ascèse, ordonnée à la purification et au renouvellement de notre vie chrétienne. Nous travaillerons à éliminer autant que possible nos tendances à l’égoïsme. Travail pénible, parce qu’il coûte à la nature et ne peut se réaliser sans mortification ni sacrifices. Mais ce labeur nous fera grandir dans la vertu. Et la vertu est la noblesse et le bonheur de l’homme. En plus, nous savons que par notre pratique courageuse du jeûne, de la prière et de l’aumône, nous coopérons au salut des âmes. Vous rendez-vous compte? Jésus tient à nous associer, nous, pécheurs, à son grand oeuvre de salut !
La liturgie affirme ce lien entre pénitence et joie. Dès le mercredi des Cendres, elle nous exhorte : « Quand vous jeûnez, ne prenez pas un air triste, comme les hypocrites ». Et le Vendredi saint, jour austère s’il en est, nous chanterons lors de l’adoration de la Croix: « C’est par ce bois que la joie est venue dans le monde entier. » Quel mystère. . . La pénitence peut procurer la joie. Pas une joie quelconque. Une joie de qualité supérieure, une joie surnaturelle !
Les saints le savent. Rappelez-vous le mot de la petite Anne de Guigné: « On a bien des joies sur la terre, mais elles ne durent pas. Celle qui dure, c’est d’avoir fait un sacrifice. » Un grand moine bénédictin, Dom Romain Guillauma, le disait autrement : « Ils ont peur du sacrifice et ils ne savent pas que d’y mordre, c’est vraiment saisir le sens de la vie. » Le carême nous pousse un peu fortement à expérimenter ce bonheur-là.
Ainsi, en se purifiant – également par les sacrements -, notre coeur se dilate, s’allège, s’élève pour ne chercher que Dieu et ses intérêts. Mais, disions-nous, il y a un autre motif à la joie du carême : le désir. Nous devons attendre Pâques, selon l’expression de saint Benoît, « avec l’allégresse du désir spirituel », désir que l’Esprit de Dieu fait naître et développe en nous. Tandis que la liturgie nous achemine vers la Résurrection du Sauveur, par la méditation et l’actualisation du Mystère du Christ, notre désir grandit. Aux jours de découragement, pensons-y : la fête de Pâques nous apportera, si nous y sommes convenablement disposés, la grâce d’une vraie rénovation baptismale et d’un accroissement de vie divine. Une telle perspective saura alimenter notre contentement. Pour maintenir haut les coeurs, saint Benoît donne tout de même un conseil : choisissez un bon livre spirituel et lisez-le « à la suite et en entier ».
Chers amis, c’est l’amour qui animera notre pénitence et notre désir. Le carême est un exercice d’amour, l’occasion de croître dans la charité envers Dieu, envers le prochain et nous-même. La joie étant le fruit de la charité, concluez : le carême est un temps de joie. Chacun de nous, quel que soit son moral, ses doutes, sa santé, est invité à entrer généreusement dans ce combat spirituel.
Et, pour finir par le commencement : avant tout, demandons à Dieu de mener à bonne fin nos efforts en nous prêtant le secours de sa grâce, absolument nécessaire. Notre-Dame de la Sainte-Espérance, convertissez-nous !
Soeur Placide o.s.b., abbesse
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