Les jésuites ont lancé ce 20 février un appel à témoignages concernant l’association Les Liens Brisés, créée par l’abbé Louis Mouren et active de 1954 jusqu’à son décès en 1985 pour accueillir près de1500 enfants orphelins. En 2021 une victime s’est faite connaître pour des faits de 1967 à 1971, son témoignage a été confirmé à la CRR (commission reconnaissance et réparation) et dans l’ouvrage collectif Quand le diable a revêtu l’habit (2024); les faits ont eu lieu à Paris et dans une école catholique du diocèse d’Orléans. Selon nos informations, les jésuites auraient refusé jusqu’à aujourd’hui de publier un communiqué de presse avec un appel à témoignages, demande faite par la victime il y a plusieurs années et réitérée depuis.
Communiqué de presse des Jésuites :
L’association Les liens brisés avait pour objet de « faciliter, par tous moyens appropriés et notamment par la formation professionnelle, le reclassement social et familial d’enfant abandonnés ou moralement délaissés, notamment de jeunes délinquants ». De 1954, année de sa création, jusqu’au milieu des années 80, plus de 1500 enfants ont été pris en charge par l’association.
Fin 2021, la cellule Écoute et prévention des abus des jésuites a reçu le témoignage d’une personne victime, M. Tran Van, relatant des faits d’attouchement, d’agressions sexuelles et de viol commis par Louis Mouren, entre 1967 et 1971, alors qu’il était âgé de 13 à 17 ans ; témoignage qu’il a confirmé en juin 2022 à la Commission Reconnaissance et Réparation (CRR).
Celui-ci rapporte que Louis Mouren sélectionnait de jeunes orphelins, notamment dans l’orphelinat des sœurs de Saint-Vincent de Paul, situé 10 rue de Lorraine à Saint-Germain en Laye, qu’il les plaçait dans des écoles (école Saint-Euverte à Orléans, collèges Saint-Nicolas de Vaugirard et Saint-Nicolas d’Issy-les-Moulineaux…) et finançait leur scolarité.
Les faits relatés ont eu lieu, la première fois, dans la Maison du 42 rue de Grenelle qui abritait, à l’époque, la plus grande communauté jésuite de Paris, puis à l’école Saint-Euverte à Orléans.
L’association « Les liens brisés », fondée en 1954, était domiciliée à Paris, initialement au 42 rue de Grenelle, puis 15 rue Linné, et enfin au 42 rue Notre-Dame de Lorette jusqu’à sa dissolution en 2013.
Nous exprimons notre honte face aux faits odieux relatés par M. Tran Van auprès de notre cellule et dans l’ouvrage collectif « Quand le diable a revêtu l’habit » publié aux éditions Karthala (2024). Ils montrent comment un prêtre a pu profiter de sa position d’autorité pour commettre des crimes sexuels et de la position de vulnérabilité d’une mère et de son enfant qui lui faisaient entière confiance. Ils illustrent l’incapacité des supérieurs de Louis Mouren à empêcher ces abus.
Un appel à témoin a été publié sur le site jesuites.com le 17 mars 2023. Nous lançons aujourd’hui cet appel par voie de presse, pour permettre à d’autres personnes victimes de se faire connaître auprès de notre cellule Écoute et prévention des abus et/ou de la Commission Reconnaissance et Réparation.
Cet appel à témoignage fait suite au protocole signé à l’issue du parcours de reconnaissance et de réparation via la CRR entre M. Tran Van et la Province jésuite EOF.
Il existe un fonds d’archive Louis Mouren, versé aux archives de l’agence bibliographique de l’enseignement supérieur après sa mort en 1991. Sa biographie y est indiquée.
“Né à Paris le 2 avril 1902, il est employé de banque avant sa vocation tardive : il doit apprendre le latin à l’Ecole apostolique de Poitiers avant d’entrer au noviciat jésuite de Laval, le 17 août 1930. Ordonné prêtre en 1932, il participe à la Résistance puis réagit contre les excès de l’Epuration en exerçant, parfois au péril de sa vie, des ministères successifs d’aumônier de prisonnier : d’abord (début 1944) au camp de Nexon (Haute-Vienne) où il défend crânement les droits des résistants internés par les Allemands et réussit à sauver des juifs ; ensuite à la prison de Limoges où il tente de s’opposer aux violences des nazis et des miliciens, puis, en sens contraire, assiste, bouleversé, aux crimes commis de la Libération dans la campagne d’alentour ; enfin après un passage à Drancy, c’est la « cité carcérale » de Fresnes (1945-1947) : là, grâce à sa forte personnalité, il parvient, malgré les réticences de l’administration, à instaurer une vie sacramentelle, à faire pénétrer plus de 2000 livres, à entrer en rapport avec les familles – effort d’humanisation que poursuivront ses successeurs, l’abbé Popot.
Il exerce son influence, bienfaisante sur un grand nombre de détenus politiques, croyants ou incroyants, comme Maurras, Benoist-Méchin, F de Brinon, A. Hermant, H. Béraud…, et en conduit quelque 120 au poteau d’exécution (80 à Limoges, 40 à Paris), notamment Laval, Darnand, Brasillach, Luchaire. Puis devenu aumônier-adjoint du Secours Catholique et bénéficiant de la confiance du ministère d la Justice, il peut visiter toutes les prisons de France, y donnant parfois des retraites jusque vers 1975. Parallèlement il s’occupe activement des œuvres des « Liens brisés » (enfants délaissés) et du S.O.S. Il est titulaire de la Légion d’honneur, du Mérite national et de la Médaille du travail”.