Après plus de six ans de travaux de restauration, une célébration grandiose présidée par Mgr Luc Crepy a eu lieu samedi 18 janvier. L’organiste titulaire, Jean-Pierre Millioud a été décoré pour ses cinquante ans au service de la paroisse cathédrale. Le lendemain était donné un concert d’inauguration à 2 orgues et orgue à 4 mains par l’ensemble des organistes de la Cathédrale.
Avec ses 3248 tuyaux reliés à 3 claviers et un pédalier, le son peut emprunter à la flûte comme au bourdon … et ainsi de 46 manières aussi appelées “jeux”. La Manufacture Muhleisen l’a entièrement rénové. Les tuyaux ont été retirés pour être redressés, leurs trous réparés, leur ajustement au buffet peaufiné ; une fois le tout remonté, les jeux ont été accordés de façon à retrouver leur jus particulier. Pour plus de puissance sonore, un deuxième moteur a été ajouté à la soufflerie.
L’orgue avait déjà été restauré en 1987 – 1989. En 2018, la restauration devait prendre aussi deux ans mais au moment de remonter l’orgue, l’Etat, propriétaire de la cathédrale, a décidé de restaurer la façade et l’orgue en aurait gêné les travaux. De nombreux tuyaux sont donc restés entreposés dans des caissons étanches aux variations d’hygrométrie et de température pendant 5 ans dans des chapelles latérales de la cathédrale. Toutes les pièces déjà réinstallées ont été emballées dans un immense film plastique pour être protégées de la poussière, le temps de restaurer le vitrail de la façade.
Heureusement, l’orgue de chœur a permis d’animer tous les offices durant ce long intermède, bien plus petit il compte tout de même 884 tuyaux !
Après 6 ans et 9 mois d’attente, les paroissiens ont pu redécouvrir la voix du grand orgue. Mgr Luc Crepy a procédé à l’encensement et la bénédiction de l’instrument depuis les pavés de la cathédrale :
“Pour que notre chant qui monte vers toi soit plus digne de ta gloire, nous te demandons de bénir cet orgue pour qu’il accompagne de son harmonie nos louanges et nos prières, et que nos coeurs te chantent dans l’Esprit-Saint. Daigne aussi Seigneur bénir tous les musiciens qui le feront sonner : que ton Esprit les inspire afin qu’ils rendent gloire à ton nom et soutiennent le chant de l’assemblée. Et comme cet instrument ne fournit qu’une seule musique à partir de la multitude de ses tuyaux et de la richesse de ses timbres, fais de tous les membres de ton Eglise un seul peuple, le corps de ton Fils, Lui qui règne pour les siècles des siècles.”
Puis l’évêque a appelé huit fois l’orgue à se réveiller entrecoupé par sept morceaux interprétés par les différents organistes de la cathédrale.
Témoignage de Jean-Pierre Millioud, organiste titulaire :
“Je fais partie des pierres”. “J’ai été installé titulaire de l’orgue de chœur en 1972 par M. le Chanoine Lionel Thueux, alors Curé-Archiprêtre de la cathédrale pour les ordinations de juin et nommé organiste titulaire du grand orgue historique le Saint Jour de Pâques 1978, après le décès de la 13ème titulaire depuis 1761 Denise Chirat-Comtet (titulaire de 1953 à 1978).
A ce jour, notre équipe est constituée de 6 organistes dont plusieurs ont à peine la trentaine, la relève est assurée. Tous jouent aussi dans d’autres paroisses. J’ai moi-même été directeur du conservatoire de Conflans-Sainte-Honorine et organiste à la Chapelle royale. Nous alternons pour assurer les multiples célébrations en plus des messes habituelles. Le Père Amaury Sartorius, actuel curé de Louveciennes, est notre Maître de chapelle ; organiste lui-même, il a bien évidemment participé aux claviers à la bénédiction et à l’inauguration de l’instrument.
Il y a une grande complicité entre les organistes, les animateurs de chorales et les prêtres et vicaires. Nous sommes tous des serviteurs ordinaires au service de la liturgie. Une messe n’est pas un concert spirituel et nous nous adaptons sans cesse pour laisser place au silence notamment. Nous soutenons la prière des fidèles et j’aime improviser sur l’air de la prière universelle pendant l’offertoire pour montrer la continuité spirituelle de ces deux séquences de la messe. L’orgue souligne l’esprit du jour, jour de fête ou au contraire jour de deuil ou de grave solennité. Il se tait pendant le carême, est moins présent durant l’avent sauf pour les dimanches de gaudete et de letare.
Notre répertoire est vaste et l’on peut proposer des morceaux inattendus comme lors de l’installation de Mgr Jean-Charles Thomas où j’ai pu jouer le Diu vi Salve Regina, l’hymne corse, du diocèse qu’il venait de quitter ou bien le cantique de Saint Yves joué pour les obsèques de Mgr Simmoneaux qui était breton. Et nous avons bien sûr tout un répertoire de la grande musique sacrée universelle et bien sûr versaillaise !
Depuis le grand orgue, on a des moments privilégiés de contemplation silencieuse : Par exemple, lorsque le soleil passe dans l’axe du grand vitrail sud, je vois le Seigneur Jésus tenant l’Evangile et pointant le doigt vers le Ciel. Un instant mystique parmi tant d’autres ! Cette cathédrale est un hymne à la sainte Trinité.
Le Père Plainecassagne m’a annoncé la remise de la médaille de Saint-Grégoire le Grand il y a quelques jours et j’ai été ému et honoré que cela soit Mgr Crepy qui me décore juste après la bénédiction de l’orgue. Cette médaille est une haute distinction du Vatican rarement remise. C’était singulier, pour moi qui suis invisible de l’assistance, d’être mis en avant ainsi !”
Dans son édito du bulletin paroissial du dimanche 19 janvier, le P. Olivier Plainecassagne, curé de la cathédrale expliquait :
“La bénédiction d’un orgue n’est pas seulement un événement rare et pittoresque ; c’est un événement riche de sens. Dieu a confié l’univers à l’homme non pas pour qu’il le domine, mais pour qu’en le servant, il puisse manifester toute la beauté de ce qu’il est. Chaque organiste selon son expérience, sa sensibilité, sa technicité, sa capacité de savoir ressentir la prière de l’assemblée permet à l’orgue de donner toute sa mesure au service de la beauté et de la gloire de Dieu. Cet événement liturgique est aussi pour nous l’occasion de remercier tous les organistes de la cathédrale qui, à chaque célébration, et en particulier le dimanche, participent à la beauté de la prière.
