C’est un festival médiatique : à l’occasion du succès du pèlerinage organisé par Notre-Dame de Chrétienté, de Paris à Chartres en ce week-end de Pentecôte, de nombreux articles fleurissent dans les médias : Famille chrétienne, La Croix, Le Pèlerin, Valeurs Actuelles, France catholique, L’Homme Nouveau… CNews va retransmettre en direct la messe du dimanche de Pentecôte, Radio Notre-Dame invite Rémi Fontaine, l’un des fondateurs du pélé, et beaucoup y vont de leur petit commentaire sur cette “sensibilité liturgique”, sur les “tradis”, sur la “messe en latin”… Tel éditorialiste invite “les sensibilités liturgiques à s’accorder dans leur diversité”, tel article s’interroge sur l’application de Traditionis custodes, tel prêtre appelle à “un dialogue mutuel, respectueux et fécond dans toute l’Église de France”…
Si la messe traditionnelle constitue certainement la pierre angulaire du pèlerinage de Chrétienté, ce dernier ne se réduit pas à une histoire de rite liturgique, comme l’indique le nom même de ce pèlerinage : la Chrétienté. Derrière la messe, c’est tout un écosystème que les pèlerins viennent en effet chercher : la fierté d’être catholique, sans langue de buis, attachés à une doctrine clairement enseignée, sans compromis (le thème de cette année, Les Fins dernières, a de quoi faire pâlir les théoriciens de la pastorale des années 70, pastorale toujours actuelle, selon laquelle nous irons tous au Paradis), à la royauté sociale de Notre-Seigneur Jésus-Christ (contestée encore récemment par Mgr de Moulins-Beaufort lors d’une rencontre avec des séminaristes).
Se contenter, comme ce prêtre du Nord, à regretter l’atteinte à l’unité de l’Eglise que constituerait la différence des rites (qui reste néanmoins un sujet, et le scandale de la communion aux personnes divorcées-remariées n’est pas là pour favoriser cette unité), c’est oublier une part importante du problème : celui de la transmission de la foi catholique. Quand on voit que demain, à l’occasion de la soi-disant « Journée internationale contre l’homophobie », le groupe « Devenir un en Christ » organise une conférence à la maison diocésaine du Havre avec l’évêque du lieu, Mgr Brunin, on se demande qui blesse l’unité et la foi de l’Eglise. Au centre de l’affiche de l’évènement, figure une croix blasphématoire LGBT, « avec le soutien du diocèse du Havre ». Il s’agit de légitimer les pratiques sexuelles contre nature et certains clercs défendent cette idéologie publiquement sans subir les persécutions réservées aux tradis (on pense en ce moment à l’affaire de Quimper). Alors non il n’y a pas que la messe qui attire les jeunes sur les chemins de Chartres. Il y a des catholiques qui ont soif de l’authentique message de l’Evangile.
« Ce qui était sacré pour les générations précédentes … ne peut à l’improviste se retrouver totalement interdit, voire considéré comme néfaste », c’est vrai de la messe comme de la doctrine. Celle sur le Christ-Roi a été développée récemment par Pie XI, il y a presque 100 ans. Pourquoi l’Eglise n’en parle plus ? Parce qu’elle n’y croit plus. Comme bien souvent elle ne croit plus au caractère propitiatoire de la messe ou à l’indissolubilité du mariage, à la pénitence, à l’enfer, aux anges… Nous l’avons vu lors de la crise sanitaire, crise hystérique durant laquelle les autorités de l’Eglise ont privé les fidèles du culte public, des sacrements, de la grâce. Y croient-ils encore ? Il est permis de se poser la question. Mariages, baptêmes, confirmations, obsèques refusés, églises fermées, mépris,… : la liste est longue des humiliations subies par nombre de familles et de clercs.
Un mot sur l’école. Là aussi la croissance impressionnante des écoles hors-contrat devrait interroger l’enseignement diocésain. A quand la remise en cause du contrat d’association avec l’Etat et la liberté retrouvée de l’enseignement catholique ? Quand on sait que l’Etat, qui ferme 2000 classes par an, demande à l’enseignement catholique d’en fermer plusieurs centaines, il y a de quoi s’interroger et se scandaliser. Les catholiques veulent une Eglise qui enseigne la foi catholique à leurs enfants.
N’y a-t-il pas une mauvaise foi manifeste à se prévaloir de l’autorité pour décrier les tradis tout en fermant les yeux devant l’hétérodoxie de nombreuses réalités ecclésiales ? Beaucoup de catholiques le voient. Qu’ils s’agissent de ceux qui marchent dans le sens Paris-Chartres comme de ceux qui marchent dans le sens Chartres-Paris. On lit ici ou là que les jeunes ne seraient pas adeptes du combat des anciens tradis et qu’ils vont indistinctement à l’Emmanuel, à la nouvelle messe comme à la messe traditionnelle. Mais ce lieu commun de certains journalistes qui ne viennent même pas à Chartres pour sonder réellement les pèlerins masque une autre réalité : nombreux sont ceux qui vont d’une paroisse ex-Ecclesia Dei à une chapelle de la FSSPX, sans complexe (et la fermeture des inscriptions par Notre-Dame de Chrétienté a permis de constater une croissance nette de l’autre pèlerinage). Et ces fidèles n’hésitent plus à placer leurs enfants dans une école tenue par la FSSPX. On parle de la croissance du pèlerinage de Chrétienté. Mais l’autre pèlerinage, celui de la FSSPX, est également en croissance. C’est tout un écosystème qui fleurit actuellement dans l’Eglise. Ceux qui ont fustigé Benoît XVI lors de sa tentative de rapprochement portent une lourde responsabilité, comme ceux qui dénaturent la foi catholique. Souvent il s’agit des mêmes.