De même que Pâques et la Pentecôte, la sainte fête de Noël avait à Rome son cycle dominical, et, dans les anciennes liste des lectionnaires, ce dimanche était précisément indiqué comme le premier après la Nativité du Seigneur. Il n’y a pas de station désignée, soit parce qu’on l’indiquait peut-être au peuple à mesure que l’occasion s’en présentait, soit encore parce que, en ces dimanches mineurs, on laissait aux prêtres titulaires le soin de célébrer la messe dans leurs propres paroisses, sans que le peuple dût se rendre processionnellement à l’église où le pape officiait.
L’introït provient du livre de la Sagesse (XVIII, 14-15), et se rapporte, au sens littéral, à la venue de l’ange exterminateur, au cœur de la nuit, pour le massacre des premiers-nés des Égyptiens, oppresseurs du peuple d’Israël. « Tandis que tout était plongé dans un profond sommeil, et que la nuit était au milieu de son cours, votre Verbe tout-puissant descendit de sa demeure éthérée de gloire. » On y ajoute le psaume 92 : « Le Seigneur a inauguré son règne, il s’est revêtu de gloire, il s’est fait comme un manteau de force et s’en est orné. »
L’ange exterminateur épargna les maisons des Hébreux sur les portes desquelles avait été répandu le sang de l’agneau pascal. Ce divin messager, ministre de la justice de Dieu pour les uns et sauveur bienfaisant pour les autres, est une figure du Verbe incarné. C’est pourquoi l’Église, suivant en cela l’interprétation authentique de l’apôtre saint Jude, applique ce passage de la Sagesse à Jésus. Comme la libération de l’oppression égyptienne, ainsi la délivrance de l’antique joug du péché par le Messie arriva au cœur de la nuit—l’heure de la prière plus intime et plus recueillie — tandis qu’alentour tout le créé se taisait, et que le monde civil lui-même jouissait politiquement de l’inaltérable pax romana inaugurée par Auguste. Les ténèbres sont aussi un symbole de l’ignorance et du péché où se trouvait plongée l’humanité à l’apparition de Jésus, astre splendide du matin.
Dans la collecte, nous demandons au Seigneur, maintenant qu’est apparu sur la terre le Pontife de notre confession et le Maître qui, par son exemple, nous montre la voie du bien, de diriger nos actes selon sa sainte volonté afin que, au nom de Jésus son Fils, nous méritions de multiplier les actes vertueux.
L’ordre primitif des messes stationnales ayant été altéré, la série des lectures fut bouleversée. Aujourd’hui, on lit l’épître aux Galates, quoique celle aux Romains dure encore jusqu’à l’Épiphanie. Pourtant, que ce soit une coïncidence fortuite ou une anticipation expressément voulue, ce passage de l’Apôtre convient parfaitement au mystère de l’enfance du Seigneur, que l’Église célèbre en ces jours. Saint Paul veut démontrer que Jésus est Fils de Dieu et invoque pour cela une raison tout intime, mais d’une portée beaucoup plus vaste et générale puisqu’elle s’étend à tous les chrétiens. L’Esprit Saint, observe-t-il, nous met sur les lèvres l’invocation filiale : « Abba, Père. » Mais le divin Paraclet est l’esprit de Jésus : donc c’est Jésus qui nous associe à sa filiation divine, nous communiquant le droit d’appeler Dieu notre Père, étant lui-même le Fils aîné et le premier et nécessaire héritier des richesses paternelles.
Ensuite vient le répons-graduel, tiré du psaume 44 : « Plus beau que tous les mortels, la grâce est répandue sur vos lèvres. Mon cœur éclatera en un hymne de louanges, je narrerai mes œuvres au roi ; ma langue est semblable au roseau du scribe qui, rapide, trace ses signes. »
Le verset alléluiatique répète le psaume 92, qui est devenu, en ces jours, le chant spécial de l’inauguration du nouveau royaume messianique.
La lecture évangélique qui le suit est d’un choix très ancien, au moins antérieur à la fête de la Purification. A l’origine, avant que les mystères de la sainte Enfance fussent vénérés en des solennités distinctes, selon leur développement chronologique, la liturgie romaine les avait groupés autour de la fête de Noël, selon l’ordre des lectures du saint Évangile.
Le sentiment le plus naturel de l’âme qui contemple les choses de Dieu, est celui d’une sainte admiration. L’Enfant Jésus était l’objet d’étude continuelle et d’émerveillement pour Marie et Joseph. Et pourtant, il n’avait pas encore ouvert la bouche, il n’avait encore opéré aucun prodige. Que sera-ce quand sa Mère bénie le contemplera sur la Croix ? Si les mystères de condescendance, d’obscurité, de suavité ineffables de la sainte Enfance de Jésus sont si profonds, que même l’âme illuminée de ses saints parents s’y perd, que ne devrons-nous pas faire pour étudier continuellement Jésus, afin de le comprendre intimement ? Un auteur ancien l’appelait : magna quaestio mundi, et il en est ainsi, en effet. Il est un mystère réconfortant pour les bons et une question pénible pour les méchants. Ceux-ci voudraient l’ignorer, ils voudraient éluder ses prétentions à la souveraineté universelle, mais c’est en vain. Ils confessent sa divinité précisément en le combattant, car, si Jésus n’était qu’homme et non pas Dieu, ils ne s’inquiéteraient pas tant de le persécuter. Signum oui contradicetur : voilà en trois mots toute l’histoire de Jésus et aussi celle de l’Église. La persécution pourra varier sa tactique et son mode, mais à travers les siècles, au fond de toutes les haines et de toutes les oppressions de l’Église, c’est toujours Jésus qui est le grand persécuté.
L’antienne de l’offertoire est identique à celle de la seconde messe de Noël.
Dans la secrète sur les oblations, nous prions Dieu de les agréer, afin que nous obtenions par là la grâce d’une sainte ferveur, qui nous assure à la fin l’entrée dans la vie bienheureuse.
L’antienne de la Communion est prise dans l’Évangile (Matth., n, 20), mais d’un autre passage que la lecture de ce jour ; ce qui prouve que l’ordre des antiennes et des péricopes scripturaires a été bouleversé. « Prends l’Enfant et sa Mère, et retournez dans la terre d’Israël, car ceux qui attentaient à la vie de l’Enfant sont morts. »
La collecte après la Communion exprime en peu de mots tous les fruits eucharistiques : « Par l’efficacité de ce Sacrement, faites, Seigneur, que nous soyons purifiés de nos vices, et que nos vœux soient heureusement exaucés. »
Dieu aime tant la vie cachée et l’humilité, que même quand il se révèle, il le fait en se cachant d’une nouvelle manière, inaccessible au sens humain. Ainsi le Verbe de Dieu apparaît sur la terre, mais il se voile sous une enveloppe de chair ; il se manifeste aux hommes, mais sous l’aspect d’un pauvre artisan ; et aujourd’hui même, si l’Évangile atteste que Jésus se fortifiait et donnait des preuves toujours plus merveilleuses de son éternelle sagesse, il ajoute pourtant tout de suite qu’il cacha cette sagesse substantielle elle-même, en vivant pendant trente ans dans l’atelier d’un charpentier, soumis et obéissant à Marie et à Joseph.
Extrait du Liber Sacramentorum du Bienheureux Cardinal Schuster