La Nef a traduit un entretien avec le cardinal Müller par Lothar C. Rilinger publié le 5 décembre 2023 sur le site allemand Kath.net. Extrait :
Des évêques, mais aussi des laïcs, hommes et femmes, se sont réunis pour la première fois à Rome à l’occasion du synode mondial pour parler de l’avenir de l’Église. En convoquant ce synode mondial, le pape François a poursuivi l’idée que le pape Pie IV avait déjà préconisée lors du Concile de Trente, à savoir une discussion synodale sur les fondements de l’Église. Estimez-vous nécessaire, dans le cadre d’un synode, que les principes fondamentaux de l’enseignement de l’Église soient discutés dans un cercle où non seulement le clergé mais aussi les laïcs ont droit de vote, afin que l’enseignement de l’Église ne soit pas seulement formulé par des prêtres formés en théologie mais aussi par des laïcs, ceux-ci pouvant avancer des arguments non théologiques et disposer d’un pouvoir décisionnel égal à celui des clercs, ce d’autant plus que le Pape peut déclarer juridiquement contraignantes les décisions du synode ?
Il n’y a rien à redire contre une discussion portant sur des sujets religieux au sein d’un groupe d’évêques, de prêtres, de religieux et de laïcs. Bien que leurs tâches dans l’Église soient différentes, tous, selon leurs ministères et leurs charismes, doivent « contribuer à l’édification du corps du Christ » (Éphésiens 4, 12) et, ainsi « au bien de toute l’Église » (Lumen Gentium, 30). Le Synode des évêques, en revanche, a un caractère propre, en ce sens que les évêques, avec le Pape comme chef du collège, exercent l’autorité épiscopale qu’ils ont reçue du Christ dans le sacrement de l’Ordre et qui se manifeste dans la triple charge de la sanctification, de l’enseignement et du gouvernement (Lumen gentium, 21). Vatican II voulait contrecarrer l’impression de « centralisme romain » qui pouvait naître de la doctrine de la primauté issue de Vatican I, en mettant l’accent sur la responsabilité globale du collège des évêques à l’égard de l’Église universelle. Par conséquent, à l’instar des anciens synodes ecclésiastiques, bien que d’une manière nouvelle, la réunion régulière de nombreux évêques avec le Pape a été institutionnalisée à travers le « Synode des évêques » (Christus Dominus 5), tout comme ont été créées des conférences épiscopales pour le bien de l’Église dans son ensemble. Or, dans l’hypothèse où, comme ce qui vient de se passer pour le Synode sur la synodalité, des laïcs nommés par le Pape reçoivent le même droit de vote que les évêques (lesquels jouissent de ce droit de vote en vertu de leur ordination épiscopale), le risque est que les évêques soient à nouveau éloignés du Pape et se trouvent face à lui comme des requérants devant un unique décideur, ce qui contredit le sens de la collégialité épiscopale. Par la double fonction de cette assemblée comme synode des évêques et comme forum de discussion au sein de l’Église, quelque chose est gagnée sur le plan de la coopération des évêques, des prêtres et des laïcs, d’une part, mais quelque chose, qui était le fruit précieux de Vatican II, est perdue sur le plan de la collégialité vécue entre le pape et les évêques.
J’ajoute que, lorsque des décisions visent à modifier la nature d’un organe relevant de la Constitution de l’Église, ce ne sont pas seulement les bonnes intentions qui sont en cause. De telles décisions doivent être en accord avec les données ecclésiologiques de base, résultant de normes de droit divin de la Constitution de l’Église. Il faut donc distinguer les différences essentielles entre les deux assemblées : le Synode des évêques (en tant qu’élément constitutionnel de l’Église) et un symposium ou forum théologique et pastoral composé de membres délégués appartenant à tous les états (clercs et fidèles). […]