Importance de Saint Augustin
Pour apprécier l’importance de saint Augustin examinons brièvement en lui le fondateur d’Ordre, le docteur, et enfin l’homme.
a) le Fondateur d’Ordre. On ne saurait attribuer à saint Augustin le titre de Fondateur d’ordre dans le sens rigoureux du mot, comme à un saint Benoît par exemple. Néanmoins, c’est le régime commun, tel qu’il l’avait établi chez lui à l’instar de la communauté chrétienne primitive, qui fut réellement le modèle et l’origine des chapitres, aussi bien des chapitres séculiers des cathédrales et des collégiales que de l’ordre des chanoines réguliers de Saint-Augustin. La règle de saint Augustin (appellation qui apparaît de plus en plus justifiée aux yeux de l’histoire) a servi de norme et de directive à beaucoup de communautés et ordres religieux. Aujourd’hui donc, en assistant à la messe, nous sommes en union non seulement avec le grand saint, mais encore avec tous ses enfants, les innombrables membres des communautés qui vivent sous sa règle ; qu’ils soient déjà dans la gloire ou qu’ils continuent à combattre sur la terre. C’est donc un rameau vigoureux de l’arbre de l’Église qui célèbre avec nous le saint sacrifice.
b) le Docteur. « Au milieu de l’Église, le Seigneur lui a ouvert la bouche ». Ces paroles s’appliquent dans leur sens le plus rigoureux à saint Augustin, un des Docteurs de l’Église universelle. Saint Augustin est encore docteur de l’Église au sens liturgique : Dieu lui « ouvre toujours la bouche au milieu de l’Église » : il ne cesse de s’y faire entendre dans un grand nombre de leçons et d’homélies ; c’est presque toujours lui qui assume la charge de commenter l’Évangile de saint Jean et d’expliquer les mystères des fêtes solennelles de l’année. Son commentaire des psaumes est un des plus beaux monuments de son esprit liturgique.
c) l’Homme. Il y a peu de saints dont la vie et les exemples émeuvent aussi profondément les modernes que nous sommes. Il en est peu chez qui l’œuvre de la grâce apparaisse aussi manifeste. Nous avons eu l’occasion durant ces derniers dimanches d’analyser les deux âmes que chacun porte en soi ; le fait est extraordinairement frappant dans la vie de saint Augustin. Fils d’une mère chrétienne et d’un père païen, on ne lui donna pas le baptême dans son enfance. Lui-même se déciderait librement à le recevoir, parvenu à l’âge mûr ; et c’est ainsi que deux génies accompagnèrent ses jours. Son bon génie, c’était sa bonne et sainte mère ; mais c’est le mauvais génie qui bien longtemps l’emporta. Augustin se fit manichéen, et la mère pleurait et priait. Il quitta l’Afrique en trompant la vigilance de sa mère qui voulait l’accompagner à Rome ; elle pleurait et priait. « Le fils de tant de larmes ne saurait périr » avait dit un saint évêque, et Monique espérait. Le mauvais génie, cependant, entraînait son fils dans des désordres toujours plus grands, exploitant les facultés étonnantes de sa riche nature pour accroître son arrogance et son orgueil. Mais la grâce, elle aussi, ne cessait de veiller, et plus Augustin sombrait dans les sentiers du vice, plus il lui assurait un terrain favorable. Il eut la sensation du vide ; il aperçut le grand abîme de tout cœur humain ; il constata que les biens terrestres qu’on y jette ne sont qu’une poignée de pierres qui en couvrent à peine le fond. L’heure de la grâce était arrivée : « Le cœur est inquiet jusqu’à ce qu’il repose en Dieu ». Ambroise en fut l’instrument. Monique accourut, joyeuse, à Milan ; elle assista au baptême de son fils, elle en fut témoin de ses propres yeux. Et le baptême fut bien, comme il le devait, le grand événement de la vie d’Augustin, la conversion (metanoia). A partir de ce jour, la grâce s’est réellement emparée de son cœur. Augustin accompagne sa mère à Ostie. Elle y meurt. Elle y meurt sans regret, car elle a engendré son fils une seconde fois — au ciel. — Le lecteur qui possède les Confessions de saint Augustin fera bien d’en relire quelques pages cette semaine.
Extrait de Dom Pius Parsch, Guide dans l’Année liturgique (via le site Introïbo)