Au moment où les évêques de France réunis à Lourdes le 28 mars 2023 signent tous un texte exprimant leur opposition à la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté, et où dans le même temps l’Archevêché de Paris publie pour toutes les paroisses de la région l’excellent livret « Vivants! » qualifiant l’euthanasie de « meurtre délibéré », la présidente de la CORREF (Conférence des religieux et religieuses de France), Véronique Margron doit une explication aux fidèles catholiques. Le Père Michel Viot analyse la préface qu’elle écrite à un ouvrage favorable à l’euthanasie : « Médecin catholique, pourquoi je pratique l’euthanasie. Ed Presses de la Renaissance septembre 2014.
En 2014, Véronique Margron signe sa préface ainsi : après son nom OP
Religieuse dominicaine et théologienne. Apparemment elle ne veut effectivement engager qu’elle même, mais elle appartient à un ordre religieux qui a ses lettres de noblesse en théologie catholique. À cette époque, elle a poursuivi des études supérieures en théologie sous la direction des pères Thévenot et Cadoré, OP tous deux, dont personne ne conteste la compétence scientifique, mais qui ne peuvent prétendre refléter la théologie catholique officielle…mais pourquoi pas ? Docteur en théologie (sur travaux), elle est doyenne de la Faculté de théologie d’Angers de 2004 à 2010. Elle écrit dans La Croix et d’autres journaux ayant « un label » de catholicité . En 2014, quand elle écrit cette préface, elle engage officiellement l’Eglise catholique. Elle n’a pas pris la précaution de Benoît XVI quand il fut Pape et édita sa vie de Jésus de signer clairement Benoît XVI Joseph Ratzinger, précisant qu’on pouvait le critiquer comme n’importe quel théologien. Jean XXII, Pape d’Avignon s’était comporté de la même manière que son prédécesseur sur la vision béatifique et s’était finalement rétracté devant le jugement négatif des universités.
Ainsi en 2014 en acceptant de préfacer ce livre qui fait l’apologie de l’euthanasie, elle engageait plus que sa personne, compte tenu de ses fonctions (elle a été doyenne de la Faculté catholique d’Angers) et de sa notoriété dans le monde catholique. Et l’euthanasie et ses suites logiques ( comme le suicide assisté) ont toujours été condamnés par l’Eglise.
Nous sommes aujourd’hui en 2023. Madame Margron a été été élue présidente de la OORREF en 2016, et réélue pour quatre ans en 2021. Le livre sur l’euthanasie est toujours fort bien exposé avec son nom, et avec la même préface qu’en 2014. Or un très grave débat de société s’ouvre en France sur l’euthanasie et le suicide assisté. Le diocèse où je travaille a pris courageusement position contre , comme la Conférence des évêques de France tout récemment. Ce livre en vitrine, avec le nom de Véronique Margron choque plus d’un de nos fidèles. Je pense qu’il serait de son devoir de s’expliquer, ou de renoncer à toute fonction représentative de l’Eglise en France. A supposer que la CORREF approuve le fait qu’elle ait signé une préface pour un livre partisan de l’euthanasie ! Il me semble cependant que les religieux catholiques ne peuvent avoir d’autres doctrines que celle du Magistère.
Bien, pourra-t-on dire, mais signature de préface ne vaut pas approbation. Il faut lire le texte ! Et c’est vrai. Mais chacun sait que les Français lisent de moins en moins. Un regard sur un étal de livres suffit hélas ! Ce qui devrait inciter Madame Margron à agir ! Mais elle ne le fait pas ! Elle doit dire pourquoi, compte tenu de ses responsabilités !
Il importe maintenant de se pencher attentivement sur le texte de cette préface ! On relèvera immédiatement l’intelligence de l’auteur qui, à propos de l’euthanasie parle de mal. Bon début dogmatique sévère, atténué par le sentimentalisme d’une citation d’un bon théologien protestant (tirée de son contexte) , Olivier Abel « Face à la mort nous sommes toujours des enfants ! ». Qui dirait le contraire ? Texte inutile donc, (pardon cher Olivier Abel) mais utile pour un consensus catholique voulant absolument allier sentimentalisme et tradition ! Au nom de la charité bien sûr ! Médiatiquement bien joué, mais théologiquement douteux ! Et Olivier Abel ne me dirait pas le contraire !
Ce premier amalgame de Madame Margron la conduit à en faire un autre, absolument terrifiant. Le Docteur Van Oost dont elle préface le livre est présentée comme une sorte de pionnière des soins palliatifs, ce qui est en partie vrai, ne chipotons pas ! Mais elle la fait passer ensuite « logiquement » dans la monstrueuse activité euthanasique de Belgique, comme conséquence « logique » de son appartenance à une communauté catholique « les ouvriers du monde ». Et ce médecin a cette qualité fascinante pour bon nombre de catholiques aujourd’hui de « ne pas vivre de certitudes. Mais de chercher, se remettre en cause…etc…Se laisser éclairer par d’autres, bousculer par la vie ». C’est là le langage du Grand Orient de Belgique, la plus irrégulière de toutes les obédiences maçonniques du monde, la plus anti catholique aussi. Voir p 12, fait suite un « édulcorant » pour catholiques à ménager. Ça commence bien effectivement « chercher du côté de Dieu… ». Les théologiens jugeront. Mais nous ne sommes pas encore au pire. Jusque là, selon la prefacière , le docteur Van Oost combat contre la légalisation de l’euthanasie ! Oui vous avez bien lu ! Mais elle rencontre Albertine (p 12), maladie de Charcot….et des collègues « charitables » qui acceptent de donner « la mort miséricordieuse », et voilà notre médecin convertie ! Et la subtilité de la théologienne interroge, qu’on en juge. Selon elle le médecin converti donne « un oui qui coûte autant moralement, spirituellement, qu’un refus de l’euthanasie. Le oui à l’euthanasie survient toujours dans des circonstances uniques, dans le dilemme. Ce médecin le sait mieux que beaucoup d’autres », et ensuite reprend l’amalgame avec les soins palliatifs . Cette suite de raisonnement est trop misérable pour intéresser. Ce qui en revanche ne l’est pas, et mérite toute l’attention des théologiens, c’est l’équivalence morale (et spirituelle dans cette forme de pensée) entre les deux oui. Il y a la manœuvre hérétique et proprement diabolique, ce ne serait pas difficile à démontrer, et cela sera fait si cela est demandé par la congrégation pour la doctrine et la foi.( p 13)
La suite est aussi perfide par ce qu’enveloppée du manteau de la charité. « Au plus près du souffrant, laisser les questions ouvertes » Oh qu’en termes galants ces choses là sont dites aurait dit Molière ! Malheureusement il s’agit là de la piqûre finale qui doit trouver des veines, sinon ouvertes, mais disposées à recevoir l’injection létale . On veut être à côté du malade afin qu’il demeure le maître ( p14) alors que c’est exactement pour le soumettre à la loi « miséricordieuse de l’euthanasie ! Chacun le sait. Et tous les états d’âme que se complaît à décrire Madame Margron ne changeront rien à ll’hypocrite langage d’une nouvelle morale catholique « Ces pages nous invitent – nous obligent, peut-être -à mettre en place une éthique plus interrogative que prescriptive. Qui puisse se tenir entre détresse et promesse ». C’est là l’écho « des catéchismes en point d’interrogations » qu’on nous proposait déjà dans les séminaires avant mai 1968! On voit le résultat aujourd’hui ! Que ceux qui doivent juger jugent pour le bien commun des fidèles !
Pour l’éthique que penser ?
C’est la le titre donné à la conclusion de cette préface. Toujours une question destinée à montrer qu’on respecte la liberté d’autrui alors qu’on va décrire une situation absolument mensongère, appâtée cependant comme toujours pour ce genre de raisonnement « sophiste » d’une vérité « Nous avons voulu augmenter l’autonomie du patient, son droit de s’opposer à une thérapeutique après avoir été informé des conséquences » . Voilà qui est bien vrai et qui est heureux et qui devrait exhorter tout chrétien à perfectionner cela. Pourquoi enchaîner de suite sur des constatations d’impossibilités, parce qu’au nom de je ne sais quelle fatalité l’être humain serait incapable de décider par lui-même quelque chose ? Cela existe certes, mais peut être corrigé par l’échange fraternel et la direction spirituelle. Pourquoi déduire immédiatement que cela renvoie les médecins à une responsabilité d’autant plus écrasante qu’elle apparaît comme solitaire ! Or en matière de soins palliatifs, les décisions sont collégiales, et l’on me dit qu’il en est ainsi en Belgique pour l’euthanasie ! Ensuite l’auteur s’insurge « Qu’est-ce qu’un choix qui interdit tout autre choix ? Je réponds : justement l’euthanasie tombe dans cette triste catégorie ! Et on le toupet de la dénoncer ! Les études de logique sont vraiment déficientes dans l’étude de la théologie moderne, et le maniement du syllogisme relève plus du numéro de « trapèze volant » que d’un tout autre exercice. Il n’est pas étonnant alors que l’auteur ironise sur ceux qui. « veulent laisser la mort survenir par la seule nature » et qui objecte que le vouloir vivre ne peut se commander. Pas même grâce au soin et à la qualité de la présence d’autrui. Eh bien c’est faux dans la majorité des cas, c’est de l’ordre du mensonge du serpent de la Genèse « vous ne mourrez pas ». Tous les spécialistes des soins palliatifs, qui ne visent pas à les manipuler et à les trahir pour leur substituer l’euthanasie savent que dès qu’on supprime la douleur, la très grande majorité des patients n’a plus envie de mourir. Ils savent aussi que la présence de ceux qu’on aime est bénéfique et anti mortifère. Combien de nos ainés sont morts pendant le confinement plus affaiblis par la solitude que par quoique ce soit d’autre, bien sûr , sur les conseils de la Faculté et avec la « bénédiction » de notre préfacière!
Il est facile après avoir construit cette impasse de faire un devoir à la société de trouver « l’impossible » compromis éthique et législatif . Puisqu’elle a décrété qu’il y avait impasse Et l’on utilise la technique du en même temps. Ce n’est pas possible en éthique chrétienne. Ce prêchi-prêcha exaspérant vise à contenter un certain monde de la bien pensance catholique, mais débouche en fait sur un relativisme moral. Ce qui compte c’est de toujours rechercher, et la préfacière à aucun moment n’exclut l’euthanasie de cette recherche. On peut en déduire que pour elle, elle occupe une place légitime. C’est pourquoi écrire qu’avec l’auteur du livre « une même interrogation doit nous habiter : comment nos sociétés européennes peuvent-elles devenir capables de proposer une façon de vieillir reposant sur une confiance commune ? » ne peut que laisser plus que songeur sur la véritable pensée de Madame Margron ! Personnellement je ne déguiserais pas la mienne et je répondrai à sa question . Nos sociétés européennes seront capables de répondre positivement à la question posée le jour où elles condamneront sans appel l’euthanasie et le suicide assisté, et où il ne se trouvera plus de catholiques pour répandre le brouillard de leurs incertitudes et incohérences théologiques contre l’enseignement du Magistère de leur propre Église.
Dans le combat que mène l’Eglise catholique pour le respect de la vie. Madame la Présidente de la CORREF doit s’expliquer sur cette préface et sur certains des propos que j’ai relevé et dire clairement ce qu’elle pense de l’euthanasie et du suicide assisté !
Père Michel Viot