D’Aurelio Porfiri, essayiste et éditeur italien, pour Riposte catholique:
L’un des éléments pour lesquels le pontificat du pape François restera dans les mémoires sera certainement ses mesures très sévères envers ceux qui trouvent dans la messe célébrée avec le missel de 1962 une manière plus digne de rendre gloire à Dieu que dans la nouvelle messe. Pour beaucoup, même dans le camp progressiste, ces mesures semblent hors de proportion avec les énormes problèmes auxquels l’Église est confrontée, comme le défi d’une culture qui non seulement n’est plus chrétienne, mais qui est de plus en plus antichrétienne. Pourtant, il semble que le seul problème de l’Église, ce soient les traditionalistes.
Je pense que la récente intervention du cardinal Roche sur la nécessité de restreindre la célébration de cette messe, au motif assumé que la théologie d’aujourd’hui est différente, est parfaitement éclairante. Enfin les vraies positions des uns et des autres sont affirmées, sans les compromis parfois stériles du passé. Le Préfet du Culte divin exprime clairement que l’Église d’aujourd’hui est différente de son passé, qu’on le veuille ou non.
Si quelqu’un pense que l’Église doit être une continuité dans sa tradition, plutôt qu’une rupture avec elle, il est évident qu’il est aujourd’hui en grande difficulté car, contrairement à ce qu’on nous a dit ces dernières décennies sur la continuité entre les diverses formes du rite romain, on se rend compte de la distance abyssale qui s’est créée entre la messe de Paul VI et la messe traditionnelle. Une distance qui s’est désormais cristallisée et qu’il est très difficile de combler.
Bien souvent, de par la manière dont elle est célébrée, la messe de Paul VI ne semble pas être une autre forme du rite romain, mais semble presque appartenir à une autre confession chrétienne. Il m’est arrivé récemment d’en parler avec un liturgiste bien connu et âgé, certainement pas un traditionaliste. Il m’a décrit avec beaucoup d’admiration quelques-uns des protagonistes de la réforme liturgique. Je lui ai demandé si ces protagonistes seraient satisfaits de la façon dont la réforme a été menée et il m’a répondu sans hésiter que ce n’est absolument pas ce qu’on pensait à l’époque.
Alors, que doivent faire les fidèles dans une situation aussi difficile ? Certains cherchent des moyens de faire sentir leur malaise. C’est le sens d’une campagne publicitaire lancée à Rome le 27 mars : des affiches en italien et en anglais reprennent des phrases élogieuses de saint Pie V, de saint Jean-Paul II et de Benoît XVI sur la messe traditionnelle. Les fidèles italiens qui ont organisé cette initiative appartiennent à certaines réalités bien connues du monde catholique traditionaliste, comme celles des groupes qui se réfèrent au motu proprio Summorum Pontificum ou au blog Messainlatino, entre autres. Leur désir initial était, naturellement, de mettre les affiches dans la zone du Vatican, mais cela semble n’avoir pas été possible. Il a donc été décidé pour la zone Prati, qui est adjacente au Vatican et donc avec l’espoir que quiconque puisse voir, puisse réfléchir au fait que cet ostracisme envers le rite par lequel des milliers d’hommes et de femmes sont devenus saints n’a aucune raison être.
Je crois néanmoins que les promoteurs de cette campagne savent que c’est comme aller contre des moulins à vent, mais il y a ceux qui choisissent de se laisser mourir et ceux qui veulent mourir debout, en combattant. Et nous savons que si la messe traditionnelle vient de Dieu, comme nous le pensons tous, Dieu ira au combat avec ceux qui défendent ses droits inaliénables, y compris celui d’un culte digne, saint et dévoué.