Carlo Fantappiè, professeur de droit canon à l’Université de Rome Trois et à l’Université Grégorienne, membre de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales et auteur d’ouvrages importants notamment sur l’histoire de l’Église, du point de vue du droit, vient de publier un ouvrage dans lequel il étudie la mise en place du processus synodal.
« Après le modèle grégorien, le modèle tridentin, le modèle juridico-fonctionnel, celui du peuple de Dieu, voilà qu’est en train d’émerger le modèle d’Église synodale ».
Il point cinq risques derrière ce processus qui vise à réformer le gouvernement de l’Eglise :
- la synodalité pourrait devenir « un critère réglementaire suprême du gouvernement permanent de l’Église », supérieur aussi bien à la collégialité épiscopale qu’à l’autorité primatiale du Pape.
- « une vision idéaliste et romantique de la synodalité » ne prendrait pas au sérieux « la réalité des dissensions et du conflit dans la vie de l’Église » et refuserait donc à prévoir des normes et des pratiques adaptées à les gérer.
- « une vision plastique, générique et indéterminée de la synodalité », parce que sans une configuration conceptuelle précise, « le terme ‘synodalité’ risque désormais de devenir, selon les cas, un slogan (un terme impropre et dont on abuse pour désigner le renouvellement de l’Église), un ‘refrain’ (une ritournelle qui revient à chaque occasion, presque par effet de mode) ou un mantra (une invocation miraculeuse en mesure de guérir tous les maux de l’Église). »
- « la prévalence du modèle sociologique plutôt que théologico-canonique du processus synodal ». Le document de la Commission théologique internationale sur la synodalité « utilise déjà une terminologie typiquement sociologique (‘structures’ et ‘processus ecclésiaux’) plutôt que juridique ou canonique (‘institutions’ et ‘procédures’), mais cette dérive semble encore plus marquée si nous lisons le ‘Vademecum pour le synode sur la synodalité’ mis à disposition par le secrétariat général du synode des évêques », où il est question de « leadership collaboratif et plus vertical et clérical mais horizontal et coopératif ».
- « l’identification du concept de synodalité avec la dimension pastorale ». Quand le programme de la nouvelle synodalité s’inscrit « dans la triade communion, participation, mission », on lui confie un rôle démesuré à un point tel que « sa réalisation ne peut que relever de l’utopie ».
Fantappiè propose trois « précautions d’emploi » :
- rétablir pour la synodalité « des limites précises dans le cadre de sa mise en œuvre »
- « se soustraire à la confusion entre synodalité et démocratisation ».
- « éviter que la nouvelle synodalité ne modifie les équilibres de la constitution divine de l’Église ».
« Même si elle n’est soutenue que par des minorités au sein de l’Église, il ne faut pas sous-estimer le danger issu d’une vision désacramentalisée de l’Église qui voudrait plus ou moins consciemment se calquer sur une communauté démocratique pleinement inscrite dans le contexte des formes modernes du gouvernement représentatif. C’est pour cette raison que les partisans d’une telle vision de la synodalité ont tendance à contester la structure hiérarchique et cléricale, à réduire le rôle de la doctrine de la foi et du droit divin, à négliger la centralité de l’Eucharistie et à concevoir l’organisation ecclésiale sur le modèle congrégationnel (une Église d’Églises) ».