Dans la lettre aux amis de l’abbaye de Sainte-Marie de la Garde (n°42, 6 décembre 2022), Dom Marc, père abbé de l’abbaye, évoque la prévenance de Dieu :
Bien chers amis,
Récemment et de façon accrue, des révélations bouleversantes et scandaleuses ont vu le jour au sujet de clercs, et non des moindres. Puisque ces actes si graves font que « le sacerdoce chargé de témoigner de la prévenance de Dieu se retrouve retourné en son contraire », il semble impérieux de prier et de réparer, mais aussi d’agir afin que ces scandales et blessures infligées ne puissent jamais plus survenir. C’est assurément ce que le Saint-Siège et nos évêques vont continuer de mettre en œuvre avec détermination. En osmose avec cela, il convient sans doute aussi que nous redécouvrions avec humilité et reconnaissance cet immense don de Dieu que sont les ordres sacrés. On se souvient ici de saint Paul exhortant son disciple Timothée : « Ne néglige pas le don qui est en toi », « le don de Dieu qui est en toi par l’imposition de mes mains. » Le sacerdoce est un don divin certes caché « dans des vases d’argile », mais qui engage ceux qui en reçoivent la grâce à le faire fructifier sans cesse en eux : c’est-à-dire avec la droiture d’une intelligence durablement éclairée par la prudence et la foi surnaturelle, avec la loyauté d’un cœur toujours fragile mais qui garde conscience d’être constamment sous le regard de Dieu et avec la probité d’une vie terrestre qui à la fin aura – d’une manière ou d’une autre et qu’on le veuille ou non – des retentissements éternels. « Il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts », proclamons-nous solennellement dans le Credo tous les dimanches.
De plus, devant ces scandales en particulier, il peut être salutaire de nous rappeler le cri de Jésus en Croix : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ! » Dans un commentaire d’une profondeur incontestable et d’une évidente actualité, le cardinal Charles Journet place devant chacune de nos consciences les conséquences dramatiques du péché.
Un drame qui va non seulement au détriment – parfois irréparable – du prochain, mais encore à l’encontre de Dieu lui-même. « Surtout, nous mesurons mal la blessure, l’affront, l’offense que (le péché) fait à Dieu, au Dieu Amour. L’offense du péché, cela veut dire qu’il ne s’élève pas contre un Bien qui serait une chose. Il attaque une Personne infinie, qui m’aime d’un Amour infini, de qui je tiens tout ce qui en moi n’est pas méprisable et qui veut bien me demander mon amour, mon pauvre amour. Je peux le lui donner : “Si quelqu’un m’aime…, mon Père l’aimera, et nous viendrons vers lui, et nous ferons notre demeure chez lui.” Je peux lui faire affront, lui faire offense : alors le mal est infini. » Et le théologien de justifier alors le sens et la portée du sacrifice de la Croix, et indissociablement, du sacrifice de la Messe : « Le sacrifice de Jésus en Croix fait monter vers Dieu une adoration, une action de grâces, une supplication, une expiation dont la valeur est infinie ; à elles désormais devront, au moins obscurément, se suspendre, pour être valables devant Dieu, l’adoration, l’action de grâces, la supplication, l’expiation de tout le genre humain. »
Le message est clair. En ces temps troublés, chacun est appelé – et spécialement les prêtres – à rejoindre l’adoration, l’action de grâces, la supplication, comme aussi l’expiation du Seigneur Jésus. Et si nous nous demandons : comment y parvenir, et surtout y rester fidèle ? Marie Cronier, fondatrice et première abbesse de l’Abbaye bénédictine de Dourgne, donne un élément de réponse qui garde aujourd’hui encore toute sa force et sa lumière : par la dévotion à l’Eucharistie… et par une authenticité de vie intérieure. « La dévotion à l’Eucharistie – écrit-elle –, cette dévotion dans toute l’acception du mot devrait être inséparable du titre de prêtre : prêtre et amour de l’Eucharistie, ce devrait être tout un, puisque le tout du prêtre, la fonction du prêtre, le chef d’œuvre du prêtre, c’est le Saint Sacrifice, c’est de renouveler sans cesse sur l’autel la divine victime, c’est de donner au monde Jésus-Hostie. Sans prêtres, nous n’aurions plus Jésus présent, réellement à nous. Mais aussi le prêtre devrait être passionné d’amour pour l’Eucharistie, le but pour lequel il a l’insigne honneur d’être consacré, d’être une âme sacerdotale. Ce devrait être l’objet de ses pensées, de ses désirs, de ses actions ; son cœur devrait s’éprendre, adorer, vénérer, admirer, contempler, y penser en travaillant, en s’endormant, en s’éveillant, se tourner vers elle à chaque heure du jour, être avare de son temps pour trouver de bons moments à lui consacrer, elle devrait être son principe et sa fin, sa vie, son trésor, sa consolation, son école, son soutien. Oh ! Jésus ! faites que tous les prêtres le comprennent, vous comprennent, vous aiment en vous comprenant, vous servent d’un amour réel, profond, intime et vous fassent aimer. Mon Dieu, ne permettez pas de chutes parmi eux. »
Chers amis, ces lignes d’une grande Bénédictine sont à la fois un poignant appel à prier pour les prêtres, et une injonction lancée à nous prêtres, pour que nous priions et agissions en ce sens. Car c’est l’unique façon, dans l’Église, de témoigner de la prévenance de Dieu, et non de son contraire.
Frère Marc, abbé
L’abbaye Sainte-Marie de la Garde va entamer une nouvelle phase de travaux en 2023. Elle vient d’obtenir son permis de construire.