Christopher Lamb, journaliste au Tablet, a obtenu un entretien avec Mgr Paglia, président de l’Académie pontificale pour la vie et chancelier de l’Institut théologique pontifical Jean-Paul II pour les sciences du mariage et de la famille. Son article dans The Tablet peut être lu ici. Son article est intitulé
Comment l’Église catholique pourrait-elle faire évoluer son enseignement sur la contraception artificielle ?
Et l’article commence ainsi :
les rumeurs se multiplient sur le fait que le pape François envisage un nouveau document susceptible d’assouplir l’interdiction de la contraception artificielle par l’Église
Le journaliste cherche à savoir si ces rumeurs sont fondées. Et de fait, elles le sont. Les menaces qui pèsent sur la vie aujourd’hui, souligne l’archevêque, se présentent sous de multiples formes. Il s’agit notamment de la guerre, de la faim, de la pauvreté, de la chute du taux de natalité, des adolescents qui se suicident, des personnes âgées que l’on rejette. C’est dans ce contexte, estime-t-il, que l’Église doit articuler son message pro-vie. Les débats “sur l’avortement ou l’euthanasie”, dit-il, “sont devenus idéologisés”.
L’académie a récemment fait l’objet de deux critiques de la part de certains milieux. Le premier est le désir de Mgr Paglia d’ouvrir un dialogue théologique sur la manière de comprendre Humanae Vitae ; le second est que le pape a nommé de nouveaux membres qui ont exprimé des opinions pro-avortement. Parmi eux, l’économiste italo-américaine Mariana Mazzucato. Dans l’avion qui le ramenait de Bahreïn dimanche dernier, le pape François a déclaré qu’il avait nommé Mme Mazzucato parce qu’elle est une “grande économiste” et qu’elle “donnerait un peu plus d’humanité” à l’académie…
Au début de l’année, un livre de 528 pages en italien, Theological Ethics of Life, a été publié. Il s’agit d’un recueil de documents issus d’un séminaire organisé par l’académie en octobre 2021 pour examiner les questions de bioéthique et de vie à la lumière de la vision de François. Il s’agissait d’une tentative d’approfondir le dialogue entre les théologiens et l’autorité enseignante du magistère, si souvent perçus en opposition ou occupant des réalités alternatives. Au cours du séminaire, les théologiens ont répondu à un texte de base qui abordait des questions telles que la contraception artificielle, la FIV et les soins de fin de vie. Certains contributeurs ont suggéré qu’il pourrait y avoir certaines circonstances où l’utilisation de la contraception artificielle par un couple marié pourrait être moralement licite dans certaines circonstances. Interrogé par un journaliste sur la possibilité d’une évolution de l’enseignement de l’Eglise sur la contraception lors de son vol de retour à Rome depuis le Canada cet été, François a répondu que “le dogme, la morale, est toujours dans une voie de développement, mais un développement dans la même direction”. Il a fait référence au livre, affirmant que ceux qui ont participé aux discussions du séminaire de l’académie “ont fait leur devoir parce qu’ils ont essayé d’avancer dans la doctrine”. Le “devoir des théologiens”, a-t-il dit, “est la recherche, la réflexion théologique” et “le magistère dira : “Oui, c’est bon, ou non, ce n’est pas bon””. Mais il a insisté : “On ne peut pas faire de la théologie avec un ‘non’ devant soi”.
Ces remarques ont alimenté les spéculations selon lesquelles un document papal est en préparation. La publication jésuite La Civiltà Cattolica a même suggéré un titre : Gaudium Vitae (“La joie de la vie”). Une encyclique papale sur les questions de vie serait-elle possible, ai-je demandé à Paglia. “Évidemment, cette question devrait être posée au Saint-Père, plus qu’à moi”, répond-il. “Je crois que le jour viendra où le pape François ou le prochain pape [le fera]. Mais que puis-je dire ? Il est certain que nous devons nous pencher sur la question.”
Selon Mgr Paglia, il y a un risque d’appliquer Humanae Vitae d’une manière trop étroitement légaliste. Un couple pourrait utiliser des méthodes naturelles de contraception et ne pas avoir d’enfants, par exemple. M. Paglia fait remarquer qu’ils “pourraient être très corrects dans l’application des méthodes naturelles” et dire qu’ils “respectent la règle – mais cela trahit en fait la substance” de l’enseignement de l’Église. Les taux de natalité sont en baisse dans les pays catholiques autant que dans tout autre pays occidental. Humanae Vitae maintient un enseignement que de nombreux couples n’ont pas “reçu”. Les sondages effectués dans le monde entier montrent régulièrement que l’écrasante majorité des catholiques n’accepte pas que l’utilisation de contraceptifs soit moralement mauvaise. Mais n’est-ce pas d’abord l’épiscopat qui a refusé cet enseignement et ne l’a pas transmis aux fidèles ?
Le père Maurizio Chiodi, théologien moraliste à l’Institut théologique Jean-Paul II pour le mariage et les sciences de la famille, a soutenu qu’Humanae Vitae n’est pas un enseignement infaillible et constitue une “doctrine réformable”. M. Chiodi a été l’un de ceux qui ont rédigé le texte de discussion pour le séminaire d’octobre 2021, et a fait valoir qu’une “discussion théologique” sur Humanae Vitae, y compris “la possibilité d’une dissidence”, était nécessaire.
Mgr Paglia prend l’exemple de la liberté religieuse et de la peine de mort pour montrer que l’Eglise peut changer son enseignement… Intéressant aveu : on se demande comment les partisans de la non-contradiction de la doctrine de l’Eglise vont réussir à interpréter cette interprétation…
Ce qui hérisse Paglia, c’est qu’il y a des gens dans l’Église qui s’opposent même à un dialogue théologique sur certaines questions morales.
“Je dis à ceux qui s’opposent à la discussion de ces questions : Je pense qu’il y a un profond problème de fidélité à l’Esprit. Et c’est à dire que c’est une pathologie, c’est une foi malade. Une foi en la formule et non en l’Esprit. Je dirais que cela risque de bloquer l’Esprit”. “Je leur demande de venir débattre” et de le faire sans “tomber dans la tentation d’être le magistère”.
Encore faudrait-il les inviter à venir débattre…
Le journaliste avoue avoir quitté son bureau convaincu qu’il ne sera pas déstabilisé :
Un tout nouveau chapitre sur l’éthique de la vie pourrait être en train d’émerger.