Paix Liturgique dresse le bilan de la première année de la CIASE dans les diocèses et les congrégations religieuses – bien peu de réalisations (et d’indemnisations) en effet, des diocèses qui s’endorment sur les signalements, un responsable de la CEF – Mgr Crépy – guère pressé de faire la lumière sur des faits que l’institution a longtemps caché et des victimes toujours ignorées par l’institution.
Extraits.
“Le 5 octobre 2021, la sphère catholique – mais aussi les médias – étaient secoués par la déflagration du rapport de la CIASE sur les abus sexuels du clergé, depuis 1946 jusqu’à aujourd’hui, et le chiffre, toujours décrié, de 330.000 victimes. Un an plus tard, à part quelques maigres articles dans La Croix, rien du tout, ou quasi. Les évêques de la France, à l’exception de celui de Rouen interrogé par la presse locale, sont d’une discrétion de violette. Et surtout Mgr Crépy, qui n’est pas seulement évêque de Versailles, mais aussi responsable au sein de la CEF sur la question des abus sexuels du clergé, et portant le titre ronflant du président du conseil de prévention et de lutte contre la pédocriminalité dans l’Eglise.
Car dans les faits, alors que les diocèses ont annoncé mobiliser jusqu’à 20 millions d’euros pour les indemnités, accélérant la dilapidation des biens acquis par des générations de fidèles et de prélats bâtisseurs, les catholiques pourraient poser quelques questions dérangeantes.
D’autant que les ventes de certains biens diocésains sont annoncée pour payer la contribution de tel ou autre diocèse au fonds SELAM – qui collecte les contributions diocésaines pour verser les indemnités aux victimes, plafonnées à 60.000 euros par dossier -, mais ont en réalité un tout autre objet.
Ainsi du diocèse d’Arras, qui indique vendre l’évêché, 4-6 rue des Fours pour payer sa contribution – qui oublie de préciser que ladite bâtisse n’est plus occupée que par l’évêque, son secrétaire, le vicaire général et la chancellerie – et qu’un accord de promotion a été signé à la fois pour valoriser ce bâtiment et relocaliser l’évêque et la chancellerie dans une aile de la maison diocésaine, actuellement en travaux – celle qui est parallèle à la rue Sainte-Claire.
Du reste, compte tenu de l’imposante liste des biens en possession du diocèse d’Arras en 1989 et de la liste non moins importante de ceux qui ont été vendus, le diocèse d’Arras n’a pas attendu la CIASE pour dilapider ses biens, dizaines de maisons, terrains, églises d’anciennes cités minières et autres salles paroissiales.
Ainsi, si le rapport CIASE claironnait 330.000 victimes –[…], il n’y a eu que 1500 demandes d’indemnisation… sur lesquelles, un an après, à peine 40 ont été satisfaites, d’après Jean-Marc Sauvé lui-même. […]. Respectivement, 25 indemnités ont été versées par les diocèses (INIRR) et 15 par les congrégations religieuses.
[…]
L’affaire Ribes, Mgr Crépy et les archives qui s’évaporent
Entre temps, fin janvier 2022, à peine Mgr Kerimel parti de Grenoble […] éclate l’affaire Ribes, du nom de ce prêtre non ouvrier, mais prêtre-artiste des années 1960-1990, qui faisait poser des enfants nus pour ses œuvres, et s’avère avoir multiplié les victimes entre les trois diocèses de Grenoble, Vienne et Lyon – près de 70 recensées à ce jour.
La gestion de cette affaire est un résumé de ce qu’il ne faut pas faire – et que les diocèses font quand même. Mgr Kerimel, évêque de Grenoble, qui a liquidé la zone inter-pastorale de Vienne en 2006 – sa relative indépendance a permis à Mgr Mondesert, son unique responsable, de ne dépendre d’aucune autorité, et à l’abbé Ribes qui y était attaché, de bénéficier d’une grande liberté – n’a pas voulu entendre parler de l’affaire avant son départ.
Aux familles des victimes, on a expliqué que les archives de l’abbé Ribes ont été brûlées en 1994, y compris les photos et les dessins de ses jeunes victimes, nues : circulez, il n’y a (plus) rien à voir ! Quant à l’administrateur provisoire du diocèse de Grenoble, l’abbé Lagadec, il a pris le parti d’opposer un silence obtus à toutes les demandes des victimes, et de ne plus répondre à personne. Quant au séminaire des aînés de Vienne-Estressin, où vivait et officiait l’abbé Ribes, il a été déménagé.
En réalité cette affaire a dû rappeler des souvenirs à Mgr Crépy – qui est, rappelons le, responsable de la CEF en charge de la problématique des abus sexuels. En 2001-2007, il était provincial de France des Eudistes, spécialisés dans l’encadrement des séminaires. Auparavant, de 1995 à 2001, il était recteur du séminaire interdiocésain d’Orléans.
Luc Crépy explique lui-même le processus de la fermeture du séminaire des aînés de Vienne-Estressin, qu’il a manifestement bien suivie, dans une brochure intitulée « Devenir prêtre lorsqu’on n’a pas le bac », parue en 2007 : « En 2003, ils ne sont plus que six. Comment alors maintenir une équipe de quatre formateurs et équilibrer un budget ? Comment faire vivre une si petite communauté ? Diverses possibilités sont étudiées. Devant le souhait pressant de plusieurs évêques et de responsables des vocations de maintenir une telle proposition, Mgr Dufaux, alors évêque de Grenoble, fait la demande aux évêques fondateurs du séminaire interdiocésain d’Orléans d’accueillir le séminaire d’aînés. Il se trouve que les eudistes ont en charge les deux séminaires… La décision est prise. En septembre 2003, le dernier séminaire d’aînés de France change d’adresse et continue sa mission à Orléans. Il y prend le nom de « Communauté Notre-Dame du Chemin » (CNDC), un nom évocateur pour l’itinéraire proposé… […]Dans la suite du séminaire d’aînés de Vienne, la communauté Notre-Dame du Chemin essaie d’offrir en une année scolaire les moyens permettant à des jeunes adultes de vérifier leur capacité à entrer au séminaire, alors qu’ils ont suivi peu d’études »
Cependant, le séminaire de Vienne déménage avec sa légende noire. Dès la seconde moitié des années 2000, le clergé orléanais sait, par des indiscrétions, que le séminaire de Vienne a connu de nombreux problèmes d’homosexualité, et que les séminaristes qui ne chutaient pas étaient réputés ne pas avoir la vocation. Pis, que certains de ses enseignants historiques ont abusé d’enfants. Le déménagement du séminaire – avec ses archives, longtemps stockées dans le grenier d’un bâtiment diocésain à demi-abandonné, non loin de la cathédrale ? – débarrassait aussi le diocèse de Grenoble d’un pénible passé qui ne devait pas ressurgir.
Du coup, voici aujourd’hui Mgr Crépy, assurément l’un des mieux informés sur le séminaire des aînés de Vienne-Estressin, en charge de faire toute la lumière sur les affaires gravissimes dont ce lieu a été le théâtre. Une affaire de plus pour lui à régler”.