Ancien évêque auxiliaire de Paris de 2006 à 2012, Mgr Jean-Yves Nahmias est évêque de Meaux. Il écrit dans Le Figaro :
Depuis des dizaines d’années, en France comme dans la plupart des pays développés, nous observons un phénomène de grande ampleur: la périurbanisation. Nos campagnes se vident au profit de nos métropoles. En dix ans, entre 2007 et 2017, 2,8 millions de personnes supplémentaires ont été recensées dans les zones urbaines du territoire, selon l’Insee. Il devient impératif de répondre aux nouveaux enjeux et défis générés par ce phénomène.
L’Église doit prendre sa part et apporter une réponse à ces nouveaux enjeux. Elle doit s’assurer de prendre en considération toute la complexité des mutations de la société pour y répondre parfaitement. À titre d’exemple, en Seine-et-Marne entre 1990 et 2030, la population devrait augmenter de plus de 50% tout en se rajeunissant, selon l’Insee. Dans le même temps, elle s’est considérablement diversifiée et concentrée dans les zones urbaines. Aux portes du grand Paris, nous voyons vivre ensemble des familles présentes depuis des générations et des Franciliens qui quittent Paris et sa proche périphérie, à la recherche d’un nouvel ancrage. La dynamique de notre diocèse est d’ailleurs remarquable, le nombre de catéchumènes et de confirmations d’adultes est en régulière croissance. Il s’agit donc de préparer les moyens de la pastorale pour demain, après-demain et les décennies qui suivront.
La Seine-et-Marne est représentative de la France d’aujourd’hui, et nous y retrouvons un paradoxe fort: nos églises sont soit trop petites pour accueillir l’ensemble des fidèles, soit celles-ci sont situées au cœur de territoires avec une densité de population plus faible. Concrètement, la ville de Serris, qui est au cœur du Val d’Europe (Seine-et-Marne), a connu une croissance démographique de plus de 300% entre 1999 et 2019, elle est passée de 2 000 à 9 500 habitants. Il en est de même pour les communes avoisinantes. Les églises de ce territoire ont été construites, à l’époque où ces villes comptaient seulement quelques dizaines ou centaines d’habitants, elles sont aujourd’hui inadaptées aux besoins des chrétiens du territoire. Ainsi, l’Église Saint-Michel de Serris a été construite pour contenir uniquement 200 personnes. Or, le rôle de l’Église est de donner les moyens, dès aujourd’hui, aux générations futures de vivre leur foi et d’évangéliser. Le pape François a d’ailleurs appelé les communautés catholiques à se rendre visibles et présentes dans le monde; cela commence chez nous, dans nos territoires. Nous avons le devoir d’aider dès maintenant les futurs adultes à se construire, humainement et spirituellement.
L’Église de France est une grande bâtisseuse depuis des siècles, elle a depuis toujours construit les clochers de nos villes et villages, elle a façonné nos paysages et notre patrimoine architectural. Elle a permis de donner au village un cœur, une âme: son église. Les villages se sont construits matériellement et spirituellement autour d’elle. Elle fait partie de son identité. Nous avons toujours été un acteur social favorisant les rassemblements, le partage de valeur, elle est une dynamique de socialisation et d’intégration. Elle est aussi un acteur important dans l’éducation des jeunes générations avec ses écoles catholiques qui ont formé de nombreuses générations et continueront à le faire si nous nous en donnons les moyens. Nous avons la volonté de faire perdurer ce rôle et cet engagement dans la cité et la société.
Face aux évolutions sociales, géographiques ou même politiques, l’Église s’est toujours adaptée et fait perdurer cet héritage. À notre tour, nous continuons de répondre aux besoins des croyants en construisant des églises qui sont de véritables lieux pour se rassembler et se ressourcer. C’est dans cet esprit que nous avons lancé la construction de deux nouvelles églises et d’un ensemble scolaire en Seine-et-Marne. Au cœur du Val d’Europe, l’établissement scolaire pourra, à terme, accueillir 1 500 élèves, de la maternelle jusqu’au lycée. La grande église de Saint-Colomban offrira un lieu vaste et adapté à la rencontre des catholiques du territoire, pouvant accueillir 900 fidèles. L’église Sainte-Bathilde, à Chelles, sera quant à elle dotée de 800 places permettant de rassembler les fidèles du territoire.
À l’image de ce projet, nous devons être tournés vers la jeunesse et vers l’avenir. Nous devons raisonner à un horizon de 50, 100, 200 ans… Depuis 1905, l’Église a la charge de la construction de ses lieux de culte, l’effort financier repose donc sur ses fidèles. Nos grands projets de construction, deux nouvelles églises et l’ensemble scolaire, représentent un investissement de près de 50 millions d’euros. À l’heure du lancement de la construction de ces édifices, près des deux tiers sont financés grâce à la générosité des fidèles.
Nous sommes à l’œuvre pour marquer le XXIe siècle de notre empreinte, en bâtissant l’Église d’aujourd’hui et de demain, en répondant aux nouveaux besoins émergeant des mutations de la société et en permettant aux générations à venir de se construire, humainement et spirituellement.