Mgr Jean-Marc Micas, évêque de Tarbes et Lourdes, a été interrogé dans Famille chrétienne. Extrait :
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Comme vous, de nombreux évêques ont été récemment nommés en France, à un rythme soutenu, et plusieurs diocèses traversent par ailleurs des difficultés. Quelles sont, à vos yeux, les qualités requises pour gouverner un diocèse aujourd’hui ?
Je n’ai pas beaucoup de recul mais, à mon sens, c’est à la fois simple et compliqué de répondre à votre question. Il me semble qu’il suffit de faire ce que les textes disent de faire, d’être un prêtre normal, rigoureux, attaché au bien de l’Église, qui respecte à la fois la théologie, le droit, etc. Forte de son expérience et des épreuves parfois, la sagesse de l’Église a formulé les choses de manière très précise. Il faut évidemment beaucoup de foi, d’espérance, de charité, se comporter en bon chrétien et être totalement désintéressé. Il faut rester extrêmement libre intérieurement de faire ce qui doit être fait sans trop se préoccuper de considérations qui n’ont rien à voir avec les valeurs chrétiennes, l’Évangile, etc., et qui pourraient être par trop mondaines. Bien sûr, il faut vivre l’Évangile, vivre le Concile, faire confiance à l’Esprit Saint, faire confiance aux gens qui sont déjà là.
Avec ma culture sulpicienne, je dirais également qu’il faut une vision, beaucoup de courage pour la déployer, et le faire autant que possible en cherchant à entraîner l’adhésion du plus grand nombre, dans la collégialité. Cela n’empêche pas, finalement, la solitude des décisions qu’il faut assumer.
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En revanche, la pandémie a contraint de fermer les piscines et de remplacer ce temps fort des pèlerinages par le « geste de l’eau ». Les piscines vont-elles rouvrir ?
Le médecin du sanctuaire n’y est pas favorable pour le moment, du moins dans la forme que nous avons tous connue, si aucune amélioration n’était apportée. Il rappelle toutefois que la Vierge n’a jamais dit qu’il fallait venir se baigner dans l’eau de Lourdes, mais se laver ! Le « geste de l’eau » veut répondre plus strictement à cet appel-là. Mais il n’y a rien de décidé pour l’instant.
Les travaux préparatoires du synode en France, les conclusions de la Ciase, ou encore quelques propos du pape ont pu secouer les prêtres et accentuer leurs fragilités. Est-ce aussi votre constat ?
Très impliqué, avant d’être nommé évêque, dans la formation des prêtres et leur accompagnement spirituel, je confirme que, depuis plusieurs années, peut-être des décennies, ils sont en souffrance de manière chronique. Les évêques de France ont enclenché des enquêtes sur la santé des prêtres parce qu’ils constatent qu’ils sont en crise, et que de jeunes prêtres quittent le ministère. La crise des abus puis la remise du rapport de la Ciase ont alourdi le fardeau. Cela se traduit, dès la rentrée prochaine, par un nombre d’entrées dans les séminaires qui marque le pas. Et ce n’était déjà pas très florissant !
Que faut-il faire ?
Nous devons tous pas seulement le responsable du service des vocations et ses collaborateurs mais tous dans l’Église : prêtres, religieux, parents, animateurs de catéchèse… travailler à développer une culture vocationnelle dans l’Église. D’abord, il faut créer un climat qui fasse que, si un jeune perçoit un appel de Dieu dans son cœur pour une vocation au célibat ou une consécration religieuse, il sache que cela sera bien pris par tous ceux qui l’entourent, que ce soient ses parents, la communauté paroissiale, l’Église en général ou l’évêque. Et pour ce qui est des prêtres, il faut entourer leur vocation particulière d’un climat bienveillant, sans mettre trop de pression sur leurs épaules. Y compris en famille dans la manière de parler du curé de la paroisse, de l’Église, de l’évêque, du pape… Il faut ainsi une culture vocationnelle bienveillante à l’égard de cette vocation particulière dont l’Église ne peut se passer, avec un énorme travail de formation de base à faire chez les catholiques, à la fois sur le célibat et la nécessité même de ce ministère.
Quant aux prêtres eux-mêmes, ils doivent être un peu moins pudiques, plus positifs pour témoigner de l’amour de leur sacerdoce, exercé avec dignité. Et il faut, enfin, que tout le monde prenne soin des prêtres. À commencer peut-être par les évêques ! Nous devons tous prendre soin de ce corps particulier dont l’Église ne peut pas se passer et qui ne va pas très bien. Une de nos difficultés, en France, c’est que l’on est toujours dans une forme de dualité où, si l’on prend soin des prêtres, c’est interprété comme le souhait de ne pas donner de responsabilités aux laïcs, et si l’on parle de laïcs collaborateurs, cela signifie qu’on ne croit plus au sacerdoce et qu’on ne s’intéresse pas aux prêtres. Cela m’agace souverainement parce que, depuis que je suis prêtre, je passe mon temps à dire que tout le monde grandit en même temps, pour le bien de tous et l’annonce de l’Évangile.