Dans une tribune sur le site Renaissance Catholique, Jean-Pierre Maugendre évoque la délicate question de la pleine communion avec l’Eglise :
On n’a jamais autant parlé, en particulier dans l’Eglise, de communion, voire de « pleine communion ». Il s’agit, généralement, de fustiger, déplorer, condamner, etc. les catholiques, dits traditionalistes, qui en raison de leurs réticences vis à vis des réformes conciliaires, au sens large, se trouvent, par le fait même, en délicatesse avec les autorités hiérarchiques de l’Eglise. Mais qu’est-ce qu’être en communion avec l’Eglise ?
Qu’est-ce que la pleine communion ?
Pie XII enseignait dans l’encyclique Mystici corporis du 29 juin 1943 : « Seuls sont réellement à compter comme membres de l’Église ceux qui ont reçu le baptême de régénération et professent la vraie foi, qui d’autre part ne se sont pas, pour leur malheur, séparés de l’ensemble du Corps, ou n’en ont pas été retranchés pour des fautes très graves par l’autorité légitime ». Et nous lisons dans la constitution dogmatique sur l’Église du Concile Vatican II, Lumen gentium : « Ceux-là sont pleinement incorporés à cette société qu’est l’Église qui, ayant l’esprit du Christ, acceptent intégralement sa structure et tous les moyens de salut qui ont été institués en elle, et, en son organisme visible, sont unis avec le Christ qui la dirige par le Souverain Pontife et les évêques unis par les liens de la profession de foi, des sacrements, du gouvernement ecclésiastique et de la communion ».
La pleine communion se concrétise donc dans la profession commune de la foi, l’usage des moyens de sanctification que sont les sacrements et la soumission à l’autorité hiérarchique légitime. Tout serait d’une simplicité biblique si malheureusement, en particulier depuis quelques décennies, ne s’était établi, parfois, un hiatus entre la proclamation de la foi et la soumission aux autorités ecclésiastiques. Ainsi pendant plusieurs années « Le nouveau missel des dimanches », diffusé par la Conférence des évêques de France et dont l’usage avait été décrété obligatoire, a enseigné que, à la messe « il s’agit de faire mémoire de l’unique sacrifice déjà accompli » (p 332). Définition parfaitement protestante et donc hétérodoxe de la messe. De même pendant des années les fidèles et les prêtres, en « pleine communion » avec leurs évêques, ont demandé à Dieu de ne pas les soumettre à la tentation puis ont proclamé que le Père et le Fils étaient de « même nature », comme deux vulgaires poireaux selon l’expression du cardinal Daniélou. Tout cela à l’encontre de la foi et de la Tradition de l’Église.
Résister à ces enseignement hétérodoxes, soutenus par la hiérarchie, était-ce rompre la « pleine communion » avec l’Église ? Sans doute pas. A cet égard il est pour le moins étrange que la question de la « pleine communion » avec l’Église, des évêques, des prêtres et des laïcs qui nient l’existence du péché originel, l’Immaculée Conception de la Sainte Vierge ou le caractère sacrificiel et propitiatoire de la messe ne soit jamais posée. Il est également curieux que le signe de « pleine communion » imposé aux prêtres par les tenants de « l’Église conciliaire », selon l’expression du cardinal Benelli, soit la concélébration. Ne s’agit-il pas, en fait, d’un primat de l’apparence sur la réalité, d’une volonté de « faire Église » au détriment de la diversité, effective, des croyances. Apparence d’unité et non unité réelle. Une discussion récente avec un religieux, déjà âgé, OMI (Oblat de Marie Immaculée) m’a fait constater, que ce prêtre considérait que la question de l’ordination d’hommes mariés étant désormais acquise, le prochain combat à mener serait celui de l’ordination des femmes. A ma connaissance personne n’a jamais remis en cause la « pleine communion » avec l’Église de ce brave homme dont il ne fait aucun doute qu’il concélèbre à tout va avec ses confrères, son évêque, etc.
Il faut parfois choisir.
Malheureusement, la dureté des temps oblige, parfois, à choisir entre la préservation de la foi et la soumission aux autorités hiérarchiques. Refuser les actuelles « orientations pastorales » en matière de catéchèse apparaît, ainsi, à de plus en plus de laïcs et de prêtres comme une nécessité vitale pour transmettre la foi. De même est-ce nuire à la pleine communion que d’affirmer publiquement que les appels à voter Emmanuel Macron du « citoyen » Ravel, archevêque de Strasbourg, sont un scandale objectif qui le disqualifient définitivement comme « gardien de la foi » ou même « garant de l’unité » ? Car il n’est de véritable unité que par la communion dans la vérité.
Qu’il soit aussi permis à un laïc, s’inspirant de la lettre de Catherine II à Diderot : « Vous oubliez, Monsieur Diderot, dans tous vos plans de réforme, la différence de nos deux positions : vous, vous ne travaillez que sur le papier qui souffre tout […] tandis que moi, pauvre impératrice, je travaille sur la peau humaine qui est bien autrement irritable et chatouilleuse. » de l’actualiser ainsi : « Vous oubliez, Monseigneur, dans tous vos plans de réforme, la différence de nos deux positions : vous, vous ne travaillez que sur des principes avec des personnes que vous quitterez demain puisque la mode est aux changements de diocèses pour les évêques (…) tandis que nous, pauvres parents, nous travaillons pour nos enfants, envers qui nous avons la responsabilité, devant Dieu, et à jamais, de transmettre la foi ».
Enfin, le leitmotiv lancinant de la « pleine communion » n’est souvent qu’une « arme par destination » afin de disqualifier ceux qui, fermes dans la foi, s’en tiennent, dans la tempête actuelle, à ce qui a toujours et partout été cru et pratiqué dans l’Église, au-delà des récentes initiatives pédagogiques et pastorales, plus ou moins heureuses, dont le moins que l’on puisse en dire est que le résultat probant ne saute pas aux yeux.
Jean-Pierre Maugendre