Dans un article publié en janvier, dans La Civiltà Cattolica, la revue jésuite, le père Carlo Casalone, collaborateur de l’Académie pontificale pour la vie, estime que l’Église catholique aurait intérêt à soutenir le suicide assisté. Les parlementaires italiens sont en train de légiférer sur ce sujet. Face à l’euthanasie, le jésuite défend ainsi le suicide assisté. Pourtant le mieux est l’ennemi du bien et le moindre mal reste un mal. Tous les textes de La Civiltà Cattolica sont, normalement, approuvés par la Secrétairerie d’État.
Mais cet article n’est pas passé inaperçu au-delà du contexte italien et, dans Le Monde, fin janvier, la moraliste française Marie-Jo Thiel a souligné qu’il fallait y voir le signe d’un changement plus large de positionnement de l’Église.
Mgr Renzo Pegoraro, médecin et chancelier de l’Académie pontificale pour la vie, confirme dans La Croix :
« Nous sommes dans un contexte précis, avec un choix à opérer entre deux options, dont aucune – suicide assisté ou euthanasie – ne représente la position catholique ». « Quoi qu’il en soit, il y aura une loi. Et parmi ces deux possibilités, c’est le suicide assisté qui restreint le plus les dérives car il serait accompagné de quatre conditions strictes : la personne demandant de l’aide doit être consciente et pouvoir l’exprimer librement, être atteinte d’une maladie irréversible, ressentir des souffrances insupportables et dépendre d’un traitement de maintien en vie comme un respirateur. »
« Toute la question est de savoir comment l’Église peut participer à la discussion dans une société pluraliste. Soit on entre dans le débat pour essayer de promouvoir la meilleure loi possible, soit on reste en dehors de toute discussion en se limitant à l’affirmation de principes. Mais dans ce cas, on prend le risque de laisser passer une loi plus grave encore. »
C’est exactement la stratégie que l’Eglise qui est en France avait utilisé lors du vote de la loi Veil en 1975 : tenter de limiter les dégâts en ne s’opposant pas à une dépénalisation encadrée de l’avortement. On voit ce qu’il en est advenu. Il est ensuite très difficile de remobiliser les catholiques sur ce sujet, y compris les élus chrétiens.
Dans La Croix, on trouve cette phrase hallucinante, qui ne semble pas perturber le rédacteur :
Le dilemme est donc celui de savoir s’il vaut mieux collaborer à la construction d’une « loi imparfaite », comme le souligne ce médecin et prêtre, ou encourir le risque d’employer des arguments désormais inaudibles par des sociétés trop libérales.
Remplacez le sujet du moment, l’euthanasie (qui est au programme d’Emmanuel Macron), par tout autre écart sinistre à la loi naturelle, et vous comprenez que “collaborer” peut aller très très loin…
En visite à Rome fin septembre, le président de la Conférence des évêques de France, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, avait déclaré, lors d’une soirée organisée par l’ambassade de France près le Saint-Siège et KTO :
« Depuis des années, notre parole publique s’est laissé enfermer dans une parole morale. Et nous sommes chargés de dire à la société ce qui n’est pas bien ». « On attend notre parole moralisatrice. À chaque fois qu’il y a une loi de bioéthique, on va nous demander notre avis. On nous écoute très gentiment (…). Et tout le monde sait très bien ce que nous allons dire – nous les premiers –, et on sait très bien qu’il n’en sera pas fait grand usage. On nous a cornérisés. »
Sans doute parce que l’épiscopat a choisi de rester inaudible, en refusant de soutenir les fidèles militants, en restant timide quant aux veillées pour la vie naissante, en ne voulant pas excommunier les élus pro-avortement, en mettant sur le même plan l’immigration et la culture de mort… Finalement en négociant les principes non négociables…