Anne Le Pape a interrogé pour Présent l’abbé Nicolas du Chaxel, prêtre de la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre. Après presque vingt ans de ministère dans six pays, il est en service en Suisse romande. Extrait :
[…] Devant quel choix se trouvent désormais placées les communautés ex-Ecclesia Dei, comme la Fraternité Saint-Pierre ?
En théologie dogmatique, il y a ce qu’on appelle l’objet secondaire de la Révélation. Tandis que l’objet primaire de la Révélation concerne par exemple le mystère de la Trinité, il y a aussi l’objet secondaire qui regroupe tout ce qui est contenu virtuellement dans la Révélation en vertu d’un lien nécessaire, logique, métaphysique ou historique à la garde du dépôt révélé. Par exemple, l’Eglise ne peut pas donner à la vénération de ses enfants et comme modèles de sainteté des damnés, il en ressort que les saints sont infailliblement vraiment au ciel. De même pour l’essence des constitutions des ordres religieux. L’Eglise ne peut pas donner à ses enfants des chemins de sainteté qui seraient une voie de perdition. Il se trouve que les constitutions de la Fraternité Saint-Pierre et de la Fraternité Saint-Vincent-Ferrier ont été définitivement approuvées et elles contiennent un chemin de sanctification par l’observance de la liturgie (dont le rituel et le pontifical) et des disciplines anciennes mais aussi pour former des prêtres dans ce but. Ceux qui sont prêtres dans ces instituts ne sont pas du tout les privilégiés d’une série de permissions dont nous parlent les documents récents. Ils ont été appelés par l’Eglise pour la servir selon ce chemin qui est infailliblement un chemin de sainteté. Ils ont donné leur vie non pas pour une expérience de quelques années mais pour toute la vie de ces instituts. Ceci est garanti par l’Eglise. Une lecture attentive des documents récents (y compris Traditionis Custodes, n° 8) ne remet pas en cause ce qu’on appelle le « droit propre » de ces instituts. Du reste, aucune des communautés dites Ecclesia Dei n’a été informée que sa vocation était désormais sans objet. Ceci reviendrait à les supprimer. Il y a eu de très rares cas de suppression d’ordre dans l’histoire et ils restent une écharde dans la chair de l’Eglise. Les Responsa sont soigneusement silencieuses à l’endroit des communautés, lesquelles n’ont pas d’autre choix que de vivre de la vocation que l’Eglise leur a donnée, de façon irréversible et sans limite de temps, et il me paraît difficile de ne pas interpréter à l’avenir les nouvelles dispositions comme n’atteignant pas le « droit propre » des instituts dédiés à la liturgie ancienne.
Dans quelle mesure pensez-vous que ces communautés seront prêtes à résister ? Et aussi : auront-elles les moyens de le faire ?
Il me semble que c’est justement dans la valorisation de ce « droit propre » que se tient l’être même des communautés, c’est plus que de la résistance. Cette question n’est pas abordée par les différents documents jusqu’à aujourd’hui. L’avenir est dans tous les cas bien sombre pour ceux qui veulent tenir et la fidélité aux rites immémoriaux et l’appartenance à l’Eglise visible du Christ. Les baptisés doivent protester de façon résolue face à un document (qui n’est pas un décret) qui a une autorité faible.