L’Eclaireur de Châteaubriant consacre un article au nouveau livre de Marc Paitier, général, passionné de vin, qui consacre un ouvrage aux moines viticulteurs, Les vignerons du ciel, aux éditions Mareuil (illustré, 29.90€, 191 pages). Extraits.
“La vigne est à l’origine de la civilisation. 4 000 ans avant notre ère, les Sumériens disaient que leur civilisation était née de la vigne et du vin. Ce qui a vraiment fixé l’homme dans un lieu, c’est la vigne. À la fin du IIe siècle, la vigne s’implante dans le sud de la Gaule. Son implantation progresse au rythme de l’avancée des légions romaines. […] Dans mon premier livre, j’essayais de montrer que le vin porte la mémoire du lieu où il est né et de son territoire. En m’intéressant à ça, j’ai croisé la route des moines. J’avais écrit 2, 3 pages sur ce que les moines ont apporté à la viticulture et j’ai voulu en faire un livre. Ce sont les principaux acteurs de la renaissance de la viticulture après la chute de l’Empire romain.
Un monastère doit obligatoirement posséder des vignes. Premièrement, parce que les moines boivent du vin, mais surtout parce qu’ils en ont besoin pour satisfaire tous les hôtes du monastère. […] À partir du IVe siècle, le phénomène monastique va fleurir, on va voir les monastères apparaître partout. Un monastère c’est un lieu spirituel, mais aussi très vivant. Il a une dimension économique et sociale. Au Moyen-Âge, on se déplace énormément et énormément de pèlerins et de voyageurs s’arrêtent au monastère pour passer la nuit, dont beaucoup de pauvres. Quotidiennement, près de 2 000 personnes étaient par exemple hébergées par l’abbaye de Cluny au XIIe siècle. Les moines avaient besoin de vigne, car ce qu’on offre à un homme de passage, c’est le gite, le couvert et le vin. À travers le vin, ils offrent ce qu’ils font de meilleur. Eux n’en consommaient que très peu.
Du Xe au XIIIe siècle il y a une vraie période de stabilité. C’est la grande phase de la viticulture monastique, marquée notamment par les abbayes de Cluny et de Cîteaux. Il est difficile de savoir ce que les moines ont apporté à la viticulture, car il n’y a pas d’écrit. La vigne était bien souvent plantée au pied d’un arbre qu’on utilisait comme tuteur à l’époque romaine jusqu’au début du Moyen Age. Les moines de Cluny et Cîteaux vont réserver des parcelles uniquement à la culture de la vigne et la feront pousser au pied de piquets. Ils ont aussi beaucoup apporté pour la connaissance de la plante et l’organisation des travaux de la vigne. Ils ont aussi eu un rôle majeur dans la sélection des cépages et dans leur diffusion. Un cépage comme le chenin a été mis au point par les moines. Toutes les régions viticoles françaises et occidentales sans exception ont un passé monastique fort. La région par excellence qui a été marquée par le monachisme, c’est la Bourgogne.
Mon livre est construit en trois parties. Le cœur, c’est l’histoire de la viticulture monastique, qui a pris fin avec la Révolution française. Avant cela, j’ai voulu évoquer le rapport entre le vin, la vigne et le sacré. La vigne et le vin sont cités plus de 400 fois dans La Bible. Le vin a aussi une place importante dans la liturgie catholique. Enfin, dans j’ai voulu évoquer la « renaissance » de la viticulture monastique depuis les années 1970-80. En France, quatre monastères ont pris l’initiative de refaire du vin.