Réflexion intéressante trouvée sur Twitter :
A la suite du Pape et de la Ciase, même des gens très bien reprennent l’idée que le “cléricalisme” serait la (seule?) source des agression sexuelles dans l’Eglise.
C’est évidemment évacuer la crise morale des années 60-70, période qui correspond à un clair pic des agressions dans d’autres pays. En France? On ne saura pas, parce que la Ciase fait la rétention des chiffres par année, ne livrant que des chiffres par groupe de décennies.
Mais oui, le “cléricalisme” porte une lourde responsabilité, s’il s’agit d’une culture d’abus d’autorité, de connivence, d’opacité. Culture qui n’est étrangère ni au pontificat actuel, ni à la Ciase elle-même.
Cependant, quand la Ciase s’en prend au “cléricalisme”, elle va bien plus loin: c’est à la théologie du prêtre “Alter Christus” qu’elle veut s’en prendre – et les médias post-catholiques avec elle.
La fameuse CIASE, qui comprend plusieurs activistes pro-avortement, sans oublier deux magistrats connus pour leur activisme de gauche : Antoine Garapon et Jean-Pierre Rosenczveig. Laquelle commission a été jusqu’à interroger Frédéric Martel, l’auteur de Sodoma, celui qui voit des homosexuels à tous les étages et affirme mordicus qu’il n’y a pas de lien entre homosexualité et pédophilie.
Dans un article du Figaro du 1er novembre, Jean-Marie Guénois, remettait en cause les chiffres astronomiques :
[…] Ce qui tue dans le rapport Sauvé ce sont un chiffre et un mot. Le chiffre c’est «216.000 » victimes, voire «330.000 » si l’on «compte » les victimes de laïcs travaillant pour l’Église. Le mot c’est «systémique ». L’opinion générale – et non celui des sacristies – n’aura retenu que ce message : l’Église catholique serait une entreprise pédophile systémique de masse.
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- Ce qui est faux en partie.
L’entreprise «systémique» n’est pas celle des prêtres. Sans défendre l’indéfendable car une victime est une victime de trop, un prêtre pédocriminel, plus que tout autre catégorie, est un prêtre de trop, mais il apparaît dans cette enquête qu’entre 2,6 % et 2,8 % des prêtres sont incriminés sur une période 70 ans (1950-2020). Disons 3 %. Ce qui signifie que 97 % des prêtres ne sont pas des pédocriminels.
Pourquoi l’Église de France n’arrive pas à exprimer cela aussi ? Ne serait-ce que pour rendre justice aux prêtres qui dans le fracas du raz de marée continuent dignement leur mission gratuite et donnée à vie aux services de tous.
- Ce qui est vrai en partie
Ce qui fut «systémique » en revanche et remarquablement démontré par le rapport Sauvé – même si c’était connu depuis vingt ans aux États-Unis et en Irlande notamment – fut le silence et la couverture systématique en défense des prêtres par leur hiérarchie épiscopale. C’est désormais scientifiquement et historiquement établi. Oui, le mal pédocriminel a été protégé par une omerta systémique de la hiérarchie.
Mais un autre point m’interroge sur le rapport Sauvé, au sens intellectuel. C’est une précaution car j’observe que le rapport Sauvé est devenu pour certain un livre sacré paralysant toute approche critique. Ma question porte sur le fameux chiffre de «330.000 » victimes ou «216.000 ».
Il ne s’agit en aucun cas de réviser ou de nier quoi que ce soit. Ce serait insupportable et faux : les victimes se chiffrent par milliers sans compter celles qui n’ont jamais osé parler.
Mais proportionner en effet n’est pas relativiser. Proportionner c’est délimiter la part exacte d’un problème très grave, inadmissible, pour mieux le repérer justement et l’éradiquer avec précision et efficacité, au service précisément des victimes.
Or cette statistique est la seule information qui a été retenue. Non au titre d’une projection arithmétique issue d’un sondage déclaratif aboutissant à une «estimation» mais comme une certitude.Celle que le rapport Sauvé aurait déterré une liste de plus de 300.000 victimes.
Comment en est-on arrivé là ?
Deux sources de comptabilisation de victimes ont été utilisées.
L’une comptable, nominale, avec les travaux sur les archives des diocèses, des tribunaux, de la presse, des appels à témoins (très précisément «6471» contacts qui ont mis à jour «2738 » cas de victimes) donc avec un résultat inférieur à une dizaine de mille. Jean-Marc Sauvé, lui-même, en février 2021, laissait passer dans l’Obs, la prévision de «10.000» victimes.
Ce qui correspond d’ailleurs à tous les rapports équivalents dans le monde, États-Unis, Irlande, Allemagne, Australie, Pays-Bas. Ils publient des chiffres de victimes de l’ordre d’une dizaine de mille.
En Allemagne, le rapport dirigé par le psychiatre Harald Dressing mené par plusieurs universités et publié le 25 septembre 2018, évoque 3677 victimes et 1670 prêtres agresseurs.
En Australie, le rapport de la Commission Royale, donc totalement indépendante, publié en décembre 2017 avance le chiffre de 4756 victimes pour 1880 prêtres ou religieux agresseurs.
Aux États-Unis le rapport publié par le John Jay College of Criminology en mai 2011 pour la période 1950-2010, répertorie 13.000 abus sexuels commis par 5000 prêtres environ. Le rapport du Grand Jury de Pennsylvanie, publié en août 2018 pour 6 des 8 diocèses de Pennsylvanie, avançait le chiffre de plus de 1000 victimes pour 301 prêtres agresseurs.
En Irlande, un premier rapport national conduit par le juge Sean Ryan sur les institutions de jeunesse depuis 1936 évoque en mai 2009 plus de deux mille agressions sexuelles commises par des religieux ou prêtres. Quant au rapport Murphy, publié la même année, sur le seul diocèse de Dublin de 1975 à 2004, il assure que 321 jeunes furent agressés par 46 prêtres.
Il faut évidemment intégrer une marge d’erreur considérable potentielle sur cette première source car beaucoup de victimes ne se sont jamais signalées, des agresseurs ont réussi à être couverts par l’omerta même après leur mort même si le rapport en a «déterré».
Bref, gardons cet ordre de grandeur d’une dizaine de mille de victimes effectivement documentées.
Mais comment, en six mois, le nombre de victimes se serait multiplié par dix, voire par 30 ? Comment, avec «3000» prêtres agresseurs répertoriés par la Commission indépendante des abus sexuels dans l’Église (CIASE) ceux-ci auraient eu – en moyenne 72 victimes ?
Comment sur 70 ans, l’Église aurait pu cacher 3000 cas d’agressions annuelles. Soit 30 cas par diocèse et par an, dans le plus grand silence ? Je veux dire 216.000 victimes, divisées par 70 ans, puis divisés par 100 diocèses, ce qui donne 30 affaires par an pendant soixante-dix ans ? Un diocèse, c’est la taille d’un département français.
Un tel taux d’agressions, avec une telle récurrence et régularité, ne pouvait pas passer aussi longtemps inaperçu même si le rapport explique combien la chape psychologique du silence de la victime additionnée au poids de la chape de silence institutionnelle, pouvait tout bloquer.
Ce qui me laisse perplexe donc c’est la différence abyssale entre le nombre de victimes répertoriées et nationalement constatées dans d’autre pays comparables, une dizaine de mille, et le chiffre français, unique au monde et qui a fait mouche sur le plan international, des «216.000» voire «330.000».
Son ampleur a fait la force médiatique du rapport Sauvé qui aurait été un non-événement si le chiffre des 6471 appels effectivement reçus par la commission, avait été seulement donné. Ou si le nombre de cas réellement répertoriés et classifiés par la commission – «2738 cas » – après recoupements internes avait été le chiffre officiel.
Je ne questionne donc pas le chiffre des «330.000 » mais le statut de ce chiffre, sans aucun équivalent dans le monde et très loin de cas 2738 cas effectifs.
Comment ces centaines de mille ont été obtenues ?
Non par une méthode de notaire, ou d’historien, comptable des faits, des personnes, des noms, des dossiers. Cette méthode a été utilisée pour le premier volet de l’enquête. Pour le second volet, la commission a fait appel à un sondage déclaratif par mail auprès d’un échantillon de 28.010 personnes.
Ce qui a donné le résultat suivant : sur ces 28.010 personnes, 117 personnes ont déclaré avoir été agressées par un membre du clergé, 92 hommes, 25 femmes. Soit en pourcentage respectif de 0,69 % et de 0,17 %.
Comment est-on ensuite passé de 117 déclarants victimes à 216.000 victimes ?
Tout simplement en multipliant, ce pourcentage de 0,69 % hommes et 0,17 % de femmes, avec le nombre actuel, au 1er janvier 2021, d’hommes et de femmes en France. Soit 24.469.124 hommes. Soit 26.993.808 femmes victimes. Soit un total de 216.000 victimes estimées sur les 70 dernières années.
C’est une extrapolation. Le rapport Sauvé le dit noir sur blanc : il s’agit d’une «estimation». L’étude la considère a minima car insistent les auteurs du rapport beaucoup des auteurs et des victimes des périodes les plus fortes sont morts aujourd’hui. Ils accordent toutefois un taux d’erreur de «50.000», en plus ou en moins.
Le problème, encore une fois, n’est pas le montant de cette «estimation » qui est une hypothèse scientifique mais le fait que cette «estimation» soit devenue une « réalité » pour beaucoup.
C’est cette estimation devenue réalité qui a fait mouche.
Mais sans relativiser quoique ce soit sur la gravité des faits et leur nombre massif, l’estimation statistique est-elle la réalité historique documentée ? […]