De François Hoffman dans Présent :
L’image de Mgr de Moulins-Beaufort à genoux à Lourdes devait avoir du sens. Mis en cause il y a quelques semaines pour avoir affirmé la « supériorité » du secret de la confession sur les lois de la République, l’archevêque de Reims s’est plié à une cérémonie de repentance qui devait satisfaire les victimes des silences de l’Eglise sur les abus commis sur les mineurs. Tout d’abord, ce fut le dévoilement sur le pilier d’une église d’une sculpture d’un enfant qui pleure. Le « temps mémoriel et pénitentiel » a débuté par un mot du secrétaire général de la Conférence des évêques de France, le père Hugues de Woillemont, avant d’être suivi par les allocutions successives de Mgr de Moulins-Beaufort et de Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France.
Puis le geste tant attendu : l’agenouillement de Mgr de Moulins-Beaufort sur le parvis de la basilique de Lourdes avec une prière et des laïcs implorant le Seigneur. A la demande des victimes, les évêques ont prié Dieu : c’est bien à Lui qu’a été adressée la demande de pardon, nonobstant l’ignorance de l’AFP qui indique qu’ils « ont demandé pardon aux victimes d’abus sexuels ». Mais la cérémonie donnait aussi un curieux aspect profane. Ou semi-profane. Des évêques sur le parvis et non dans la basilique de Lourdes ; un Mgr de Moulins-Beaufort en clergyman, tel Willy Brandt agenouillé à Varsovie, mais sans que rien ne rappelle sa qualité d’évêque ; des prières succinctes qui font oublier qu’en matière de supplication l’Eglise dispose de litanies qui auraient pu être employées pour les circonstances. Bref, comme s’il fallait incriminer l’habit liturgique – souillé par des clercs indignes –, la liturgie ou même l’idée de lieu de culte. Quant à la Vierge Marie, elle était étrangement absente dans un sanctuaire qui lui est pourtant dédié…
On aurait pu se croire dans une cérémonie déplorant Hiroshima ou les attaques du 11 septembre 2001… Dans ces temps de crise, était-il vraiment illogique que l’Eglise employât ses propres moyens ? Peut-on répondre à une crise de foi par ce qui contribue à laisser davantage entendre que la foi est un problème et non la solution ?
On mesure comment la souffrance réelle des victimes devient un prétexte pour brouiller toute compréhension sur la mission de l’Eglise. Ainsi, l’une d’elles a demandé à l’Eglise de se « décentrer d’elle-même et se centrer sur les personnes victimes ». On ne peut être que d’accord s’il s’agit de se décentrer pour mieux se recentrer au profit de Dieu et de la foi. Mais le décentrement ne doit pas faire oublier à l’Eglise sa propre vocation. Une Eglise qui oublie le salut des âmes et le péché peut apporter encore plus de confusion que de lumière. Coincés entre les impératifs de la communication et des retombées désastreuses d’un rapport qui dénonce des faits réels sans se priver de propositions ahurissantes, les évêques de France se sont pris au jeu d’une cérémonie terne et sans relief. Un écho aux faibles carrures épiscopales ?