Mgr Marc Aillet a été interrogé dans L’Homme Nouveau sur le rapport de la CIASE. Extrait :
Il y a certes le regard entretenu par le peuple chrétien sur le prêtre, enfermé parfois dans la « bulle du sacré », conduisant non seulement à en faire un « mis à part » (Rm 1, 1), ce qui appartient somme toute à l’identité du prêtre, mais un « séparé », avec un risque d’isolement, de mise sur un piédestal, et donc de distance excessive avec ses frères chrétiens et avec sa propre humanité sujette, comme pour tout un chacun, à des faiblesses et au péché. Mais il y a aussi, à l’inverse, une certaine sécularisation du prêtre qui a pu le conduire à vivre comme tout le monde dans une société où les barrières et les verrous ont sauté de toutes parts. Sans compter la part de pathologie compulsive, mieux identifiée depuis quelque temps par la psychologie et la psychiatrie et pas assez détectée au moment de la formation, qui explique nombre d’abus révélés. On notera aussi que la période 1950-1960 est marquée, après la grande fracture de la Seconde Guerre mondiale, par une flambée des vocations – sans doute pas assez contrôlée du point de vue du discernement et de la formation –, au nom d’une grande générosité qui s’orientera de plus en plus vers l’engagement social ; et paradoxalement, c’est l’époque où l’on commence à enregistrer une grave crise spirituelle du clergé. Dans les années soixante-dix, où s’installe une société de contestation de l’autorité et des interdits, où l’on assiste à l’explosion de l’émancipation sexuelle – jusqu’à lire dans les colonnes de Libération une tribune signée par nombre d’intellectuels faisant comme l’apologie de la pédophilie –, qui n’épargne pas l’Église, et où les évêques sont d’abord préoccupés par le départ d’un nombre important de prêtres, on est moins regardant sur le péché et moins enclin à appliquer des sanctions pénales. Dans le nouveau Code de droit canonique, publié en 1983 pour mettre en œuvre l’ecclésiologie du concile Vatican II, la partie pénale est très insuffisante, au point de faire actuellement l’objet d’une révision, liée pour une large part à la question des abus sexuels dans l’Église.