Paix Liturgique publie ce soir dans sa lettre n°823 le témoignage du père Xavier Catala, un des deux dominicains qui étaient présents au pélérinage organisé par la section espagnole de Notre-Dame de Chrétienté à Covadonga.
Pourquoi avez-vous décidé de participer au pèlerinage de Notre-Dame de Chrétienté Espagne à Covadonga et en quoi cette expérience vous a-t-elle édifié ?
J’ai toujours considéré la liturgie traditionnelle comme une richesse au sein de l’Église. L’Église se réforme, évolue et change. Mais il existe une tradition qui nous maintient liés à ce que nous sommes et à ce en quoi nous croyons. Pendant que j’étais dans notre couvent de Jerez, j’ai eu l’occasion de commencer avec un groupe de fidèles la célébration de la messe traditionnelle. Sans aucune objection du supérieur.
Quand j’ai entendu parler du pèlerinage, j’ai pensé que je devais le soutenir en m’y rendant afin qu’il soit visible au niveau national que la liturgie traditionnelle est une option valable pour les croyants. Et malgré le gros effort physique que cela impliquait (je ne suis plus un enfant), cela m’a semblé une belle manifestation de la foi et d’affirmation de l’identité catholique. Je dois dire que c’est passionnant de voir des jeunes pieux et convaincus de leur foi. Ce n’est pas un mépris pour les personnes âgées, mais il faut reconnaître qu’il n’est pas si habituel de voir une telle attitude chez les jeunes comme on le voit chez les vieux.
En plus, vous l’avez fait avec l’habit dominicain, ce qui est aussi une façon de prêcher… Et en outre, en prêchant, vous avez pu exercer le rôle qui est propre à l’Ordre des Prêcheurs…
Cela aurait été étrange de le faire avec un habit différent… C’était aussi une joie de partager ces journées avec d’autres frères de religion et d’autres religieux appartenant à d’autres ordres ainsi qu’un bon nombre de prêtres diocésains.
Ce fut une véritable manifestation de l’Église en pèlerinage à travers ce monde vers la patrie définitive. C’est vrai, on m’a confié la prédication de l’homélie le jour de l’Apôtre Santiago et j’ai essayé de faire passer le message de l’Evangile, toujours avec l’espoir que Dieu fera germer les graines que nous semons. Les organisateurs ont vu juste en confiant le ministère de la parole aux deux dominicains qui y ont participé. Nous en sommes très fiers !
Comment le fait de pouvoir célébrer la Sainte Messe traditionnelle avec toute sa solennité vous a-t-il aidé spirituellement malgré le fait que dans ce cas il s’agissait d’une messe célébrée en pleine campagne ?
J’ose dire que le contact direct avec la nature a eu une influence positive. Il est vrai que cela a du créer plus d’inconvénients : les organisateurs ont dû travailler deux fois plus, c’était inconfortable pour les fidèles, les intempéries étaient à craindre… Néanmoins, non seulement le moment n’a point manqué de solennité mais il a même été l’occasion de vivre une véritable action sacrée. Personnellement, un pontifical dans une cathédrale peut m’émouvoir autant qu’une simple messe dans un ermitage. Ce fut certainement une joie d’apprécier toute la solennité de la liturgie catholique parmi les massifs rocheux asturiens. Il y a des moments où l’absence de beauté matérielle rend la beauté intrinsèque du sacrement encore plus grande.
Outre la messe et la prédication, de nombreux chapelets ont été récités pendant la marche, parfois chantés. Que signifie le Saint Rosaire pour un dominicain ?
Le Rosaire est un monument de prière. Un délicieux moment pour s’immerger dans l’Évangile de la main de notre Mère. C’est du miel qui coule dans la bouche et dans le cœur. J’avoue que j’ai toujours tendance à rechercher la solitude pour le prier, car je le vois comme une prière contemplative, non répétitive. Pourtant, il y a aussi le fait que notre foi dévotionnelle s’exprime communautairement et ainsi nous la partageons, l’enrichissons, la fraternisons et la rendons visible. Quand aujourd’hui tout fonctionne à base de propagande et d’images, c’est très bien que le Saint Rosaire soit aussi visible. Pendant le pèlerinage on a pu le réciter en espagnol, en latin, récité ou chanté… Quel bonheur !
Saint Dominique a combattu l’hérésie albigeoise. De nos jours, quelle est la principale hérésie en nos vies ?
Saint Dominique s’est attaqué à un problème spécifique à un moment précis de l’histoire. Un nombre non négligeable de personnes, confrontées à la corruption patente de l’Église, avaient choisi de lui tourner le dos en déformant la foi. Le problème a toujours été le même depuis Adam et Eve : l’orgueil. L’orgueil qui se guérit par l’humilité, qui est la source de toutes les vertus. Saint Dominique était humble : se sentant fils de l’Église, il s’approcha des hérétiques, adoptant leur style de vie simple et leur montrant la beauté de la Parole de Dieu.
Nous sommes confrontés aujourd’hui à l’orgueil porté au plus haut degré : il y a une croisade civile pour imposer l’idéologie de l’autonomie morale de la personne. Il faut être très sensible pour avoir une telle connaissance de soi qu’on ne tombe pas dans l’erreur de se croire autosuffisant. La bonne nouvelle est que le Seigneur suscitera toujours des saints réformateurs pour nous rappeler quelle est la bonne direction.
Il y avait beaucoup de familles catholiques, l’environnement propice aux nouvelles vocations…
C’est de cela qu’il s’agit. J’espère que les enfants et les adolescents qui y ont participé auront renforcé leur foi et seront préparés pour l’appel du Seigneur, qui pourvoit toujours aux besoins de son Église avec des vocations au sacerdoce, à la vie consacrée et à la vie de famille.
J’en étais déjà bien conscient. Il ne fallait donc pas qu’ils me le démontrent si « durement »… (sourire).
Pourquoi est-il important que des rencontres comme celle-ci, avec autant de fruits, se consolident dans le temps ?
C’est précisément pour cette raison-là, afin qu’ils puissent continuer à porter du fruit. Le fait que la liturgie traditionnelle soit rendue visible, et d’une certaine manière institutionnalisée, à travers ce pèlerinage, aidera à faire en sorte que cette liturgie puisse s’installer graduellement en Espagne comme quelque chose de normal. Ici, elle est encore considérée un peu comme quelque chose « d’étrange », au lieu d’être considérée comme une option de plus parmi les styles différents qu’on peut trouver dans l’Église. Ce ne sont pas les adeptes de la liturgie traditionnelle qui ont fait de la liturgie de l’Église un marché, où chacun prend et laisse ce qu’il veut. Pour nous, c’est la réintégration dans notre vie chrétienne de quelque chose qui n’aurait pas dû être perdu, mais pour beaucoup c’est aussi une découverte qui les convainc et les édifie. C’est donc une obligation morale de la faire connaître.
Bravo et merci à ce bon père pour ce témoignage ! Au fait, est-il au courant qu’il y a TC dorénavant ??? Il est carrément à contre-courant, c’est trop bien !
Merci à PL !