Mais à partir du 14 septembre.
Amis, je serai en mode pause longue durée sur les réseaux sociaux à compter du 14 septembre prochain. Vous pourrez retrouver ma parole sur @DiocesedeGap
Abonnez-vous vite ! Détails sur mon discernement : https://t.co/L2MQ1eSErn pic.twitter.com/QeZfAXdEop— Mgr Xavier MALLE (@MgrXavierMALLE) September 4, 2021
Il explique :
Après avoir déjà goûté au “mode pause” sur les réseaux sociaux… pendant des vacances et des retraites spirituelles, après avoir réfléchi, pris conseil et prié, j’ai discerné un temps d’arrêt de longue durée, à partir du 14 septembre 2021, fête de la Croix Glorieuse.
Vous pouvez d’ici là me poster ce que cette décision vous inspire. Je resterai uni par la prière avec toutes les personnes rencontrées sur les réseaux sociaux. Ma parole continuera à être portée par les réseaux sociaux du diocèse de Gap, compte Twitter et page Facebook, auxquels je vous invite à vous abonner : @DiocesedeGap.
C’est une réflexion de plusieurs mois qui aboutit ce jour.
UN ÉVÊQUE DOIT-IL ÊTRE PRÉSENT SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX ?
Disons d’abord qu’il y a différentes manières d’y être présent.
Ne pas y être ; c’est le cas de la plupart des évêques.
Y être comme un outil de communication géré par un service communication : présentation de l’agenda de l’évêque, des extraits de ses homélies et de ses textes (comme font les services du pape et de beaucoup d’évêques).
Y être comme un lieu de présence pastorale sur ce “7ème continent numérique” (expression de Benoît XVI). Cela veut dire une présence soutenue, accepter de rentrer en contact, accepter la contradiction, alterner humour et réflexion, y livrer un peu de sa vie quotidienne, etc… C’est ce que j’ai essayé de faire.
Mais après des années de présence sur les réseaux sociaux, d’abord comme curé puis comme évêque, je suis revenu de mon enthousiasme initial. Le pape François parle de « l’illusion de la communication » (Fratelli Tutti 42 et suivants)
AUJOURD’HUI, J’Y VOIS PAS MAL D’INCONVÉNIENTS !
Les réseaux sociaux sont une loupe grossissante concernant l’auteur des tweets ou posts Facebook.
Ainsi en ce qui me concerne certains ont vite fait de me cataloguer par exemple dans les catégories politiques, pensant que je suis de droite quand je défends la vie à naître ou une fin de vie naturelle sans euthanasie ou à l’inverse de gauche quand je parle des réfugiés qui passent par nos montagnes. Effectivement, un évêque n’a pas à être de droite ou de gauche ; il est le pasteur de tous. Mais sa mission est de chercher quels sont les critères de discernement conformes à l’Évangile et à la doctrine sociale de l’Église et de les partager.
D’autres pensent que je me focalise trop sur certains sujets ou que passe trop de temps sur ces canaux : c’est sans doute en partie vrai. Le résultat est une vision déformée de l’auteur des posts ou tweets.
Twitter et Facebook sont un microcosme avec également un effet grossissant des réactions.
En réalité chers amis, pardon de vous le dire et n’y voyez aucun dédain, mais vous n’êtes pas grand monde ! Et les plus bruyants encore moins !
La parole d’un évêque l’engage plus que lui-même.
Je suis bien conscient que la parole de l’évêque est aussi celle de l’Église tout entière et de tout le diocèse, car les « followers » ne font pas la différence. C’est parfois une ligne de crête difficile à tenir, car sur certains sujets le diocèse ne peut pas être impliqué.
L’exemple de la question du loup est intéressant : en tant qu’évêque au contact des agriculteurs de mon diocèse, je porte une parole de consolation envers eux. Lors d’une visite pastorale en paroisse, j’ai vu pleurer une éleveuse après que son troupeau eut été décimé. Je porte aussi une parole publique sur le sujet – il faut réguler la présence du loup -, mais est-ce que le diocèse a à prendre position sur cette question, qui peut diviser les diocésains ? C’est une question difficile à trancher.
La presse est demandeuse d’une parole épiscopale.
Positivement, les réseaux sociaux sont devenus des lieux sources d’information pour les journalistes. Certains d’entre eux m’appellent parce qu’ils m’y lisent. Je refuse régulièrement de répondre, soit que le sujet n’est pas dans ma mission épiscopale haut-alpine, soit que je ne me sente pas assez armé pour répondre.
Négativement, un journaliste peut être tenté d’utiliser une parole hors de son contexte. Le risque est alors un emballement médiatique incontrôlable ; les médias se copiant souvent les uns les autres.
L’immédiateté est dangereuse.
Ce risque est renforcé par ma réactivité naturelle. Il faudrait écrire un tweet et selon une bonne tradition sacerdotale, « laisser passer une messe et une nuit » ! Mais c’est le plus souvent impossible sur les réseaux sociaux, alors on manque souvent de recul.
J’ai régulièrement demandé à des amis de me dire s’ils trouvaient qu’un tweet n’était pas adapté. Il faut alors avoir l’humilité de reconnaître que l’on s’est trompé et effacer son post. Je l’ai fait souvent, mais pas toujours !
Agressivité sans pudeur (Fratelli Tutti 44)
J’ai subi beaucoup de violences verbales sur les réseaux sociaux. Comment l’expliquer ?
Pour animer dynamiquement un réseau social, il faut alterner posts sérieux, humour, et livrer un peu de sa vie personnelle. Les commentaires reçus sont parfois déplacés, voire tout simplement méchants.
Des sujets font rapidement monter la tension. Ainsi l’accueil des réfugiés, la pandémie Covid 19 et le vaccin… Voulant dialoguer avec mes contradicteurs, en réalité c’est impossible : les personnes se font une idée personnelle puis ne cherchent sur les réseaux sociaux que des confirmations de leurs idées et ne lisent pas les arguments et liens vers des articles que vous leur indiquez. C’est le royaume des fausses informations.
Et puis l’anonymat, choisi par certains, peut désinhiber leur savoir-être.
Finalement, est-ce que moi-même personnellement, j‘ai toujours réussi dans la bienveillance à “répandre sur tous les hommes la clarté du Christ” (Vatican II – Lumen Gentium 1) ?
Risque de dépendance ou au moins d’un attachement.
Le risque est de penser : on m’aime, voyez le nombre de personnes qui me suivent sur Twitter ou Facebook ! J’ai beaucoup d’amis… Après quelques mois d’épiscopat, j’avais créé des comptes officiels, séparés des comptes privés. Puis suivant des conseils, j’ai supprimé mes comptes personnels préalables, car je me livrais trop.
Mais ne suis-je pas trop attaché à ces nouveaux comptes officiels ? Ne suis-je pas trop riche de cette reconnaissance sociale ? Que répondre à la proposition de Jésus au jeune homme riche (Matthieu 19) ? : « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux. Puis viens, suis-moi. »
Est-ce que ces réseaux sociaux ne me dispersent pas trop ? Et m’empêchent d’être « un en Christ » ? : « Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. » Jean 17, 21 Suis-je prêt à abandonner MES réseaux sociaux ! ? Suis-je prêt à cette ascèse ?
C’EST QUE D’UN AUTRE CÔTÉ IL Y A BIEN QUELQUES ASPECTS INTÉRESSANTS !
Internet et les réseaux sociaux sont devenus pour moi un moyen privilégié de m’informer personnellement et de réfléchir.
Je fais attention aux sites sur lesquels je surfe, pour éviter les fake-news, et j’aime partager des articles qui m’ont fait réfléchir, même si je ne suis pas forcément d’accord avec tout, en indiquant “pour réfléchir”. Mais qui prend le temps de lire ces articles de fond souvent longs ?
C’est une présence et une parole, épiscopale, sur ce continent numérique.
Certains disent : « l’évêque (ou l’épiscopat) ne dit rien. » En fait, l’évêque en question parle mais il n’est pas entendu… des twittos car il n’est pas sur les réseaux sociaux !
Certes, la parole de l’évêque est attendue, mais quand elle déplaît, il est facile de dire que ce n’est pas son rôle d’intervenir sur ce sujet-là. Certains veulent ainsi interdire aux évêques de parler sur les questions sociales, les enfermant finalement dans des questions de sacristie : un évêque “ne devrait pas dire cela” (le drame des réfugiés, le drame des éleveurs confrontés aux loups…) mais ne parler que de Dieu !
Je réponds avec ce que dit le Concile Vatican II dans Gaudium et Spes 1 : “Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur.”
Dans ma bulle de nomination épiscopale signée par le Pape François, il est écrit : « Nous considérons les tâches que tu exerces dans les affaires étroitement liées à l’intérêt de la cité, ainsi que ton intense activité au service de l’Église. » J’y avais vu un encouragement !
Pour quelques-uns d’entre vous, cela a pu être un soutien, surtout pendant les confinements de cette crise Covid 19.
C’est une forme de proximité auprès des chrétiens du diocèse et au-delà. J’ai d’ailleurs eu la joie de rencontrer certains d’entre vous en vrai, en présentiel, par exemple au Sanctuaire Notre-Dame du Laus. Mais dans Fratelli Tutti, le pape François note la pauvreté de ces relations virtuelles (voir en annexe).
Peut-on évangéliser sur internet ?
Beaucoup le disent et … le font.
Si elle est attendue, il est indéniable que la parole des institutions en générale et de l’Église en particulier (avec la crise de la pédocriminalité) est aussi dévalorisée. Certains en profitent pour demander aux pasteurs de se taire. Je ne suis pas certain que ce soit dans la mission de l’évêque de se taire ! Certes les pierres crieront, mais les mêmes personnes reprocheront ensuite le soi-disant silence de l’Église.
J’ai beau avoir quelques points d’attention : comment placer la parole de Dieu dans ces prises de parole ? … est-ce que ma parole transmet l’espérance chrétienne ? … je n’ai en définitive pas le sentiment d’évangéliser sur les réseaux sociaux.
La balance, voyez-vous, penche dangereusement vers les inconvénients à 7 contre 4 !
Ma question est : ma mission épiscopale est-elle mieux remplie ou moins bien par une présence nourrie sur les réseaux sociaux ? En réalité je ne suis pas satisfait de la situation. Alors…
QUELLE SOLUTION ?
Sortir des réseaux sociaux, clôturer mes deux comptes officiels Twitter et Facebook, sachant que les comptes diocésains peuvent relayer ma parole ?
Mettre en place une relecture avant mise en ligne ? Mais c’est illusoire pour rester “habiter” ce continent. Cela devient alors simplement de le transformer en moyen de communication.
Choisir des périodes de non-activité sur les réseaux sociaux ? Ainsi la période avant les élections présidentielles, comme celle de la pandémie, s’annonce pleine de tension, comment garder la hauteur de vue ?
Prendre du recul avec une pause plus longue ?
Après toutes ces considérations, et après avoir soumis ce texte à des frères évêques et à d’autres personnes pour me conseiller, j’ai donc discerné d’une pause plus longue. Ma parole sera relayée par les réseaux sociaux du diocèse de Gap : https://www.facebook.com/DiocesedeGap et https://twitter.com/DiocesedeGap.
À nous revoir … en vrai !
Fraternellement en Christ,
Mgr Xavier Malle